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01/10/2024 | FRANCE | N°23NT01055

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 01 octobre 2024, 23NT01055


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 20 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant Meria D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de refugié.



Par un jugement n° 2204825 d

u 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 20 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant Meria D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de refugié.

Par un jugement n° 2204825 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, Mme A... C..., représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 9 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rodrigues Devesas, son avocate, de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation quant à l'identité et au lien de filiation de l'enfant pour lequel le visa est demandé ;

- elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... C... tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à l'enfant Meria D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de refugié. Mme C... relève appel de ce jugement.

2. La décision contestée est fondée sur des motifs tirés de ce que le lien familial de l'enfant pour lequel le visa est demandé avec la réfugiée ne correspond pas à l'un des cas lui permettant d'obtenir un visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale en qualité de membre de famille de réfugié, de ce que les documents d'état civil ne permettent pas d'établir l'identité du demandeur et son lien familial allégué et sur l'absence de production d'un jugement de délégation de l'autorité parentale du père de l'enfant.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. (...) ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un membre de famille d'un réfugié ou d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents produits à l'appui de la demande de visa destinés à établir l'identité du demandeur et la réalité de son lien familial allégué.

4. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. A l'appui de la demande de visa présentée pour l'enfant Meria D..., ont été produits un jugement supplétif de naissance n° 6920 rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal de première instance de Kaloum et un extrait de l'acte de naissance du registre de l'état civil dressé sur transcription de ce jugement supplétif. Si l'extrait de l'acte de naissance mentionne que celui-ci a été dressé le 5 janvier 2020 au lieu de 2021, cette erreur matérielle ne permet pas à elle seule d'ôter toute valeur probante aux documents d'état civil ainsi produits. De plus, en se bornant à invoquer la méconnaissance de l'article 175 du code civil guinéen, sans même en citer les termes, l'administration n'établit pas le caractère frauduleux du jugement supplétif de naissance du 23 décembre 2020. Par suite, en retenant que l'identité de l'enfant Meria D... et son lien familial avec Mme C... ne sont pas établis, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code civil.

7. En deuxième lieu, toutefois, il est constant que Mme C... réside en France depuis juin 2019 et n'a pas obtenu le statut de réfugié contrairement à sa fille aînée, Mme B... D..., laquelle s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 6 août 2020. L'enfant Meria D... étant la sœur de la réfugiée, son lien familial avec celle-ci ne correspond pas à l'un des cas lui permettant de demander un visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale en qualité de membre de famille de réfugié. Dans ces conditions, Mme C... ne peut se prévaloir ni des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni de sa qualité d'ascendante directe au premier degré d'une réfugiée, pour demander un visa pour sa fille cadette Meria D.... Par suite, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant que le lien familial de l'enfant pour lequel le visa est demandé avec la réfugiée ne lui permet pas d'obtenir le visa sollicité. En outre, il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement rendu le

20 janvier 2022 par le tribunal de première instance de Conakry 3, l'autorité parentale sur l'enfant Meria D... a été déléguée, à la demande de ses deux parents, à Mme F... E..., laquelle se présente comme une tante de l'enfant. Eu égard à ce jugement, l'enfant Meria D... a vocation à vivre en Guinée auprès de Mme E... et non en France auprès de sa mère qui n'en a plus la charge effective et de sa fratrie. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

9. En quatrième lieu, Mme C... soutient que sa fille cadette a été confiée en 2019 à une amie, laquelle la cacherait pour la protéger d'un risque d'excision provenant de la grand-mère paternelle. Toutefois, la requérante ne soutient pas et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée et alors que l'autorité parentale a été déléguée à Mme E..., le risque d'excision pèserait encore sur l'enfant Meria D.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

10. Il résulte tout de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01055
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-01;23nt01055 ?
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