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01/10/2024 | FRANCE | N°23NT01844

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 01 octobre 2024, 23NT01844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner D... à lui verser la somme de 277 120,70 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'il a subis consécutivement à l'accident de service du 12 septembre 2013 et aux fautes commises lors de la rupture de son contrat de travail.



Par un jugement n°1803418 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, M. A... B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner D... à lui verser la somme de 277 120,70 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'il a subis consécutivement à l'accident de service du 12 septembre 2013 et aux fautes commises lors de la rupture de son contrat de travail.

Par un jugement n°1803418 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Crestin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner D... à lui verser la somme totale de 277 120,70 euros, à parfaire, au titre de la réparation de son entier préjudice assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale contradictoire ;

3°) de mettre à la charge de D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'accident du travail du 12 septembre 2013 :

- la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale pour se prononcer sur le montant des indemnités à allouer au titre des préjudices subis par un agent public victime d'un accident de service est sans incidence sur la compétence exclusive du tribunal administratif pour constater la faute inexcusable commise par un employeur public à l'égard d'un agent contractuel de droit public ayant participé à l'exécution du service public ;

- la responsabilité de D... est engagée en raison de sa faute intentionnelle, cause directe et certaine de son accident de service du 12 septembre 2013 :

* il n'a reçu aucune formation pour conduire le camion qui lui a été confié pour exécuter sa mission de service public et il n'a été formé que pour la conduite d'une balayeuse mécanique ;

* l'arrière de son camion chassait dès la sortie de l'entrepôt et il a immédiatement appelé son supérieur hiérarchique pour lui en référer, ce dernier lui a demandé de continuer son travail ;

* outre sa reconnaissance de travailleur handicapé, il n'avait pas le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES) alors même qu'il est obligatoire pour conduire un véhicule poids lourd auquel avait été rattachée une remorque ;

* il a été affecté à la conduite d'un véhicule poids lourd, en l'espèce un " camion benne avec une grue ", alors qu'un incident était intervenu la veille ;

- une faute de D... peut être retenue sur le fondement d'un régime de responsabilité sans faute pour risque professionnel, du fait d'un manquement à l'obligation de sécurité de la part de son employeur, prévues par les articles L. 4121-1 et R. 4323-55 du code du travail ;

- D... a manqué à ses obligations contractuelles et légales en s'abstenant de mettre en œuvre son contrat d'assurance pour sa flotte automobile.

En ce qui concerne la rupture du contrat de travail :

- D... a méconnu les dispositions de l'article 9 du décret du 15 février 1988 et a commis une faute en ne le plaçant pas en arrêt maladie en cas d'incapacité temporaire, et/ou en ne procédant pas à son licenciement en cas d'incapacité permanente ;

- il aurait dû être maintenu en position de congé maladie jusqu'à sa guérison complète, au moins jusqu'au 11 février 2015, ou durant un an sans traitement en cas d'incapacité temporaire et licencié en cas d'incapacité permanente ;

- D... a méconnu son obligation de lui délivrer un certificat de travail à l'expiration de la relation contractuelle ;

- D... n'a pas cherché à le reclasser ;

- D... ne lui a jamais notifié son intention de ne pas renouveler son contrat de travail, de ce fait, il doit être regardé comme ayant été licencié en cours de contrat ;

- le non-renouvellement de son contrat est entaché d'une illégalité, il n'a pas été précédé d'un préavis notifié au moins 8 jours avant le terme de son dernier contrat.

- elle n'a pas respecté son obligation de préavis de licenciement et aucun entretien préalable à son licenciement n'a eu lieu ;

- elle a communiqué tardivement l'attestation employeur destinée à Pôle Emploi ;

- elle a déclaré tardivement son accident de service auprès de la CPAM de la Loire-

Atlantique ;

- il apporte la preuve du lien de causalité direct et certain entre la faute intentionnelle de son employeur, les fautes et les illégalités fautives commises durant et lors de la rupture de son contrat et les préjudices dont il demande la réparation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, D..., représentées par la SELARL Cabinet COUDRAY, société d'avocats inter barreaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. A... B... sont infondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Crestin, pour M. A... B..., et de Me Saulnier, pour la SELARL Cabinet COUDRAY.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., recruté par D... à compter du 1er juillet 2013 en qualité d'adjoint technique dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu jusqu'au 31 août 2013, a vu son engagement prolongé jusqu'au 30 septembre 2013. Employé comme conducteur d'engins, il a, tout d'abord, exercé les fonctions de conducteur d'une balayeuse mécanique au sein du service " balayage mécanique " du pôle Nantes Ouest de la direction générale Territoires et proximité, puis, a été affecté, à compter du 1er septembre 2013, dans le service " voirie mutualisée " comme conducteur de poids lourds. Le 12 septembre 2013, alors qu'il conduisait un camion dans l'exercice de ses fonctions, il a heurté deux véhicules stationnés sur des emplacements prévus à cet effet en bordure de la voie publique, accident dont le caractère professionnel a été reconnu. M. A... B... a, ensuite, été placé en arrêt maladie pour la période du 13 au 21 septembre 2013. Le 26 septembre 2017, le requérant a adressé à D... une demande préalable indemnitaire afin d'obtenir réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident du travail dont il a été victime et des fautes commises par la collectivité territoriale lors de la cessation de ses fonctions. Cette demande a été rejetée par une décision du 21 février 2018. Il alors saisi le tribunal administratif de Nantes pour demander l'indemnisation de ses préjudices et, par un jugement du 27 avril 2023, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... B... demande l'annulation de ce jugement ainsi que la condamnation de D... à lui verser la somme totale de 277 120,70 euros, à parfaire, au titre de la réparation de son entier préjudice assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale contradictoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'accident du travail du 12 septembre 2013 :

2. En premier lieu, il convient de rejeter le moyen selon lequel le tribunal administratif serait compétent pour constater la faute inexcusable commise par un employeur public à l'égard d'un agent contractuel de droit public ayant participé à l'exécution du service public, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal dans les paragraphes 2 à 4 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... B... disposait, à la date du 12 septembre 2013, du permis de conduire de catégorie C et de la " Formation Initiale Minimale Obligatoire " (FIMO) permettant la qualification au métier de conducteur de voyageurs ou de marchandise. Le requérant disposait également au moment de la survenance de l'accident de service d'un avis favorable pour la conduite d'une balayeuse poids lourd. Dans ces conditions, alors même que M. A... B... a été reconnu travailleur handicapé et perçoit une pension d'invalidité à ce titre, aucun élément ne faisait obstacle à ce qu'il conduise le camion qui a causé son accident, dès lors que, par ailleurs, le médecin l'avait déclaré apte à cette conduite. Le requérant n'établit ni que la conduite du camion au volant duquel il était le 12 septembre 2013 nécessitait une formation supplémentaire, ni que ce véhicule n'était pas en état de circuler. Si le requérant fait valoir qu'il a été recruté sur les conseils d'un élu alors en poste à D... et que cette " faveur " serait à l'origine du comportement de certains employés de la collectivité qui " n'ont pas accepté son arrivée au sein du service voirie ", ces allégations ne reposent sur aucun fondement. Par suite, le requérant qui n'établit pas que l'accident du travail dont il a été victime aurait été causé par un acte volontaire de son employeur, ou de l'un de ses préposés, n'est pas fondé à se prévaloir de l'existence d'une faute intentionnelle de D....

4. En troisième lieu, M. A... B... soutient également que la responsabilité de D... est engagée sur le fondement d'un régime de responsabilité particulier, en l'occurrence la responsabilité sans faute de D... au titre de son obligation de garantir ses agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, à supposer que le requérant, qui relève du régime général de la sécurité sociale, puisse se prévaloir de ce régime de responsabilité, il ne résulte pas de l'instruction que D... aurait manqué à ses obligations de sécurité et de formation, prévues par les articles L. 4121-1 et R. 4323-55 et du code du travail.

5. En dernier lieu, M. A... B... soutient que D... a manqué à ses obligations contractuelles et légales en s'abstenant de mettre en œuvre son contrat d'assurance pour sa flotte automobile, ce qui aurait fait obstacle à la réparation de son préjudice. Toutefois, à supposer que l'assureur de D... n'ait pas été destinataire du constat amiable d'accident automobile, ainsi que de la déclaration d'accident automobile, cette omission est sans lien avec les préjudices allégués, alors même que le requérant n'établit, ni même n'allègue, avoir informé la métropole de l'existence d'un dommage corporel susceptible d'être réparé par son assureur. Il n'est par suite pas fondé à invoquer une faute indemnisable sur ce fondement.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de D... a réparer les préjudices subis consécutivement à l'accident de service du 12 septembre 2013.

En ce qui concerne la rupture du contrat de travail :

7. D'une part, un agent recruté sur un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat.

8. D'autre part, aux termes de l'article 9 du décret du 15 février 1988, dans sa rédaction applicable : " L'agent non titulaire en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès. L'intéressé a droit au versement par l'autorité territoriale de son plein traitement dans les limites suivantes : 1. Pendant un mois dès son entrée en fonctions ; / 2. Pendant deux mois après un an de services ; / 3. Pendant trois mois après trois ans de services. ". La circonstance qu'un agent contractuel soit en congé pour accident du travail ou pour maladie professionnelle à la date d'échéance de son contrat à durée déterminée ne fait pas obstacle à ce que ce contrat cesse de produire ses effets à cette date.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le terme du contrat de M. A... B... était fixé au 30 septembre 2013. Le contrat de travail de l'intéressé a donc cessé de produire ses effets à cette date. M. A... B..., qui n'établit pas avoir été en arrêt de travail pour la période du 22 au 30 septembre 2013, ne démontre pas davantage qu'il se serait retrouvé en situation d'incapacité permanente, et il n'est pas fondé à soutenir que D... aurait commis une faute en ne le maintenant pas en congé de maladie pour la période postérieure au 30 septembre 2013. M. A... B..., ayant bénéficié de son plein traitement pour le mois de septembre 2013, n'est pas fondé à soutenir que D... aurait dû le faire bénéficier de son droit au traitement pour la période postérieure et chercher à le reclasser. Le requérant n'établissant pas de préjudice en lien avec l'absence de remise du certificat de travail, cette circonstance ne saurait lui ouvrir un droit à réparation.

10. En deuxième lieu, M. A... B... soutient également que D... a méconnu le délai fixé à l'article 38 du décret du 15 février 1988 pendant lequel l'administration doit notifier son intention de renouveler ou non l'engagement. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait été recruté pour une durée susceptible d'être reconduite. En tout état de cause, l'absence de respect du délai de préavis délai fixé à l'article 38 du décret du 15 février 1988 ne saurait avoir pour effet de transformer la décision constatant la cessation des fonctions de l'intéressé à son terme en licenciement. Par suite, et alors au demeurant qu'il ne se prévaut d'aucun préjudice en lien avec la méconnaissance de ce délai de prévenance, il n'est pas fondé à invoquer un agissement fautif de la métropole ou que cette dernière aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas le délai de préavis applicable en cas de licenciement et en ne le convoquant pas à un entretien préalable. M. A... B... n'est pas davantage fondé à se prévaloir du bénéfice d'une indemnité de licenciement.

11. En troisième lieu, M. A... B... soutient que D... a tardé à lui remettre l'attestation employeur destinée à Pôle emploi dont il n'a été destinataire que le 22 décembre 2015. Toutefois, D... fait valoir en défense qu'une attestation a été remise au requérant à la fin de son contrat et que le document produit par le requérant ne correspond qu'à une réédition de cette attestation à la demande de l'intéressé. M. A... B... ne contredit pas cette affirmation et il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il n'a pas reçu d'attestation Pôle emploi, au terme de son contrat, et qu'il aurait sollicité sans succès cette attestation en 2013. Il n'établit pas davantage que lorsqu'il a demandé transmission de cette attestation, en 2015, la métropole aurait tardé à la lui transmettre. Il n'est ainsi pas fondé à engager la responsabilité de D... sur ce fondement.

12. En dernier lieu, si M. A... B... soutient que D... aurait déclaré tardivement son accident de service auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique, il résulte de l'instruction que D... a transmis à la CPAM la déclaration d'accident du travail requise, dans les jours suivant l'accident, et que M. A... B... a été informé par la caisse, dès le 23 septembre 2013, de la reconnaissance du caractère professionnel de cet accident. Le requérant qui ne se prévaut, au demeurant d'aucun préjudice en lien avec la faute alléguée, n'est ainsi pas fondé à engager la responsabilité de D... au motif qu'elle aurait tardé à déclarer l'accident du travail du 12 septembre 2013.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale contradictoire, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... B... la somme réclamée par D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et à D....

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.

Le rapporteur

F. PONS

Le Président

O. GASPON

La greffière

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01844
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-01;23nt01844 ?
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