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04/10/2024 | FRANCE | N°23NT00504

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 04 octobre 2024, 23NT00504


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant de réfugiée.





Par un jugement n° 22029

96 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant de réfugiée.

Par un jugement n° 2202996 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 février 2023 et 13 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Enama, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler cette décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre aux autorités consulaires françaises de réexaminer la demande de visa dans un délai de quinze à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que le lien de filiation qui l'unit au demandeur de visa est établi par le jugement supplétif d'acte de naissance du 25 septembre 2019, rectifié par jugement rectificatif du 9 février 2023.

Par un mémoire enregistré le 8 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet aux écritures et pièces produites en première instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant G... C... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant de réfugiée. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint (...) ; 2° Par son concubin, (...) ; 3° Par les enfants non mariés du couple (...). ". L'article L. 434-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L. 561-4 du même code dispose que : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

5. Il ressort de la lettre du 10 mars 2022 communiquant à Mme B... les motifs de la décision implicite contestée que la commission, pour rejeter le recours formé contre le refus de visa de long séjour opposé à l'enfant G... C..., s'est fondée sur ce que les actes d'état civil produits à l'appui de sa demande étaient dépourvus de caractère probant et qu'ils ne permettaient pas d'établir l'identité du demandeur de visa et le lien de filiation l'unissant à la réunifiante.

6. A l'appui de la demande de visa de l'enfant G... C... ont été produits un jugement supplétif d'acte de naissance n°17920 rendu le 25 septembre 2019 par le tribunal de première instance de Conakry III-Mafanco, ainsi qu'un extrait du registre attestant de la transcription du jugement dans les registres de l'état civil de la commune de Matoto. Les mentions de ce jugement supplétif indiquent qu'il a été rendu sur la requête du père de l'enfant, M. F... C..., le 24 septembre 2009, alors qu'il ressort de l'extrait de la transcription dans les registres du jugement supplétif tenant lieu d'acte de décès de l'intéressé, que celui-ci est décédé le 20 mai 2014, et qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a mentionné ce décès dans le formulaire de demande d'asile, renseigné et signé le 20 septembre 2019. Toutefois, Mme B... produit, pour la première fois en appel, un jugement rectificatif, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne soutient pas qu'il est entaché de fraude, rendu, le 9 février 2023, par le Tribunal de Première instance de Conakry, sur requête de M. D... A..., indiquant que le père décédé a été mentionné par erreur dans le jugement supplétif d'acte de naissance du 25 septembre 2019 et ordonnant de rectifier ce jugement pour y faire apparaître qu'il avait été rendu sur requête de M. A.... Compte tenu des rectifications ainsi apportées au jugement supplétif d'acte de naissance du 25 septembre 2019, son caractère frauduleux n'est pas établi, et ne saurait se déduire de la circonstance qu'il ne comporterait pas les mentions requises par l'article 175 du code civil guinéen. Les mentions de ce jugement supplétif, le passeport de l'enfant, ainsi que les déclarations constantes de Mme B... qui a déclaré son enfant dès le dépôt de sa demande d'asile établissent l'identité du jeune G... C..., ainsi que le lien de filiation l'unissant à la requérante. Par suite, en estimant que ce lien n'était pas établi et en rejetant, pour ce motif, le visa de long séjour sollicité, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la demande de visa du jeune G... C... soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il résulte des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, codifiées à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même loi, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Mais l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

10. D'une part, Mme B..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de Mme B... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicité par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme B... contre le refus de visa de long séjour opposé au jeune G... C... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer la demande de visa de long séjour de M. G... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B..., à M. G... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00504
Date de la décision : 04/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : ENAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-04;23nt00504 ?
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