Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 février 2020 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé mentale (EPSM) Etienne Gourmelen de Quimper l'a placé d'office à la retraite à compter du 1er mars 2020.
Par un jugement n° 2001680 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 28 juillet 2023, 3 mai et 18 juin 2024, ce dernier non communiqué, Mme B..., représentée par Me Pasquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 mai 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 5 février 2020 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à l'EPSM Etienne Gourmelen de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'EPSM Etienne Gourmelen le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête comprend une critique du jugement attaqué ;
- les premiers juges n'ont pas spécifiquement répondu au moyen tiré de la disproportion de la sanction ;
- la décision du 5 février 2020 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et constitue une sanction disproportionnée ;
- il n 'est pas établi que la composition du conseil de discipline était régulière ;
- l'avis du conseil de discipline a été rendu en méconnaissance des droits de la défense ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle se fonde sur des faits anciens de plus de trois ans et donc prescrits, qui en outre ont déjà été sanctionnés.
Par des mémoires, enregistrés les 17 janvier et 4 juin 2024, l'établissement public de santé mentale (EPSM) Etienne Gourmelen de Quimper, représenté par Mes Allaire et Clairay, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.
- les observations de Me Clairay, représentant l'ESPM.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui est née en 1959, a été titularisée dans ses fonctions de ... au cours du mois de mai 2007. Depuis septembre 2009, elle est affectée au sein de l'établissement public de santé mentale (EPSM) Etienne Gourmelen de Quimper. Par une décision du 5 février 2020, le directeur de cet établissement a prononcé sa mise à la retraite d'office au 1er mars 2020. Mme B... relève appel du jugement du 26 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des écritures de première instance, que Mme B... a contesté devant le tribunal administratif les manquements qui lui sont reprochés en évoquant " l'erreur d'appréciation " dont serait entachée la sanction prononcée à son encontre. Si elle a cité la décision du Conseil d'Etat n° 347704 du 13 novembre 2013, en rappelant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'examiner si les griefs reprochés à un agent sont de nature à justifier une sanction et si celle-ci est proportionnée à la faute éventuellement commise, elle n'a toutefois développé aucun argument de nature à remettre en cause la proportion de la sanction litigieuse. Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant entendu soulever ce moyen, lequel est distinct de celui se rapportant à la matérialité des faits à l'origine de la sanction. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en omettant de répondre à ce moyen, les premiers juges auraient entachés d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur la légalité externe de la décision contestée :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le 21 décembre 2019, Mme B... a retiré le pli contenant sa convocation devant le conseil de discipline dont la séance était fixée au 22 janvier suivant et que ce courrier lui précisait notamment qu'elle pouvait solliciter le report de cette réunion ainsi que le prévoit l'article 5 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière. Si l'intéressée soutient avoir effectué une démarche en ce sens par un courrier du 14 janvier 2020, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que l'établissement aurait reçu cette lettre, qui n'a été postée que le 17 janvier 2020, avant la séance prévue du conseil de discipline. En outre, le certificat médical du vendredi 17 janvier 2020, dont elle se prévaut et qui était annexé à ce courrier, se borne à préciser que son état de santé nécessite le report de la séance du conseil de discipline, sans indiquer que l'intéressée aurait été dans l'incapacité, en raison de sa pathologie, de demander le report de cette réunion avant cette date. Dans ces conditions, la requérante, qui ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité de se faire représenter devant cette instance paritaire, n'est pas fondée à soutenir qu'en maintenant la réunion du conseil de discipline à la date du 22 janvier 2020, les droits de la défense auraient été méconnus.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. / (...) / Afin de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, les membres représentant l'administration sont choisis en respectant une proportion minimale de 40 % de femmes et d'hommes. (...) " et aux termes du dernier alinéa de l'article 7 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière, en sa rédaction alors en vigueur : " Pour la désignation de ses représentants, l'administration respecte la proportion de 40 % fixée à l'article 20 de la loi du 9 janvier 1986 (...). Cette proportion est calculée sur l'ensemble des membres représentant l'administration, titulaires et suppléants. ". Il ressort du procès-verbal du conseil de discipline que l'administration était représentée par deux personnes du sexe masculin et une personne du sexe féminin et qu'ont également siégé trois représentants du personnel, dont deux femmes et un homme. Par suite, le moyen tiré de ce que la composition de cette instance serait irrégulière manque en fait et ne peut, en tout état de cause s'agissant du non-respect de l'obligation de parité prévue par les articles 20 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière alors en vigueur et 7 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière dans sa version alors applicable, qu'être écarté.
Sur la légalité interne de la décision contestée :
5. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. En premier lieu, il est reproché à Mme B... le non-respect de ses horaires de travail, l'absence de service fait, le non-respect des consignes hiérarchiques ainsi que des retards lors des rendez-vous prévus avec les familles d'accueil. Il ressort des pièces du dossier que lors de ses évaluations des années 2017, 2018 et 2019, ces difficultés organisationnelles ont été régulièrement évoquées. L'établissement, qui dénonce notamment 69 retards au cours de la période du 1er avril au 31 décembre 2018 et 55 heures 30 de travail non assuré, a produit de nombreux courriels d'un cadre de santé et un tableau de pointage en attestant. Il justifie en outre des nombreux rappels à l'ordre qui lui ont été adressés au cours de ces dernières années. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'à compter du mois d'avril 2018 l'établissement a imposé à Mme B..., compte tenu de son manque de rigueur dans la gestion de son temps de travail, une obligation de badger, et que l'intéressée a cessé de respecter cette obligation à compter du 5 avril 2019, sans aucune justification. Si Mme B... fait valoir devant le juge qu'elle était la seule ... à se voir imposer cette contrainte, ainsi qu'il vient d'être dit, cette mesure avait été mise en place par la direction de l'EPSM en raison des manquements antérieurement constatés. Par ailleurs, Mme B... évoque sa qualité de personne aidante auprès de sa mère, sans toutefois expliquer l'absence de modification de son comportement au-delà du mois de décembre 2016, au cours duquel le décès de sa mère est survenu. De plus, la requérante évoque la dégradation de ses conditions de travail qui serait à l'origine de ses problèmes de santé. Toutefois, si par un premier courrier du 22 décembre 2017, elle a dénoncé une situation de harcèlement moral et même dans son courrier du 18 décembre 2019 une " maltraitance institutionnelle généralisée " initiée par sa cheffe de pôle, l'intéressée ne justifie, ni avoir sollicité la protection fonctionnelle, ni avoir engagé une procédure pénale à raison de tels faits, alors que les témoignages mentionnés au procès-verbal du conseil de discipline font au contraire état du comportement inapproprié de la part de Mme B... à l'encontre de plusieurs de ses collègues. Ses évaluations professionnelles des années 2017, 2018 et 2019 font état de ses difficultés de positionnement au sein des équipes, lesquelles ont parfois nécessité des changements d'affectation. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme B... ne respectait pas les dates et horaires des réunions qu'elle avait programmées avec les familles d'accueil des enfants et adolescents suivis par l'établissement. Outre le manque de respect à l'égard de ces personnes extérieures à la structure, ces contretemps généraient un surcroît de travail pour ses collègues qui devaient, dans des conditions peu confortables, prévenir les familles. Il nuisait par ailleurs au suivi des jeunes en difficultés dont l'établissement avait la charge en partenariat avec les familles d'accueil. Par suite, et alors même que la décision contestée ne pouvait, ainsi que le soutient la requérante, se fonder sur des faits de plus de trois ans conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et se référer à des manquements qui avaient déjà fait l'objet de l'avertissement prononcé à son encontre le 25 septembre 2014, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les faits qui lui sont reprochés au titre des années 2017, 2018 et 2019, étaient établis et de nature à justifier, à eux seuls, une sanction disciplinaire.
8. En deuxième lieu, le caractère volontairement réitéré du refus de Mme B... d'accomplir l'intégralité de ses obligations professionnelles dans les horaires imposés par la direction de l'établissement pour remédier à son manque d'organisation et son incapacité à honorer les rendez-vous programmés avec les familles d'accueil traduisent, ainsi que le souligne la décision contestée, un comportement général incompatible avec la bonne marche du service. Par suite, et alors même que seul un avertissement avait été prononcé à l'encontre de cet agent en 2014 et que ses compétences en qualité de ..., qu'elle exerçait au demeurant depuis 2007, n'étaient pas remises en cause, son incapacité à s'adapter à l'organisation des services dans lesquels elle était affectée, était de nature à justifier sa mise à la retraite d'office. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que cette sanction présenterait un caractère disproportionné au regard des faits qui lui sont reprochés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'EPSM, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPSM Etienne Gourmelen de Quimper, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à l'EPSM de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'EPSM Etienne Gourmelen de Quimper tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et à l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen de Quimper.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02316