Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de renouveler son titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen un récépissé valant autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Par un jugement n° 2203863 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2024 et 6 septembre 2024, M. C... représenté par Me Vervenne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen un récépissé valant autorisation de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge du préfet du Finistère la somme de 2 000 € à Me Vervenne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la commission du titre de séjour devait être consultée en application de l'article L. 432-13, 5° et de l'article L. 412-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les articles L. 423-7 et L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France en estimant qu'il ne contribuait pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux filles mineures ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant dominicain né le 11 avril 1984, s'est marié avec Mme D... B..., de nationalité française le 7 octobre 2014 à Saint-Domingue (République dominicaine). De son union avec Mme B... sont nés deux enfants de nationalité française, Maeva et Hannah, nées à Saint-Domingue les 30 octobre 2014 et 28 novembre 2015. M. C... est venu vivre en France, dans la famille de son épouse, le 25 septembre 2016 sous couvert d'un visa Schengen " vie privée et familiale ", valable du 12 septembre 2016 au 12 septembre 2017. En juillet 2018, M. C... s'est séparé de son épouse alors qu'il bénéficiait du renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale " avec autorisation de travail, au titre de la période courant du 13 septembre 2017 au 12 septembre 2019. Le 16 octobre 2018, une ordonnance de non-conciliation entre époux a été rendue. Le titre de séjour de M. C... été renouvelé jusqu'au 5 septembre 2021. Le 10 septembre 2021, M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le 24 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lorient a prononcé le divorce de M. C... et de Mme B.... Le 8 février 2022, le préfet du Finistère a refusé de renouveler la carte de séjour pluriannuelle de M. C... en tant que parent d'enfant français au double motif que celui-ci ne justifiait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux filles de nationalité française, le requérant étant séparé de la mère de ces dernières depuis juillet 2018, et qu'il représentait une menace pour l'ordre public. Par un jugement du 18 septembre 2023, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 février 2022.
2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " et de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire (...) ".
3. Il ressort de l'attestation de Mme B... en date du 27 décembre 2021 que M. C... s'est acquitté de la contribution financière pour l'entretien et l'éducation de ses deux filles d'un montant de 260 euros par mois conformément à l'ordonnance de non conciliation entre époux du 16 octobre 2018 confirmée par le jugement de divorce du 24 septembre 2021. Il résulte néanmoins de ce même jugement que M. C... a été privé par le juge aux affaires familiales de l'exercice de l'autorité parentale en raison des conditions d'accueil non sécurisées qu'il réservait, à son domicile, à ses filles. Il apparaît par ailleurs que M. C... n'a plus exercé son droit de visite et d'hébergement tel que fixé par l'ordonnance de non-conciliation du 16 octobre 2018 à partir du début de l'année 2019 soit pendant une période de deux années. En outre, en dépit des demandes du préfet du Finistère, il n'a produit aucun document de nature à établir qu'il aurait exercé son droit de visite postérieurement à son jugement de divorce ni même qu'il aurait cherché à rencontrer ses filles ou être informé par son ex-épouse, seule titulaire de l'autorité parentale, des conditions d'entretien et d'éducation de ses enfants. Dans ces conditions, M. C... ne peut être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants au sens des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-7 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Le préfet de police n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour mentionné à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance ou le renouvellement d'un tel titre.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. C... ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée avant que le préfet de police statue sur sa demande de titre de séjour. Par ailleurs, s'il se prévaut de l'article L. 412-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel " La décision de refus de renouvellement ou de retrait d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ", cet article, qui est issu de l'article 46 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, n'est entré en vigueur qu'à compter du 28 janvier 2024, soit postérieurement à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 412-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. C... établit participer financièrement à l'entretien de ses deux filles, il ne justifie pas avoir maintenu des relations avec ces dernières ainsi qu'il est indiqué au point 3 ci-dessus. Au regard des éléments de fait relatifs à la vie privée et familiale de M. C... ainsi mentionnés, le préfet a pu refuser le renouvellement de son titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...).
9. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Au regard de ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision attaquée le préfet du Finistère aurait omis de porter une considération primordiale à l'intérêt supérieur des deux filles de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00464