Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Enedis a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a infligé une amende administrative sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2016 par lequel cette même autorité lui a infligé une amende administrative sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement.
Par un jugement n° 1610534, 1610535 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19NT01876, les 15 mai 2019 et 21 février 2020, la société Enedis, représentée par Me Garancher, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 17 octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- faute de mentionner le délai dans lequel les amendes devaient être payées, les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 17 octobre 2016 méconnaissent les dispositions de l'article R. 554-37 du code de l'environnement ;
- le second rapport réalisé par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ne lui a pas été transmis préalablement à l'édiction des arrêtés lui infligeant des amendes, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 171-6 du code de l'environnement ;
- n'étant pas responsable du projet au sens de l'article R. 554-1 du code de l'environnement, les sanctions litigieuses ne pouvaient légalement lui être infligées ;
- subsidiairement, en prononçant à son encontre l'amende prévue par les dispositions du 4° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement, le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu les dispositions de l'article R. 554-23 du même code ;
- en prononçant à son encontre l'amende prévue par les dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement, qui, de surcroît, ne concernent pas les défauts de renouvellement de déclarations, le préfet de la Loire-Atlantique a fait une inexacte application des dispositions du V de l'article R. 554-22 de ce code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 19NT01876 du 26 février 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2019 en tant que celui-ci a rejeté la demande de la société ENEDIS tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une sanction administrative sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement, a annulé cet arrêté et a rejeté le surplus des conclusions de la société ENEDIS.
Par une décision n° 452045 du 10 juillet 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 février 2021 en tant qu'il a annulé le jugement du 8 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a rejeté la demande de la société ENEDIS tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une sanction administrative sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement et qu'il a annulé cet arrêté et lui a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire, qui porte désormais le n° 23NT02089.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2023, la société Enedis, représentée par Me Garancher, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2019 en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une sanction administrative sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une sanction administrative sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les moyens soulevés avant cassation et soutient en outre que les déclarations de travaux n'avaient pas à être renouvelées dès lors que le marché de travaux prévoyait les mesures techniques et financières exigées par les dispositions du V de l'article R. 554-22 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
- et les observations de Me Malgras, substituant Me Garancher, représentant la société ENEDIS.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 avril 2016, à l'occasion de travaux réalisés dans le cadre d'un programme d'enfouissement des lignes à haute tension de l'entreprise ERDF, devenue la société ENEDIS, un pipeline exploité par la société Total et reliant la raffinerie de Donges au dépôt de Vern-sur-Seiche a été accidentellement perforé à Campbon (Loire-Atlantique). A l'issue d'une enquête administrative, le préfet de la Loire-Atlantique a, par deux arrêtés du 17 octobre 2016, infligé à la société ENEDIS deux amendes administratives, d'un montant de 1 500 euros chacune, sur le fondement des dispositions des 3° et 4° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement. La société ENEDIS a relevé appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 17 octobre 2016. Par un arrêt du 26 février 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé, à la demande de la société ENEDIS, ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté lui infligeant une amende sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement, a annulé l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant cette amende et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 10 juillet 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 février 2021 en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement du 8 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a rejeté la demande de la société ENEDIS tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une sanction administrative sur le fondement du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement et, d'autre part, qu'il a annulé cet arrêté, et lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure.
2. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'environnement : " I. - Les travaux réalisés à proximité des ouvrages constituant les réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ou à proximité des ouvrages mentionnés à l'article L. 562-8-1 sont effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à leur intégrité, sécurité ou continuité de fonctionnement, à l'environnement, à la sécurité des travailleurs et des populations situées à proximité du chantier ou à la vie économique. / II. - Lorsque des travaux sont réalisés à proximité d'un ouvrage mentionné au I, des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en œuvre, dès le début du projet et jusqu'à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des ouvrages et par les entreprises exécutant les travaux. / (...) ". Aux termes de l'article R. 554-20 du même code, dans sa version en vigueur au moment des faits : " Le responsable de projet qui envisage la réalisation de travaux vérifie au préalable s'il existe dans ou à proximité de l'emprise des travaux un ou plusieurs ouvrages en service d'une des catégories mentionnées à l'article R. 554-2. Pour ce faire, au stade de l'élaboration du projet, il consulte le guichet unique, directement ou par l'intermédiaire d'un prestataire ayant passé une convention avec celui-ci conformément à l'article R. 554-6, afin d'obtenir la liste et les coordonnées des exploitants de chacun de ces ouvrages ainsi que les plans détaillés des ouvrages en arrêt définitif d'exploitation ". Aux termes de l'article R. 554-21 de ce code : " I. - Le responsable du projet adresse une déclaration de projet de travaux à chacun des exploitants d'ouvrages en service mentionnés à l'article précédent, et dont la zone d'implantation est touchée par l'emprise des travaux (...) II. - Dans sa déclaration, il décrit le plus précisément possible cette emprise ainsi que la nature des opérations susceptibles d'avoir un impact sur les ouvrages situés dans ou à proximité de cette emprise. ".
3. Les dispositions du V de l'article R. 554-22 du même code précisent en outre que : " Si le marché de travaux ou la commande des travaux n'est pas signé dans les trois mois suivant la date de la consultation du guichet unique prévue à l'article R. 554-20, le responsable du projet renouvelle sa déclaration sauf si le marché de travaux prévoit des mesures techniques et financières permettant de prendre en compte d'éventuels ouvrages supplémentaires ou modifications d'ouvrages, et si les éléments nouveaux dont le responsable de projet a connaissance ne remettent pas en cause le projet ". L'article R. 554-33 de ce code dispose par ailleurs que : " I. - Si les travaux annoncés dans la déclaration d'intention de commencement de travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois mois à compter de la date de la consultation du guichet unique prévue à l'article R. 554-24, le déclarant effectue une nouvelle déclaration dans laquelle il apporte, le cas échéant, les modifications nécessaires. / II. - En cas d'interruption des travaux supérieure à trois mois, le déclarant effectue une nouvelle déclaration. / III. - Si la durée des travaux dépasse six mois, ou si le délai d'exécution des travaux dépasse celui annoncé dans la déclaration, le déclarant effectue une nouvelle déclaration au-delà de ce délai auprès des exploitants d'ouvrages sensibles pour la sécurité, à moins que des réunions périodiques n'aient été planifiées entre les parties dès le démarrage du chantier ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 554-35 de ce code : " Sans préjudice des sanctions pénales prévues par les articles L. 142-1, L. 433-23 et L. 433-24 du code de l'énergie, par l'article 92 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, et par les articles L. 555-21 et L. 555-22 du présent code, une amende administrative dont le montant ne peut être supérieur à 1 500 euros peut être appliquée lorsque : (...) / 3° Le responsable du projet n'adresse pas à un ou plusieurs des exploitants concernés la déclaration de projet de travaux prévue à l'article R. 554-21 (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le responsable de projet qui envisage de réaliser des travaux à proximité d'ouvrages mentionnés à l'article L. 554-1 du code de l'environnement doit, d'une part, adresser à chacun des exploitants d'ouvrages en service mentionnés à l'article R. 554-20 du même code et dont la zone d'implantation est touchée par l'emprise des travaux, une déclaration de projet de travaux dans les conditions fixées par l'article R. 554-21 de ce code et, d'autre part, procéder, sauf exceptions prévues au V de l'article R. 554-22, à une nouvelle déclaration dans les mêmes conditions si le marché de travaux ou la commande des travaux ne sont pas signés dans les trois mois suivant la date de la consultation du guichet unique prévu à l'article R. 554-20.
6. Il résulte de l'instruction que les travaux d'enfouissement de lignes à haute tension en cause ont fait l'objet d'une consultation du guichet unique et de déclarations de travaux émises le 18 février 2013 par la société ERDF, devenue ENEDIS, plus de trois mois avant que la société ENEDIS ne passe une commande pour ces travaux par une commande d'exécution de travaux du 23 décembre 2015.
7. Toutefois, ainsi que le fait valoir la société ENEDIS, le cahier des clauses techniques particulières du marché-cadre qu'elle a conclu avec son sous-traitant le 16 janvier 2013 prévoit des " points d'arrêt " nécessitant l'interruption de l'étude ou des travaux en cours et stipule que, dans une telle situation, le sous-traitant d'ENEDIS en informe la société ENEDIS et lui propose une solution technique permettant la reprise de cette étude ou de ces travaux, sur laquelle la société ENEDIS doit émettre un avis dans des délais définis contractuellement, faute de quoi son avis est réputé favorable. L'annexe 4 de ce cahier donne une liste non exhaustive de ces points d'arrêt, parmi lesquels figurent une " modification des données techniques initiales ayant une incidence sur le coût, l'environnement ou la nature du projet ", ainsi que des " exigences ou refus formalisés d'un tiers en cours de chantier ". La nécessité d'ouvrages supplémentaires ou de modifications d'ouvrages mentionnée au V de l'article R. 554-22 du code de l'environnement s'analyse comme un point d'arrêt au sens des stipulations du cahier des clauses techniques particulières du marché-cadre. En outre, la rémunération du cocontractant de la société ENEDIS étant définie en fonction des ouvrages à réaliser et non globalement pour l'ensemble de la mission, elle s'adapte nécessairement aux mesures techniques définies pour permettre la poursuite des travaux. Eu égard à leur nature et à leur objet, ces stipulations du marché-cadre du 16 janvier 2013 doivent être regardées comme constituant des mesures techniques et financières suffisantes au sens du V de l'article R. 554-22 du code de l'environnement. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société ENEDIS aurait eu connaissance, à la date à laquelle a été passée la commande d'exécution de travaux le 23 décembre 2015, d'éléments nouveaux remettant en cause le projet de travaux. Il en résulte qu'en application de l'exception prévue par les dispositions du V de l'article R. 554-22 du code de l'environnement, cette société n'était pas tenue de procéder à une nouvelle déclaration de travaux dans les conditions fixées par l'article R. 554-21 de ce code. En lui infligeant une amende sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement au motif qu'une telle déclaration n'avait pas été effectuée, le préfet de la Loire-Atlantique a donc méconnu les dispositions de cet article.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société ENEDIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2016 lui infligeant une amende administrative sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la société ENEDIS sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société ENEDIS tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Loire-Atlantique du 17 octobre 2016 lui infligeant une amende administrative sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Loire-Atlantique du 17 octobre 2016 infligeant à la société ENEDIS une amende administrative sur le fondement des dispositions du 3° de l'article R. 554-35 du code de l'environnement est annulé.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société ENEDIS tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ENEDIS, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de de la transition écologique de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02089