Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 du préfet du Finistère portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2400203 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, M. A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que depuis la naissance de son enfant, il vit avec lui et participe à son entretien et à son éducation indépendamment de la condamnation pour des faits de violences conjugales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il ne présente pas une menace à l'ordre public ;
- cette décision porte atteinte aux stipulations des articles 3-1 et 7-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il présentait des garanties de représentation suffisantes et aucun risque de fuite ;
- la décision portant interdiction de retour en France est contraire aux dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision porte atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Thullier, substituant Me Maony, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2024 du préfet du Finistère portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant une durée de trois ans.
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet du Finistère, que M. A... est le père d'un enfant, né à Morlaix le 30 septembre 2023, de nationalité française, issu de sa relation avec une ressortissante française, et que le foyer vit à la même adresse. En outre, le requérant justifie, par les quelques pièces qu'il verse aux débats, alors qu'il ne dispose d'aucune autorisation de travail et ne justifie, en conséquence, d'aucune ressource stable, contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil de son enfant âgé d'à peine plus de trois mois à la date de l'arrêté en litige. La mère de l'enfant a par ailleurs attesté que l'intéressé s'occupe au quotidien des tâches ménagères et de leur enfant lorsqu'elle travaille. Par suite, et en dépit de sa condamnation à 8 mois d'emprisonnement avec sursis prononcée le 16 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Brest pour violences conjugales, en application des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point précédent, M. A... ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Finistère lui a fait obligation de quitter le territoire français.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 12 janvier 2024 par le préfet du Finistère. L'annulation de cette décision entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. D'autre part, selon l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
7. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle résultant des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au représentant de l'Etat de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, jusqu'à ce qu'il ait été statué à nouveau sur son cas, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros hors taxe.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2400203 du 12 avril 2024 du tribunal administratif de Rennes ainsi que l'arrêté du préfet du Finistère du 12 janvier 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait statué à nouveau sur son cas.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros hors taxe.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01447