Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 avril 2022 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de délivrer à M. C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français.
Par un jugement n° 2212498 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2023 M. B... et Mme A... C..., représentés par Me Rodrigues Devesas, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 4 août 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que leur union n'est pas frauduleuse ; leur mariage a été transcrit ; il ne présente pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- et les observations de Me Leroy, substituant Me Rodrigues Devesas, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 5 juillet 1994, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de français auprès de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) qui a rejeté cette demande par une décision du 13 avril 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 4 août 2022. M. et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 16 juin 2023 rejetant leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait inversé la charge de la preuve du caractère frauduleux du mariage est inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Oran, sur la circonstance que le mariage a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ".
5. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.
6. M. et Mme C... se sont mariés le 10 février 2021 à Ghazaouet (Algérie), après que la précédente union de Mme C... eut été dissoute par une décision du 6 février 2020 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny. Pour établir que cette union a été célébrée à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, le ministre fait valoir l'absence de communauté de vie et de relation sentimentale antérieure ou postérieure à la date du mariage, et relève que M. C... ne participe pas aux charges du mariage et que les époux ne présentent pas un véritable projet de vie commune. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C..., qui indiquent s'être rencontrés en 2018 en Algérie, n'ont jamais résidé ensemble avant ou après la date de leur union. Par ailleurs, et alors que le ministre fait valoir l'absence de communauté de vie et de relation sentimentale entre les époux, les seules photographies produites ne permettent pas d'établir les conditions des séjours en Algérie de Mme C..., ressortissante franco-algérienne, ni que ceux-ci auraient eu pour but de rejoindre son compagnon. Il en va de même des preuves d'échanges électroniques, qui concernent seulement les années 2022 à 2024, ne sont pas traduites en français et font figurer des échanges entre " Nono " et " Hayati ", ou entre des personnes portant d'autres noms que ceux des requérants. Les pièces du dossier ne permettent donc pas de démontrer la réalité des échanges entre M. et Mme C..., ni l'existence d'une vie commune effective entre les intéressés, cette dernière étant remise en cause par le ministre. En outre, la réalité de l'intention matrimoniale ne résulte pas, en l'espèce, de la circonstance que Mme C... soit engagée dans un parcours de procréation médicalement assistée. Enfin, eu égard au motif de la décision contestée énoncé au point 3, la circonstance que M. C... ne présente pas une menace à l'ordre public est sans incidence sur sa légalité. Au vu de ces éléments, et bien que le mariage ait été transcrit sur les registres de l'état civil français, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'une fraude de nature à justifier légalement, conformément aux dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de visa sollicité.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02362