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15/10/2024 | FRANCE | N°23NT01868

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 15 octobre 2024, 23NT01868


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C..., agissant en qualité de représentante légale de la jeune A... C... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 septembre 2022 de l'autorité consulaire française au Cameroun refusant de délivrer à la jeune A... C... D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudi

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Par un jugement n° 2215628 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., agissant en qualité de représentante légale de la jeune A... C... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 septembre 2022 de l'autorité consulaire française au Cameroun refusant de délivrer à la jeune A... C... D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante.

Par un jugement n° 2215628 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2023 le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient qu'il existe un risque de déplacement international illicite de l'enfant ; il n'est pas établi que le père de l'enfant aurait consenti à sa sortie du territoire ; l'autorisation de sortie du territoire produite présente une signature du père de l'enfant qui est contrefaite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2023, Mme B... C..., agissant en qualité de représentante légale de la jeune A... C... D..., représentée par Me Bella Etoundi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune A... C... D..., ressortissante camerounaise née le 17 janvier 2005, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité d'étudiante auprès de l'autorité consulaire française au Cameroun, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 6 septembre 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. Mme C..., en sa qualité de représentante légale de la jeune A... C... D..., a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement de ce tribunal du 27 avril 2023 annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises au Cameroun, sur les circonstances que les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables et qu'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que l'intéressée séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles un visa pour études a été sollicité.

3. Le tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision contestée, en a censuré les deux motifs énoncés au point précédent. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre, qui relève appel de ce jugement, a fait valoir en première instance, comme en appel, un nouveau motif fondé sur la circonstance que le père de l'enfant n'a pas consenti à la sortie du territoire de la jeune A..., un tel motif étant de nature à légalement fonder la décision contestée.

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Il ressort des pièces du dossier que le père de la jeune A... C... D..., a, le 21 septembre 2022, consenti à ce que celle-ci quitte le Cameroun afin de poursuivre sa scolarité au sein de la faculté de sciences économiques, sociales et des territoires de l'université de Lille. Si le ministre fait valoir que la signature du père de l'intéressée figurant sur l'autorisation parentale a été contrefaite, toutefois il ne l'établit pas alors que cette autorisation a fait l'objet d'une procédure de certification matérielle de la signature par un officier de police de Yaoundé le jour de sa signature. Par ailleurs, si la mère de la demanderesse de visa a indiqué, le 6 septembre 2022, qu'elle ne pouvait produire une autorisation du père de la jeune A... C... D... dès lors qu'elle n'entretenait plus de liens avec le père de l'enfant compte tenu de la procédure de divorce en cours, cette seule circonstance ne permet pas non plus d'établir que l'autorisation produite le 21 septembre 2022 présenterait un caractère inauthentique. Dans ces conditions, la demande de substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France au Cameroun du 6 septembre 2022 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01868
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BELLA ETOUNDI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23nt01868 ?
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