Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le maire de Binic-Etables-sur-Mer s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée en vue de l'installation d'une antenne relais sur un terrain situé 6 rue Vauban ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2100648 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre 2022 et 17 novembre 2023, la société Orange, représentée par Me Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 du maire de Binic-Etables-sur-Mer ;
3°) d'enjoindre au maire de lui délivrer un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Binic-Etables-sur-Mer le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dans la mesure où les premiers juges retiennent que l'implantation d'antenne relais est autorisée en zone UY au regard des articles UY 1 et UY 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Binic-Etables-sur-Mer, mais en soumettant ces installations à la règle de hauteur maximale de
12 mètres au regard de l'article UY 10 du même règlement ;
- le projet respecte les dispositions de l'article UY 10 du règlement du plan local d'urbanisme, compte tenu de sa faible emprise au sol et de ce qu'elle se rattache à un local technique ;
- les dispositions de l'article UY 13 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas opposables au projet, lequel ne constitue pas l'implantation d'une construction nouvelle mais des travaux sur existant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, la commune de Binic-Etables-sur-Mer, représentée par Me Donias, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Orange le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Laugier, substituant Me Durand, pour la société Orange et celles de Me Laville-Colomb, substituant Me Donias, pour la commune de Binic-Etables-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2100648 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société Orange tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le maire de Binic-Etables-sur-Mer s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée en vue de l'installation d'une antenne relais sur un terrain situé 6 rue Vauban ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux. La société Orange relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la société Orange soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, au motif qu'il a admis que l'implantation d'antenne relais est autorisée en zone UY au regard des articles UY 1 et UY 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Binic-Etables-sur-Mer, tout en soumettant ces installations à la règle de hauteur maximale de 12 mètres au regard de l'article UY 10 du même règlement, toutefois, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité, de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation.
4. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. Il ressort des termes de l'arrêté du 17 août 2020 que pour s'opposer à la déclaration préalable présentée par la société Orange, le maire de Binic-Etables-sur-Mer s'est fondé sur les dispositions du code des postes et des communications électroniques et sur la circonstance que la commune n'a reçu aucun dossier d'informations relatif à l'installation d'une nouvelle antenne-relais. Pour rejeter la demande d'annulation de l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Rennes, après avoir constaté l'illégalité du motif initialement opposé par le maire, a fait droit à la demande de substitution de motifs présentée devant lui par la commune de Binic-Etables-sur-Mer fondée sur la violation des articles UY 10 et UY 13 du règlement de son plan local d'urbanisme.
6. En premier lieu, aux termes de l'article UY 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Étables-sur-Mer : " La hauteur des constructions ne devra pas excéder 12 m au point le plus haut, à compter du terrain naturel avant travaux, à l'exception des ouvrages techniques, cheminées et autres superstructures, ne dépassant pas 5% de l'emprise de la construction (cheminée, silos, citernes...), ainsi que les éoliennes ".
7. Il est constant que le projet litigieux porte sur le remplacement d'une antenne-relais existante par l'implantation d'un nouveau pylône d'une hauteur de 25 mètres. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans de masse joints à la déclaration préalable, que l'antenne-relais qui constitue, eu égard à ses caractéristiques, un ouvrage technique au sens de l'article UY 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Binic-Etables-sur-Mer, se rattache à un local technique adjacent existant et conservé. Si le plan de masse mentionne que l'emprise de l'antenne-relais est de 0,90 m², la dalle qui en constitue le socle présente toutefois une emprise bien supérieure. Il ressort des pièces du dossier et de la comparaison de l'emprise de l'antenne-relais comprenant son socle et de celle du local technique que l'emprise de l'antenne-relais représente plus de 5 % de l'emprise totale de la construction. Par suite, le maire de Binic-Etables-sur-Mer pouvait légalement fonder son arrêté d'opposition à la déclaration préalable sur ce motif.
8. En second lieu, aux termes de l'article UY 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Étables-sur-Mer : " L'implantation des constructions et installations, autorisées par le présent règlement, devra tenir compte et s'adapter aux plantations d'essences bocagères, arbres et talus existants, massifs boisés ou haies de qualité ou bien permettra leur remplacement dans des conditions équivalentes, chaque fois que possible. / Des plantations composées d'essences bocagères locales variées, s'implanteront en accompagnement de l'intégration paysagère des constructions ou installations ainsi que des stockages divers. / (...) Les surfaces non bâties et non utilisées pour la circulation devront être conservées en pleine terre permettant l'infiltration des eaux de pluie et le support de végétaux diversifiés d'essences locales et en lien avec les continuités écologiques chaque fois que possible. / Les espaces libres dans les marges de recul par rapport aux voies, seront traités en espaces verts de qualité. / Les marges de recul en bordure de voie, ainsi que les délaissés des aires de stationnement, quelle que soit leur surface, doivent être plantés et traités en espaces verts. / En limite avec les champs voisins, une haie d'arbustes sera implantée pour conserver l'aspect bocager du paysage. / En tout état de cause 20% de la surface totale de la parcelle devra être plantée et traités en espaces verts ".
9. La circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.
10. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet supporte, outre l'antenne-relais à remplacer et le local technique adjacent, un bâtiment dont les plans figurant au dossier font apparaître qu'il occupe déjà une majorité de la parcelle. En outre, la nouvelle antenne relais supportée par une dalle béton, laquelle ne constitue pas une surface de pleine terre, doit être installée à côté de l'ancien pylône, sur un emplacement différent. Dans ces conditions, les travaux déclarés ne sont pas étrangers aux dispositions précitées de l'article UY 13 du règlement du plan local d'urbanisme. De plus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies joints au dossier de déclaration préalable, que le projet litigieux ne prévoit, en particulier, ni que les surfaces de cette parcelle non bâties et non utilisées pour la circulation soient conservées en pleine terre, ni que les espaces libres dans les marges de recul par rapport aux voies soient traités en espaces verts de qualité. Il ne ressort pas davantage des pièces versées au débat qu'au moins 20 % de la surface de la parcelle, qui comporte par ailleurs un bâtiment de grandes dimensions, soit plantés et traités en espaces verts. Les travaux en cause ne peuvent dès lors être regardés comme rendant l'installation plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues. Par suite, le maire de Binic-Etables-sur-Mer pouvait légalement fonder son arrêté d'opposition à la déclaration préalable sur le motif tiré de ce que le projet méconnaît l'article UY 13 du règlement du plan local d'urbanisme.
11. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 3 du présent arrêt, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le motif initial de la décision contestée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2020 n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la société Orange ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Binic-Etables-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Orange de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange le versement à la commune de Binic-Etables-sur-Mer d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera à la commune de Binic-Etables-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à la commune de Binic-Etables-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02879