Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J... B... et Mme S... B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés des 27 février 2018 et 10 décembre 2019 par lesquels le maire de Dives-sur-Mer a délivré à M. E... D..., respectivement, un permis de construire et un permis de construire modificatif, ainsi que la décision du 15 juillet 2020 portant rejet de leur recours gracieux formé contre ces arrêtés.
Par un jugement n° 2001801 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés des 27 février 2018 et 10 décembre 2019 du maire de Dives-sur-mer ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mai 2022 et le 30 janvier 2023, la commune de Dives-sur-Mer, représentée par Me Labrusse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) subsidiairement, de surseoir à statuer pour permettre de régulariser les arrêtés litigieux ou, à défaut, de procéder à une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'ils ont exposés en première instance, ainsi qu'une somme d'un même montant au titre de ceux qu'ils ont exposés en appel.
La commune de Dives-sur-Mer soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; la demande de première instance était irrecevable, faute de production des justificatifs prévus à l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ; le tribunal administratif qui n'a pas invité le demandeur à régulariser l'irrecevabilité de la requête sur ce point et y a fait droit, a méconnu son office ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le délai raisonnable d'un an pour contester le permis de construire du 27 février 2018 était expiré à la date de la demande de première instance ;
- la demande de première instance est irrecevable en tant qu'elle émane de M. B... ; aucun titre de propriété n'a été produit par ce dernier, en méconnaissance de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire initial et le permis de construire modificatif étaient devenus définitifs à la date de la demande de première instance ; le délai de recours contentieux était expiré ;
- le délai raisonnable d'un an pour contester le permis de construire initial du 27 février 2018 était également expiré à la date d'enregistrement de la demande de première instance ;
- M. et Mme B... ont eu connaissance acquise des arrêtés contestés, au plus tard le 3 juin 2020, date à laquelle ils ont formé un recours gracieux contre ces arrêtés ; n'ayant pas notifié ce recours aux bénéficiaires du permis, le délai de recours contentieux n'a pas été interrompu ;
- les demandeurs de première instance ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre les deux permis délivrés à M. D... ;
- le moyen retenu par les premiers juges pour annuler les arrêtés litigieux n'est pas fondé ; ces arrêtés ne méconnaissent pas l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme n'est pas fondé ;
- les autres moyens de la demande de première instance, dirigés contre le permis de construire initial et le permis modificatif, ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, le vice tiré de la méconnaissance de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme peut être régularisé, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- très subsidiairement, si la cour devait accueillir un des moyens de la demande de première instance, elle devrait, à tout le moins, faire application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en intervention enregistrés le 14 novembre 2022 et le 30 janvier 2023, Mme M... P..., veuve D..., en qualité de représentante légale de ses enfants G... et Q... D..., Mme F... D... et Mme O... D..., représentés par Me Salmon et agissant en tant qu'héritiers de M. E... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 mars 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) subsidiairement de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir à statuer le temps de régulariser les vices relevés ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges n'est pas fondé ; les arrêtés litigieux ne méconnaissent pas l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme ;
- en tout état de cause, ce vice peut être régularisé en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme est régularisable, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 28 février 2023, M. et Mme J... B... concluent au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Dives-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- la demande de première instance n'était pas tardive ;
- en leur qualité de voisins immédiats du projet, ils justifient d'un intérêt pour agir contre les arrêtés en litige ;
- les arrêtés en litige méconnaissent l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme ;
- le vice tiré de la méconnaissance de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme n'est pas régularisable ;
- les arrêtés litigieux méconnaissent l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme et l'article UA 4 du règlement écrit du plan local d'urbanisme ;
- ils méconnaissent l'article UA11 du règlement écrit du plan local d'urbanisme ;
- l'article UA 13 du règlement écrit du plan local d'urbanisme a été méconnu ;
- les modifications apportées au projet initial étaient d'une nature et d'une ampleur telles qu'elles ne pouvaient donner lieu à un permis modificatif.
Par un courrier du 29 mai 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé par Mme P... et les consorts D....
Par un courrier du 29 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer pour régulariser les vices tirés de ce que le projet contesté n'était pas implanté à l'alignement, en méconnaissance de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de la commune de Dives-sur-Mer et de ce qu'il ne prévoyait la plantation d'aucun arbre à grand développement, en méconnaissance de l'article UA 13.2 du même règlement.
Des observations, présentées M. et Mme B..., en réponse aux courriers adressé aux parties par la cour en application des articles L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et R. 611-7 du code de justice administrative, ont été enregistrées, respectivement les 31 mai et 3 juillet 2024.
Des observations présentées pour Madame P... ont été enregistrées, en réponse au courrier du 29 mai 2024 sur le sursis à statuer, le 4 juillet 2024.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 juillet 2024, avec effet immédiat.
Postérieurement à la clôture de l'instruction, un mémoire en reprise d'instance présenté pour M. C... B... et Mme H... B..., enfants de M. J... B..., et de Mme S... B..., a été enregistré le 30 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
- et les observations de Me Lerable, représentant M. C... B... et Mme K... B....
Une note en délibéré présentée par M. C... B... et Mme K... B... a été enregistrée le 23 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 février 2018, le maire-adjoint de la commune de Dives-sur-Mer, chargé de l'urbanisme, a délivré à M. D... un permis de construire une maison individuelle d'habitation de plain-pied avec un carport valant permis de démolir la construction existante, sur la parcelle cadastrée à la section AI sous le n°170, située 3, rue des Frères Haugmard. Par un arrêté du 10 décembre 2019, le maire-adjoint lui a délivré un permis de construire modificatif en vue notamment, de réduire de 6,37m à 3,17m la hauteur du bâtiment principal, en raison de l'impossibilité de faire déplacer la ligne électrique située en surplomb du projet. Par une décision du 15 juillet 2020, le maire a rejeté le recours gracieux formé par M. et Mme B..., propriétaires de la parcelle jouxtant le terrain d'assiette du projet, contre ces deux arrêtés. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme B..., les arrêtés du 27 février 2018 et du 10 décembre 2019 ainsi que la décision du 15 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux formé contre ces arrêtés. La commune de Dives-sur-Mer relève appel de ce jugement.
Sur le mémoire qualifié d'intervention des consorts D... :
2. Les consorts D..., ayants droit de M. E... D..., lequel était partie à l'instance devant le tribunal administratif de Caen, ont qualité pour faire appel du jugement attaqué. Leur mémoire qualifié d'intervention doit donc être regardé comme un appel. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est décédé le 3 avril 2022 et que la notification du jugement attaqué du 31 mars 2022 a été faite, par lettre recommandée avec avis de réception, par le greffe du tribunal au siège de son entreprise d'expertise-comptable, à l'adresse qu'il avait communiquée au tribunal. Toutefois, l'avis de réception, qui porte le tampon de son entreprise, est daté du 4 avril 2022, lendemain de son décès. Par suite, le délai de recours n'a pu commencer à courir à l'égard des consorts D..., dont l'appel, enregistré le 14 novembre 2022 au greffe de la cour, qui ne peut être regardé comme tardif, est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, s'il est soutenu par la commune de Dives-sur-Mer que c'est tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de ce que M. B... n'aurait pas justifié de ses titres de propriété, en méconnaissance de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité.
4. En second lieu, devant les premiers juges, la commune de Dives-sur-Mer a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de M. et Mme B..., en tant qu'elle était dirigée contre l'arrêté du 27 février 2018 délivrant un permis de construire à M. D..., a été enregistrée après l'expiration du délai raisonnable de recours d'un an. Le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu. Par suite le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. et Mme B... dirigées contre l'arrêté de permis de construire initial du 27 février 2018, est irrégulier et doit être annulé, dans cette mesure.
5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentées par M. et Mme B... dirigées contre l'arrêté du 27 février 2018 portant permis de construire, et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 décembre 2019 portant permis de construire modificatif.
Sur le permis de construire délivré le 27 février 2018 à M. D... :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées aux conclusions présentées par M. et Mme B... contre le permis de construire du 27 février 2018 :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux jouxte la parcelle où est implantée la maison d'habitation de M. et Mme B..., qui ont ainsi la qualité de voisins immédiats de la construction projetée. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté tel qu'autorisé par l'arrêté attaqué du 27 février 2018, se situe à 3 mètres de la limite séparative de la propriété de M. et Mme B... et comporte plusieurs ouvertures sur la maison de ces derniers et leur jardin. Par suite, M. et Mme B... justifient d'un intérêt leur donnant qualité à contester le permis de construire du 27 février 2018.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. ".
10. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Caen, M. et Mme B..., qui demeurent 25, rue du Général de Gaulle, ont produit un acte notarié de 1992 dont il ressort que Mme B... est propriétaire du bien qu'elle occupe avec son époux à cette adresse. Cet acte permet d'apprécier si la demande des intéressés, y compris en ce qu'elle émane de M. B..., remplit les conditions de recevabilité fixées par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme. La fin de non-recevoir tirée de ce que M. et Mme B... n'apportent les justifications prévues à l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écartée.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés. ".
12. M. D... a produit une attestation rédigée le 27 janvier 2021 par le constructeur de sa maison mentionnant un affichage de l'arrêté attaqué, sur le terrain, le 28 février 2018. Toutefois, cette attestation, compte tenu de la personne dont elle émane, contractuellement liée avec M. D..., est dépourvue de caractère probant et ne permet pas de justifier de ce que le permis de construire litigieux a bien été affiché sur le terrain de ce dernier, conformément aux dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Dès lors, faute d'établir que l'affichage du permis de construire litigieux aurait été réalisé sur son terrain, le délai de recours de deux mois pour contester ce permis n'a pu commencer à courir à compter de la date du 28 février 2018 alléguée.
13. En deuxième lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d'aménager ou un permis de démolir. Dans le cas où l'affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article R. 424 15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.
14. Pour le même motif que celui énoncé au point 12, le délai raisonnable d'un an pour contester ce permis n'a pu commencer à courir à compter du 28 février 2018. La fin de non-recevoir tirée de ce que le permis de construire litigieux serait devenu définitif du fait de l'expiration du délai de raisonnable d'un an à compter de cette date doit, par suite, être écartée.
15. En troisième lieu, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.
16. La lettre adressée le 6 février 2020 par le notaire de M. et Mme B... à M. D..., si elle mentionne que Mme B... s'est procurée les plans du projet de construction sur le terrain de ce dernier et recommande la plus grande prudence quant à cette construction, n'a pas le caractère d'un recours gracieux et ne peut donc être regardée comme valant connaissance acquise du permis de construire en litige. En revanche, il ressort des pièces du dossier que, le 3 juin 2020, M. et Mme B... ont formé contre le permis de construire du 27 février 2018, un recours gracieux, reçu par la commune de Dives-sur-Mer, le 5 juin 2020. Ce faisant, les demandeurs ont manifesté avoir acquis la connaissance de ce permis. Le 5 juin 2020, ils ont notifié copie de ce recours à M. D..., conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, de sorte que leur recours gracieux a interrompu le délai de recours contentieux. Ce délai n'a couru à nouveau qu'à partir du 20 juillet 2020, date à laquelle les demandeurs soutiennent, sans être contredits, avoir reçu notification de la décision expresse du 15 juillet 2020 par laquelle le maire de Dives-sur-Mer a rejeté leur recours gracieux. Ce délai n'était pas expiré le 21 septembre 2020, date d'enregistrement de la demande de M. et Mme B... au greffe du tribunal administratif de Caen. La fin de non-recevoir tirée de ce que cette demande est tardive doit, par suite, être écartée.
En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 27 février 2018 :
17. En premier lieu, par un arrêté du 1er avril 2014, affiché sur le panneau d'affichage de la mairie, du 6 juin au 6 août 2014, le maire de Dives-sur-Mer a donné à M. N... L..., 4ème adjoint, délégation à l'effet de signer les autorisations en matière de droit des sols. Le moyen tiré de l'incompétence de M. L..., signataire de l'arrêté de permis de construire du 27 février 2018, manque en fait et doit donc être écarté.
18. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".
19. Aux termes de l'article UA 4.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de Dives-sur-Mer : " Assainissement : A l'intérieur d'une même propriété, les eaux pluviales et les eaux usées devront être recueillies séparément. Tous les raccordements aux réseaux publics seront exécutés conformément à la réglementation en vigueur et avec l'accord des autorités compétentes. / 4.2.1 - Eaux usées : Les réseaux et les raccordements répondront aux dispositions préconisées dans le Schéma Directeur d'Assainissement de la Commune et la réglementation en vigueur / 4.2.2 - Eaux pluviales : Les réseaux réalisés répondront aux dispositions préconisées dans le Schéma Directeur d'Assainissement de la Commune et la réglementation en vigueur. (...) ".
20. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
21. Il n'est pas contesté que le plan de masse du projet joint à la demande de permis de construire initial ne précise pas les modalités de raccordement de la construction projetée aux réseaux d'eau et d'assainissement. Toutefois, d'une part, la notice descriptive jointe au dossier mentionne que " Les réseaux d'eau, électricité, télécom et gaz sont tous présents sur la rue ainsi que le réseau tout-à-l'égout. La nouvelle construction pourra donc se raccorder à l'ensemble. ", d'autre part, le service d'assainissement de la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d'Auge s'est prononcé, le 25 janvier 2018 sur le raccordement projeté, ainsi que le mentionne l'arrêté contesté du 27 février 2018. Si M. et Mme B... font valoir que l'absence de tracé du raccordement sur le plan de masse du projet ne permettait pas au service instructeur de se prononcer sur la conformité du raccordement aux prescriptions du schéma directeur d'assainissement de la communauté de commune, ils ne précisent pas quelle disposition de ce schéma n'aurait pu être vérifiée au vu du plan de masse du projet, alors que la commune de
Dives-sur-Mer soutient sans être contredite que le service d'assainissement de la communauté de commune a donné un avis favorable au projet. Dans ces circonstances, et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que le raccordement projeté présenterait une difficulté particulière au regard du tissu urbanisé dans lequel il s'inscrit, il ressort des pièces du dossier que l'absence de représentation sur le plan de masse du projet des modalités de raccordement aux réseaux publics n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
22. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. et Mme B... n'apportent aucun élément permettant de faire considérer que le raccordement de la construction projetée aux réseaux des eaux usées et des eaux pluviales ne respectera pas le schéma directeur d'assainissement de la communauté de commune. Dès lors, et alors qu'il n'est pas contesté que le service public d'assainissement de la communauté de commune a émis un avis favorable au projet le 25 janvier 2018, le moyen tiré de ce que le raccordement aux réseaux de la construction projetée méconnaîtrait les prescriptions de l'article UA 4.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme doit être écarté.
23. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article UA 6.1 du document d'urbanisme applicable dans la commune : " Sur les parcelles ayant plus de 10 mètres de façade sur rue, toute nouvelle construction doit être implantée à l'alignement, dans une profondeur de 8 mètres par rapport à cet alignement. Au-delà de la bande des 8 mètres, la construction peut être en retrait. ". Aux termes des dispositions de l'article UA 6.2 du même document : " Toutefois, en cas d'impossibilité technique ou architecturale notamment due à la topographie ou à la configuration des parcelles, les constructions peuvent s'implanter en retrait sous réserve qu'une clôture soit édifiée à l'alignement de manière à rétablir un ordre continu de limite ". Aux termes de l'article UA 6.4 : " Ces dispositions ne s'appliquent pas aux bandeaux, appuis, corniches, auvents, porches et débords de toiture, balcons et escaliers, si la saillie qu'ils forment est inférieure à 1 mètre. ".
24. Il est constant que le terrain d'assiette du projet présente une longueur de façade sur rue de plus de 10 mètres, de sorte que les dispositions de l'article UA 6.1 lui sont applicables. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de masse joint à la demande de permis de construire initial, que le projet prévoyait l'implantation du bâtiment litigieux en recul de plusieurs mètres par rapport à l'alignement, à une distance de plus de 5,90 mètres, pour le premier décroché de façade le plus à l'est, et à plus de 9 mètres, au point le plus à l'ouest de la façade. Par ailleurs, il était prévu que le corps du bâtiment ne soit implanté que pour partie au-delà de la bande des 8 mètres par rapport à l'alignement, les trois décrochés de façade successifs du bâtiment débordant largement sur cette bande. Par suite la construction projetée n'est pas implantée à l'alignement ni au-delà de la bande des 8 mètres, à partir de laquelle elle peut être implantée en recul.
25. L'existence, sur la parcelle formant le terrain d'assiette du projet, d'une clôture, à l'alignement de la rue des Frères Haugmard, équipée d'un portail et doublée d'une haie d'arbustes arrivés à maturité ne constitue pas une contrainte technique telle qu'elle rendrait impossible l'implantation de la construction à l'alignement de cette voie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de sa hauteur, la ligne électrique qui surplombe le terrain d'assiette du projet rendait impossible une implantation à l'alignement. Enfin, si les bâtiments situés du même côté de la rue sont tous implantés en retrait par rapport à cette voie publique, ils ne sont pas alignés et ne forment pas un front bâti continu. Dès lors, aucune contrainte d'ordre technique ou architectural ne permet de déroger aux règles d'alignement définies à l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme. Le permis de construire modificatif délivré le 10 décembre 2018 autorise également l'implantation de la construction projetée en recul de l'alignement, à une distance allant de 3,76 mètres à 9,63 mètres, sans que cette implantation ne soit mieux justifiée par des contraintes d'ordre technique ou architectural.
26. En ce qu'il approuve la construction, sur une parcelle ayant plus de 10 mètres de façade sur rue, d'un bâtiment qui n'est implanté ni à l'alignement, ni au-delà de la bande des 8 mètres à partir de l'alignement, sans qu'une impossibilité d'ordre technique ou architectural ne justifie cette implantation en recul, l'arrêté litigieux méconnaît donc les dispositions de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme.
27. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". L'article UA 11 du règlement écrit du plan local d'urbanisme dispose que : " Par leur aspect extérieur, les constructions et leurs abords, de quelque nature qu'elles soient, devront conforter les caractéristiques du paysage, en particulier en ce qui concerne les rythmes, les matériaux, les altimétries et la composition générale de celles-ci dans l'environnement. / Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimension ou l'aspect extérieur des bâtiments à édifier et de leurs abords, sont de nature à porter atteinte au site et aux paysages ; Les pièces graphiques réglementaires seront élaborées de sorte à permettre l'appréciation de l'impact du projet dans le paysage. / 11.1 - Aspect extérieur : / 11.1.1 - Par leur volume, les proportions, les matériaux employés, les couleurs et leur architecture , les constructions y compris les annexes et les clôtures, devront être intégrés de manière harmonieuse dans le paysage naturel ou urbain dans lequel elles seront situées. (...) ". Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire contesté.
28. Il ressort des pièces du dossier que le quartier dans lequel se situe le projet contesté est caractérisé par un habitat pavillonnaire ne présentant pas d'unité marquée, en termes de volumes, de formes et d'implantation. Si quelques demeures de style normand, caractéristiques de l'architecture de type balnéaire de la Côte Fleurie sont présentes dans le secteur, l'environnement immédiat du projet se caractérise par des bâtiments sans intérêt particulier, comprenant notamment un immeuble de type R+2+C, des garages ainsi que des pavillons individuels construits dans les années 1980. Il est constant que la construction projetée consiste dans une maison de style traditionnel, d'une surface de 111 m² de plain-pied, en retrait par rapport à l'alignement de la rue, équipée d'une toiture à deux pans, en ardoise, d'une hauteur au faîtage de 6,37 mètres, flanquée d'un carport et un débarras en annexe. Par la sobriété des teintes choisies, la simplicité de la conception architecturale du bâtiment, ainsi que son gabarit limité, le bâtiment projeté s'insère harmonieusement dans le paysage avoisinant dans lequel il est situé, conformément aux dispositions de l'article UA 11 du règlement écrit du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de cet article doit donc être écarté.
29. En cinquième lieu, aux termes de l'article UA 13 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de la commune de Dives-sur-Mer, relatif aux obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d'espaces libres, d'aires de jeux et de loisirs et de plantations : " Les espaces libres sont des espaces ne comportant aucun ouvrage au-dessus du terrain naturel. / Ils comprennent : / - Des espaces minéraux : voiries, allées, cours, esplanades... / - Des jardins et des espaces verts de pleine terre. / - Des places de stationnement de surface / 13.1 - Superficie du terrain destinée aux espaces libres, verts et de pleine terre : / 50 % au moins de la superficie du terrain restant (espace non occupé par les constructions), doit être traité en espace vert, (pourront être comptées comme espaces verts les surfaces de toiture végétalisées des garages et annexes) (...) / 13.2 - Plantations et aménagements paysagers : / Les projets de constructions devront être étudiés dans le sens d'une conservation maximale des plantations existantes. / Il sera planté au moins un arbre à grand développement pour 100 m² de terrain libre restant. (...) ".
30. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle formant le terrain d'assiette du projet a une contenance de 349 m², qu'il est prévu d'y édifier une maison d'habitation d'une surface de 111,27 m², un carport débarras d'une surface de 26 m², ainsi qu'une terrasse de 20 m² de sorte que la superficie d'espaces libres de constructions s'élève à 191,73 m². Sur ces espaces libres de constructions, le projet prévoit une allée de desserte interne d'une surface de 50 m², représentée sur le document A1 intitulé " plan de masse des constructions à démolir " comme un chemin à conserver. Si la notice architecturale jointe au dossier de demande de permis ne précise pas expressément le mode de traitement des espaces restants, d'une surface de 141,73 m², le document d'insertion représentant une vue de la façade de la maison depuis la rue des frères Haugmard comporte un terrain engazonné, de sorte que ces espaces restants doivent être regardés comme des espaces verts. Leur superficie représente donc plus de 50 % des espaces libres de constructions, conformément aux prescriptions de l'article UA 13.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme.
31. D'autre part, s'il ressort du rapprochement du document intitulé " PCMI 2 - plan de masse du projet ", et du document " A1 - Plan de masse des constructions à démolir " que, sur les 9 végétaux présents sur le terrain d'assiette du projet, 5 sont situés dans le périmètre d'implantation du bâtiment et sont nécessairement voués à être supprimés, le projet prévoit néanmoins de conserver les 4 arbustes arrivés à maturité, situés derrière la clôture qui longe la rue des Frères Haugmard. Il n'est pas établi ni même allégué que, compte tenu des prescriptions du plan local d'urbanisme ainsi que des autres règles d'urbanisme applicables, un projet de même nature aurait permis de conserver davantage de plantations. Aussi, le moyen tiré de ce que le projet contesté n'aurait pas été étudié dans le sens d'une conservation maximale des plantations existantes et qu'il méconnaîtrait ainsi les prescriptions de l'article UA 13.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme doit être écarté.
32. En revanche, il ressort des pièces du dossier que, bien que comportant un espace libre restant de plus de 100 m², le projet ne prévoit la plantation d'aucun arbre à grand développement. L'arrêté de permis de construire modificatif, délivré le 10 décembre 2019, qui comporte un espace libre restant de plus de 100 m², ne prévoit pas davantage la plantation d'un arbre à grand développement. Par suite, l'arrêté contesté du 27 février 2018 méconnaît les dispositions de l'article UA 13.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de Dives-sur-Mer.
Sur le permis de construire modificatif délivré le 10 décembre 2019 :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées aux conclusions de la demande de M. et Mme B... dirigées contre le permis de construire modificatif :
33. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
34. Il résulte de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
35. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés au point 8, M. et Mme B..., qui ont la qualité de voisins immédiats du projet, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le projet, pris dans son ensemble, et tel que modifié par l'arrêté du 10 décembre 2019.
36. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 3 juin 2020, M. et Mme B... ont formé contre l'arrêté du 10 décembre 2019, dont il n'est pas établi qu'il aurait été affiché, un recours gracieux, reçu par la commune de Dives-sur-Mer, le 5 juin 2020. Ce faisant, les demandeurs ont manifesté avoir acquis la connaissance de ce permis. Le 5 juin 2020, ils ont notifié copie de ce recours à M. D..., conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, de sorte que leur recours gracieux a interrompu le délai de recours contentieux. Ce délai n'a couru à nouveau qu'à partir du 20 juillet 2020, date à laquelle les demandeurs soutiennent, sans être contredits, avoir reçu notification de la décision expresse par laquelle le maire de Dives-sur-Mer a rejeté leur recours gracieux. Ce délai n'était pas expiré le 21 septembre 2020, date d'enregistrement de la demande de M. et Mme B... au greffe du tribunal administratif de Caen. La fin de non-recevoir tirée de ce que cette demande était tardive doit, par suite, être écartée.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Caen :
37. Ainsi qu'il a été dit au point 26 du présent arrêt, l'arrêté contesté approuve la construction, sur une parcelle ayant plus de 10 mètres de façade sur rue, d'un bâtiment implanté en recul par rapport à l'alignement, à une distance allant de 3,76 mètres à 9,63 mètres par rapport à la rue. La construction projetée n'est donc implantée ni à l'alignement, ni au-delà de la bande des huit mètres par rapport à l'alignement, à partir de laquelle les constructions peuvent être édifiées en recul. Ainsi qu'il a déjà été dit, aucune contrainte d'ordre technique ou architectural ne justifie de déroger aux règles d'alignement énoncées à l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme et citées au point 23. En ce qu'il approuve la construction, sur une parcelle ayant plus de 10 mètres de façade sur rue, d'un bâtiment qui n'est implanté ni à l'alignement, ni au-delà de la bande des 8 mètres à partir de l'alignement, sans qu'une impossibilité d'ordre technique ou architectural ne justifie cette implantation, l'arrêté litigieux méconnaît donc les dispositions de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre le permis de construire modificatif du 10 décembre 2019 :
38. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
39. En premier lieu, lorsque le juge d'appel estime qu'un moyen ayant fondé l'annulation du permis litigieux par le juge de première instance est tiré d'un vice susceptible d'être régularisé par un permis modificatif, et qu'il décide de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens ayant, le cas échéant, fondé le jugement d'annulation, ni aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens nouveaux et recevables présentés en appel, n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.
40. Il ressort des pièces du dossier que le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme, analysé aux points 26 et 37, n'affecte qu'une partie identifiable du projet et qu'il peut être régularisé par une mesure n'impliquant pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. La circonstance que les travaux de construction de la maison de M. D... soient achevés ne fait pas obstacle à ce que ce vice soit régularisé, les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme prévoyant expressément ce cas de figure. Ainsi, et contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, le vice tiré de ce que la construction litigieuse est implantée en méconnaissance des règles d'alignement prévues à l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme est régularisable. Par, il y a lieu d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel par M. et Mme B... contre l'arrêté de permis de construire modificatif.
41. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence de M. I..., signataire de l'arrêté contesté doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 17 du présent arrêt.
42. En troisième lieu, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
43. Il ressort des pièces du dossier que les modifications que l'arrêté du 10 décembre 2019 apportent au projet tel qu'approuvé par le permis de construire initial du 27 février 2018 consistent, d'une part, dans le remplacement de la toiture ardoise à deux pans par une toiture-terrasse végétalisée, ramenant à 3,17 mètres à l'acrotère la hauteur de la construction projetée, initialement prévue à 6,37 mètres au faîtage, d'autre part, dans la substitution à la façade principale initialement conçue avec des décrochés successifs par une façade droite, surmontée d'une casquette. Si les modifications ainsi apportées au permis de construire initial par l'arrêté du 10 décembre 2019 ont réduit la hauteur et modifié l'apparence générale du bâtiment projeté dans le sens d'une construction de style contemporain, elles n'ont affecté ni la destination, ni la surface au sol ni la conception générale de cette construction. Dès lors que les modifications en cause n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, le moyen tiré de ce qu'une nouvelle demande de permis aurait dû être déposée doit être écarté.
44. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le plan de masse du projet joint à la demande de permis de construire modificatif ne précise pas les modalités de raccordement de la construction projetée aux réseaux d'eau et d'assainissement, qui ainsi qu'il a été dit au point 21 du présent arrêt ne figuraient pas mieux sur le plan de masse joints à la demande de permis de construire initial. Toutefois, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 21, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette lacune aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable et notamment aux dispositions des articles R. 431-9 du code de l'urbanisme et UA 4.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de Dives-sur-Mer.
45. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que le raccordement aux réseaux de la construction projetée méconnaîtrait les prescriptions de l'article UA 4.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 22.
46. En sixième lieu, le permis de construire modificatif délivré le 10 décembre 2019 à M. D... n'a pas réduit la superficie du terrain du projet initial traitée en espaces verts. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 30, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaît l'article UA 13.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme imposant de traiter en espaces verts 50 % au moins de la superficie de l'espace non occupé par les constructions, doit être écarté.
47. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 10 décembre 2019 n'a pas modifié substantiellement l'implantation du bâtiment projeté, qui implique de supprimer 5 des 9 végétaux existants sur le terrain d'assiette du projet. Il n'est pas établi ni même allégué que, compte tenu des prescriptions du plan local d'urbanisme ainsi que des autres règles applicables, un projet de même nature aurait permis de conserver davantage de plantations existantes. Aussi, le moyen tiré de ce que le projet contesté n'aurait pas été étudié dans le sens d'une conservation maximale des plantations existantes, en méconnaissance des prescriptions de l'article UA 13.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme doit être écarté.
48. En huitième lieu, pour les motifs énoncés au point 32, l'arrêté de permis de construire modificatif, délivré le 10 décembre 2019, en ce qu'il autorise un projet comportant une surface de " terrain libre restant " de plus de 100 m² sans prévoir pour autant la plantation d'un arbre à grand développement méconnaît les dispositions de l'article UA 13.2 du règlement écrit du plan local d'urbanisme.
49. En neuvième et dernier lieu, il est constant que le projet de construction objet du permis de construire modificatif consiste dans une maison d'habitation d'expression très contemporaine, d'une surface de 111 m² de plain-pied, en retrait par rapport à l'alignement de la rue, équipée d'une toiture terrasse végétalisée, d'une hauteur de 3,67 mètres à l'acrotère, flanquée d'un carport et un débarras en annexe. L'enduit choisi pour le volume principal du bâtiment, de type " jaune d'Anjou " est en harmonie avec les teintes claires des bâtiments avoisinants. Le bandeau de couleur gris anthracite appliqué sur la façade en retrait, sous la casquette, et faisant le lien entre les diverses ouvertures, s'accorde aux teintes de la façade de la maison voisine, bardée d'ardoises. Par la sobriété des teintes choisies, la simplicité de la conception architecturale du bâtiment, ainsi que son gabarit limité, le bâtiment projeté s'insère harmonieusement dans le paysage avoisinant dans lequel il est situé, tel que décrit au point 28 du présent arrêt. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article UA 11 du règlement écrit du plan local d'urbanisme doit être écarté.
Sur la mise en œuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
50. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
51. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 39, le vice tiré de ce que le projet autorise la construction d'un bâtiment qui n'est implanté ni à l'alignement, ni au-delà de la bande des 8 mètres à partir de l'alignement, en méconnaissance de l'article UA 6.1 du règlement écrit du plan local d'urbanisme de la commune de Dives-sur-Mer est susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif. D'autre part, le vice tiré de ce que le projet contesté ne prévoit la plantation d'aucun arbre à grand développement, en méconnaissance de l'article UA 13.2 du même règlement, n'affecte qu'une partie identifiable du projet et peut être régularisé par une mesure qui n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il y a lieu, dès lors, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, d'impartir aux consorts D... et à la commune de Dives-sur-Mer un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.
D E C I D E :
Article 1 : Le jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le maire de Dives-sur-Mer a délivré à M. D... un permis de construire.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de M. et Mme B... à fin d'annulation du permis de construire du 27 février 2018, ainsi que sur les requêtes d'appel de la commune de Dives-sur-Mer et des consorts D... contre le jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il se prononce sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 10 décembre 2019, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti aux consorts D... et à la commune de Dives-sur-Loire pour notifier à la cour un permis de construire régularisant les vices mentionnés au point 51 du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dives-sur-Mer, à M. C... B..., à Mme H... B..., à Mme M... P..., veuve D..., à Mme F... D... et à Mme O... D....
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 , à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFET La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01664