Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A..., M. C... A... et la société Normandie Auto ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de Mayenne a autorisé l'occupation temporaire des terrains d'assiette des installations de stockage de déchets de métaux, de déchets d'alliages de métaux, de résidus métalliques, d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage exploitées par la société Normandie Autos sise au Grand Etinoux à Lignières-Orgères (Mayenne), au titre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et de l' arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de Mayenne a prescrit des travaux d'office aux frais de la société Normandie Autos sise au Grand Etinoux à Lignières-Orgères au titre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.
Par un jugement n°s 1811506, 1811320 et 1811507 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction des requêtes n°s 1811506, 1811320 et 1811507 et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Gouedo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de Mayenne a autorisé l'occupation temporaire des terrains d'assiette des installations de stockage de déchets de métaux, de déchets d'alliages de métaux, de résidus métalliques, d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage exploitées par la société Normandie Auto ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de Mayenne a prescrit des travaux d'office aux frais de la société Normandie Auto sise au Grand Etinoux à Lignières-Orgères au titre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreurs de fait et doit être annulé en tant qu'il porte atteinte au droit à un procès équitable : les arrêtés attaqués n'étaient pas des mises en demeure comme retenu par les premiers juges mais décidaient d'une part, de l'occupation de parcelles et, d'autre part, de l'exécution d'office de travaux ; les travaux n'étaient pas entièrement exécutés à la date de l'audience de sorte que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ; ce n'est que par un arrêté du 2 juin 2021 que le préfet de la Mayenne a prescrit au mandataire liquidateur la SARL G. Lemercier de placer le site dans un état ne portant pas atteinte à l'environnement et à cette fin de faire procéder à l'évacuation, et au traitement de tous les déchets, ferrailles, et produits présents ;
- il est victime d'un déni de justice : alors que le juge des référés dans un premier temps avait opposé un défaut d'urgence, dans un second temps, le tribunal administratif statuant au fond a considéré qu'il n'y avait plus lieu à statuer dès lors que les arrêtés du 2 octobre 2018 du Préfet de Mayenne avaient été entièrement exécutés ;
- la réclamation préalable indemnitaire n'est pas une condition de recevabilité de l'action indemnitaire lorsqu'est en cause la réparation des préjudices causés par une voie de fait ;
- les arrêtés sont entachés d'un vice de procédure : il n'a reçu que le 8 novembre 2018 la convocation à l'état des lieux prévu le 6 novembre 2018, de sorte que l'occupation temporaire des terrains a été illégale ;
- il n'est pas en infraction avec les règles relatives aux installations classées puisqu'il n'a reçu aucune mise en demeure ;
- il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations à la suite du rapport du 4 mai 2018 et du rapport du 13 juin 2018 ;
- il n'est pas concerné par les mises en demeure adressées à son père ; aucun fait de nuisance établi contradictoirement ne le concerne ;
- aucune mise en demeure n'a été adressée à la société Normandie Auto ;
- le risque de pollution n'est pas établi.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le code de l'environnement ;
- la loi du 29 décembre 1892 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 novembre 1985, le préfet de la Mayenne a autorisé Monsieur C... A... à exploiter un stockage de déchets de métaux, de déchets d'alliages de métaux, de résidus métalliques, d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage aux lieux-dits " Le Grand Etinoux " et " Le Petit Etinoux ", sur la commune de Lignières Orgères. Après une visite d'inspection réalisée le 6 juin 2018, le préfet de la Mayenne a, d'une part, ordonné, par arrêté du 2 octobre 2018, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, l'exécution d'office de travaux d'évacuation sur les sites situés aux lieux-dits " Le Grand Etinoux " et " Le Petit Etinoux " et, d'autre part, décidé, par arrêté du 2 octobre 2018, l'occupation temporaire des terrains nécessaires aux travaux d'évacuation. Par deux requêtes, M. B... A... et la SARL Normandie Auto ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces deux arrêtés et de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis. Par un jugement du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction des requêtes n° 1811506 et 1811507 et a rejeté le surplus des conclusions. M. B... A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait commis, comme le soutient M. A..., une erreur de fait susceptible d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, cette erreur resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Lorsque l'autorité administrative, dans le cas où des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés irrégulièrement, met en demeure l'intéressé de régulariser sa situation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, l'exécution complète des mesures ou formalités prescrites par cette mise en demeure prive d'objet le recours tendant à son annulation, sur lequel il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer.
5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'inspection des installations classées du 12 décembre 2018, que les travaux d'office ordonnés par le préfet par l'arrêté du 2 octobre 2018 ont été entièrement exécutés, et que l'occupation temporaire du site prescrite par l'arrêté du même jour s'est achevée le 10 décembre 2018. De plus, l'arrêté du 2 octobre 2018 prescrivait l'évacuation pour traitement dans une filière ad hoc de tous les déchets de métaux, d'alliage de résidus métalliques, d'objet en métal et carcasses de véhicules hors d'usage stockés sur les parcelles exploitées par M. C... A... aux lieux-dits le petit Etinoux et le grand Etinoux sur la commune de Lignières-Orgères. La circonstance que les clichés photographiques annexés au rapport du 12 décembre 2018 de l'inspection des installations classées montrent la présence d'autres déchets tels que des pneus, bidons ou des encombrants est sans incidence sur le caractère achevé des travaux prescrits. De même, la circonstance que par un arrêté postérieur du 2 juin 2021, le préfet de la Mayenne aurait prescrit au liquidateur judiciaire de M. C... A... de faire procéder à l'évacuation de déchets métalliques est sans influence sur l'achèvement de l'exécution de l'arrêté du 2 octobre 2018 à la date du 12 décembre 2018. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la légalité des décisions contestées.
6. Si M. A... soutient que les décisions juridictionnelles rendues par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes le 18 décembre 2018 puis par le tribunal administratif de Nantes le 31 janvier 2023 aboutissent à un déni de justice, il conserve néanmoins la possibilité de former, s'il s'y croit fondé, un recours indemnitaire devant l'ordre de juridiction compétent en réparation d'une éventuelle faute commise par l'administration dans l'exécution des arrêtés du 2 octobre 2018. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours et des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire relatives au déni de justice ne peuvent qu'être écartés.
7. Enfin, les premiers juges ayant prononcé à bon droit un non-lieu à statuer, l'ensemble des moyens relatifs à l'illégalité des décisions contestées sont inopérants.
Sur la demande indemnitaire au regard de l'atteinte au droit de propriété :
8. M. A... fait valoir qu'en estimant qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur la demande de M. B... A... et de la SARL Normandie Autos, le tribunal administratif de Nantes les n'a pas permis qu'il soit statué sur son action indemnitaire. Cependant, si dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété, la recevabilité d'une telle action indemnitaire demeure soumise aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur demande indemnitaire qui n'a été précédée d'aucune réclamation préalable serait recevable.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif a, d'une part, constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction dirigées contre les arrêtés du 2 octobre 2018 et d'autre part, a rejeté les conclusions indemnitaires.
Sur les frais de justice :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à verser la somme demandée par M. A... au titre des frais de justice.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0156602