Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Océan 3 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la somme de 69 232,21 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis à son encontre le 3 décembre 2019 par l'établissement public Météo-France.
Par un jugement n° 2001263 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société Océan 3 de la somme de 69 232,21 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis à son encontre le 3 décembre 2019 par Météo-France.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7 et 22 mars 2023 et 16 mai 2024, Météo-France, représenté par Me Pichon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 février 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Océan 3 devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de la société Océan 3 une somme de 4 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à son argumentation sur le fait que son conseil a formulé des demandes auprès du conseil de la société Océan 3 compte tenu de ce qu'elle ne lui avait proposé aucune mesure d'exécution ;
- il appartenait à la société Océan 3 de procéder à la réparation des désordres dans un délai raisonnable, en application du " si mieux n'aime ", et de s'exécuter dans un délai de deux mois ou à tout le moins dans un délai raisonnable, et de l'en informer ;
- l'émission du titre exécutoire litigieux a été précédée par la constatation de la carence de la société Océan 3 à exécuter le jugement du 14 mai 2019, du fait des diligences effectuées par l'entremise des conseils des deux parties ;
- la créance était donc exigible ;
- la société Océan 3 n'a jamais entendu exécuter le jugement du 2 février 2023 et a fait preuve de mauvaise foi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2024, la société Océan 3, représentée par Me Malolepsy, conclut au non-lieu à statuer ou au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Météo-France une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le litige est devenu sans objet et que les moyens de Météo-France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Villena, substituant Me Pichon, représentant Météo France.
Considérant ce qui suit :
1. Météo-France a attribué le 1er septembre 2011 à la société Océan 3 un marché à bons de commande pour la fourniture de bouées de mesure météorologiques et océanographiques. Le 23 décembre 2011, l'établissement public a commandé deux bouées dites ODAS 10 et 13. A la suite de désordres affectant ces bouées, Météo-France a saisi le tribunal administratif de Rennes à fin de faire condamner la société Océan 3 à remplacer lesdites bouées ou à défaut de lui rembourser leurs prix d'acquisition. Par jugement du 14 mai 2019 de ce tribunal, la société Océan 3 a été condamnée, d'une part, à procéder au remplacement à ses frais des bouées ODAS 10 et 13, si mieux n'aime verser à Météo-France la somme de 69 232,21 euros correspondant à leur prix d'acquisition, et, d'autre part, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance ainsi que les sommes de 5 738,16 euros et 4 912,80 euros au titre des frais d'expertises amiables utiles à la solution du litige. Par un arrêt du 6 novembre 2020, la cour a rejeté l'appel formé par la société Océan 3 contre ce jugement, ainsi que les conclusions d'appel incident présentées par Météo-France tendant à ce que cette société soit uniquement condamnée à lui rembourser les sommes mentionnées par le jugement, à l'exclusion de tout remplacement des bouées. Avant l'issue de cette instance d'appel, par un titre exécutoire du 3 décembre 2019, Météo-France a mis à la charge de la société Océan 3 la somme de 86 383,17 euros, correspondant d'une part au prix de 69 232,21 euros d'acquisition des bouées ODAS 10 et 13, et d'autre part au montant des autres sommes mises à la charge de cette société par le jugement du 14 mai 2019. La société Océan 3 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge à hauteur de 69 232,21 euros de la somme réclamée. Par un jugement du 2 février 2023, dont Météo-France relève appel, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société Océan 3 de la somme de 69 232,21 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 3 décembre 2019.
Sur l'exception de non-lieu :
2. La circonstance invoquée par la société Océan 3 qu'à la suite de sa mise en redressement judiciaire le 14 mars 2022, la créance de 87 883,17 euros de Météo-France a été prise en compte, avec étalement sur neuf années, à la suite d'un jugement du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Lille-Métropole ayant arrêté son plan de redressement, n'a, contrairement à ce qu'elle soutient, pas fait disparaître l'objet du litige portant sur l'obligation de paiement de la somme de 69 232,21 euros résultant du titre exécutoire émis à son encontre le 3 décembre 2019 par Météo-France. Par suite, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Météo-France.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
4. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par Météo-France, a répondu avec la précision requise, au point 4 du jugement attaqué, au moyen soulevé par l'établissement public tiré de ce qu'il avait accompli des diligences établissant la carence de la société à remplacer les deux bouées dès lors que son conseil, avant l'édiction du titre exécutoire litigieux, avait formulé des demandes auprès de celui de la société Océan 3 qui ne lui avait proposé aucune mesure d'exécution, en indiquant que de telles diligences n'étaient pas établies, quand bien même il a indiqué, de manière superfétatoire que ce n'était pas allégué. Météo-France n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ou entaché d'omission d'examiner un moyen sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Il ressort des termes du jugement du 14 mai 2019 que le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Océan 3 à procéder au remplacement à ses frais des deux bouées ODAS 10 et ODAS 13, si mieux n'aime verser à Météo France la somme globale de
69 232,21 euros, sans préciser aucun délai pour l'exécution de l'obligation de remplacement ainsi prévue, si bien qu'en ne justifiant d'aucune action pour procéder à ce remplacement ou à ce versement à la date du titre exécutoire du 3 décembre 2019, alors que son appel devant la cour enregistré le 12 juillet 2019 n'avait pas d'effet suspensif, la société Océan 3 doit être regardée comme ayant manqué à son obligation d'exécuter ce jugement. Toutefois, contrairement à ce qu'il soutient, Météo-France n'établit pas avoir demandé à la société Océan 3, avant d'édicter le titre exécutoire litigieux, quelle option elle avait décidé d'exercer. Dans ces conditions, la seule inexécution du jugement du 14 mai 2019 par la société Océan 3 n'autorisait pas Météo-France à exiger unilatéralement le versement de la somme de 69 232,21 euros par cette société sans l'avoir mise à même d'exprimer son intention sur l'option que le tribunal n'avait ouverte qu'à elle seule, ce d'autant plus qu'il lui était loisible de saisir le juge de l'exécution compétent afin que soit, notamment, fixé pour le remplacement des bouées un délai au-delà duquel la carence dûment constatée de la société aurait impliqué qu'elle doive nécessairement s'acquitter de la condamnation pécuniaire. Quand bien même la société Océan 3 serait de mauvaise foi, Météo-France ne pouvait ainsi édicter le titre exécutoire du 3 décembre 2019 et modifier par cette voie unilatéralement tant la présentation de ses conclusions devant le tribunal, où l'établissement avait sollicité à titre principal la condamnation de la société au remplacement des bouées, que la condamnation alternative prononcée par le tribunal. Par suite, Météo-France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a déchargé la société Océan 3 de la somme de
69 232,21 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis à son encontre le 3 décembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Météo-France.
7. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Météo-France, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Océan 3.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Météo-France est rejetée.
Article 2 : Météo-France versera la somme de 1 500 euros à la société Océan 3, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Océan 3 et à Météo-France.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00642