Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E..., Mme C... D... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision du 16 février 2022 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour Mme E... en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française.
Par un jugement n°2208441 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, Mme E..., Mme D... et M. A..., représentés par Me Rodrigues Devesas, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que Mme E... justifie être dépourvue de ressources propres et être à la charge de sa fille, Mme D..., de nationalité française, d'autre part, que Mme D... justifie pourvoir régulièrement aux besoins de sa mère, Mme E..., et disposer de revenus suffisants pour la prendre en charge ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... E..., ressortissante sénégalaise née le 10 mai 1957, a sollicité auprès des autorités consulaires de Dakar (Sénégal) la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge de sa fille de nationalité française, Mme C... D... épouse A.... Par une décision du 16 février 2022, les autorités consulaires ont refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E..., de Mme D... et de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours. Mme E... et autres relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour présentée par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant français, les autorités consulaires peuvent légalement fonder leur décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
3. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur et des outre-mer que, pour rejeter la demande de visa présentée par Mme E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que cette dernière ne justifie pas de moyens d'existence insuffisants ni être à la charge de sa fille.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E..., née en 1957, veuve depuis 2010, n'exerce aucune activité professionnelle salariée et qu'elle percevait, à la date de la décision contestée, une pension de réversion d'un montant mensuel de 13 302 francs CFA, soit un montant mensuel de 20 euros. Les requérants font valoir, sans être contredits sur ce point par le ministre, que le montant de cette pension de réversion est inférieur au salaire moyen mensuel au Sénégal, estimé en 2019 par le ministère de l'économie, du plan et de la coopération du Sénégal à 89 730 francs CFA, soit environ 140 euros. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que Mme D..., fille de Mme E..., envoie à cette dernière des mandats financiers depuis 2016, ceux-ci n'atteignent des montants conséquents, supérieurs au salaire moyen mensuel sénégalais, qu'à compter de 2021. En outre, les relevés du compte bancaire de Mme E... ouvert auprès d'une banque sénégalaise font état, sur la période courant du 1er janvier 2020 au 31 janvier 2022, de versements importants sans correspondance avec les montants des mandats effectués par Mme D... sur cette même période, versements au sujet desquels il n'est pas fourni d'explication. Enfin, il n'est pas allégué, ainsi que le fait valoir le ministre, que Mme E... ne disposerait pas de logement qui lui serait propre. Les requérants n'établissent pas, dès lors, l'absence de toute ressource propre de Mme E... ou de ressources d'un montant insuffisant pour subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes. Il s'ensuit, alors même que la fille de Mme E... procèderait à des virements en sa faveur et disposerait des ressources nécessaires pour assurer sa prise en charge en France, que Mme E... ne peut être regardée comme étant effectivement à la charge de sa fille. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le visa sollicité au motif que Mme E... ne peut être regardée comme ascendante à charge de ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision implicite d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
6. Si Mme E... soutient qu'elle est veuve depuis le 2 juin 2010, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas isolée au Sénégal où elle a toujours vécu et où continuent de résider deux de ses cinq enfants, l'un à Dakar et l'autre à Kaolack, commune qui se situe à une trentaine de kilomètres du lieu de résidence de Mme E.... Si elle fait valoir son souhait de voir plus souvent sa petite-fille, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa fille et sa petite-fille, de nationalité française, seraient dans l'incapacité de lui rendre visite au Sénégal ni qu'elle ne serait pas en mesure de solliciter des visas de court séjour pour rendre visite à sa famille comme elle l'a, d'ailleurs, déjà fait en 2018 et 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... et autres, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme E... et autres la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à Mme C... D..., à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. F...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT01407