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18/10/2024 | FRANCE | N°24NT01792

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 18 octobre 2024, 24NT01792


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2306566 du 16 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 juin 2024 Mme A..., représentée par Me Maony...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2306566 du 16 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2024 Mme A..., représentée par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 du préfet du Finistère refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer dans le délai d'un mois une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en présumant valide l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation du 9° de l'article L. 611-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le Cameroun comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que les personnes porteuses du VIH sont ostracisées au Cameroun.

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... sont dépourvus de fondement.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 425-11, R. 425-12, R. 425-13 et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- et les observations de Me Grolleau, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité camerounaise, née en 1979, a demandé le 5 janvier 2023 un titre de séjour en qualité d'étrangère malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 30 juin 2023 le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré par Mme A... de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit " en présumant valide " l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu sur sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. Mme A... est atteinte du syndrome d'immunodéficience acquise, de tuberculose osseuse et souffre de dépression nerveuse. Pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet du Finistère s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, cette dernière peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié pour ses différentes affections.

Mme A... persiste à soutenir, à hauteur d'appel, s'agissant de son syndrome d'immunodéficience acquise, que les médicaments Triumeq(r) et Bactrim(r) qu'elle prend dans le cadre de son traitement anti-rétroviral ne sont pas disponibles dans son pays d'origine. Elle se prévaut également de ce que les personnes séropositives ou atteintes du SIDA sont l'objet de discriminations au Cameroun, ce qui rend l'accès aux soins difficile et de ce que ces derniers sont très coûteux de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle pourrait personnellement avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le suivi des infections par le VIH est disponible à l'hôpital général de Yaoundé et que les molécules abacavir, dolutegravir et lamivudine composant le Triumeq(r) et sulfamethoxazole et trimetoprime composant le Bactrim(r) sont disponibles à la pharmacie de l'hôpital général de Yaoundé. Par ailleurs, s'agissant du coût du traitement, il résulte des données du programme ONUSIDA des Nations-Unies de 2022 que 98 % des femmes camerounaises se sachant porteuses du VIH bénéficient d'un traitement antirétroviral. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :(...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

6. Les moyens tirés de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les motifs retenus au point 4 ci-dessus.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

7. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

8. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus au sujet de l'accessibilité aux soins des femmes camerounaises se sachant affectées par le VIH, il n'est pas établi que la requérante court le risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Cameroun. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que sa demande au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Finistère et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24NT01792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01792
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;24nt01792 ?
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