Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite née le 21 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 21 août 2022 de l'autorité consulaire française à Lomé (Togo) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'enfant étranger de ressortissant français, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 70 euros par jour de retard ou à défaut, de procéder au réexamen de la demande de visa dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300308 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 juillet 2024, Mme B... A..., représentée par Me Tchiakpe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du19 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 21décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 21 août 2022 de l'autorité consulaire française à Lomé (Togo) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'enfant étranger de ressortissant français ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, subsidiairement, de réexaminer sa situation selon les mêmes modalités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les actes versés au dossier comportent des mentions concordantes et permettent d'établir sa filiation, laquelle ressort également d'éléments de possession d'état ;
- les actes versés ont été établis en les formes usitées dans le pays et ne peuvent en aucun cas faire l'objet de contestation et ne font d'ailleurs l'objet d'aucune critique, à l'exception de deux phrases lapidaires : " les documents produits ne sont pas probants et vos déclarations conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondée et s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique .
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante togolaise a sollicité auprès de l'autorité consulaire française à Lomé (Togo) la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'enfant étranger de M. C... A..., ressortissant français. Par une décision du 21 août 2022, cette autorité a refusé de délivrer le visa demandé. Par une décision implicite née le 21 décembre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire.
2. Mme A... a, le 6 janvier 2023, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision du 21 décembre 2022. Elle relève appel du jugement du 19 décembre 2023 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre la décision née le 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. En premier lieu, il résulte des mentions de l'accusé de réception transmis au conseil de la requérante par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, indiquant expressément qu'en l'absence de réponse expresse au recours dans un délai de deux mois à compter de la date de sa réception, celui-ci serait réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux opposés par la décision consulaire, que la commission, dont la décision se substitue à celle de l'autorité consulaire, doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu par cette autorité, tiré en l'espèce du caractère frauduleux des actes d'état civil produits.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". D'une part, il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Mme A..., née le 25 mai 2001, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de M. C... A..., ressortissant français. Il ressort des pièces produites que M. C... A..., né le 23 avril 1942, a été naturalisé français par un décret du 10 septembre 1997 et a été autorisé par le même acte à franciser son nom pour se faire appeler légalement " M. D... A... ". Mme A... verse également aux débats la copie intégrale de la déclaration de naissance la concernant, établie sur transcription du 13 août 2013 d'un jugement supplétif n° 1866/13 du 24 septembre 2013 du tribunal de Kpalimé, qui mentionne bien M. D... A..., né en 1942, comme étant son père. La requérante produit également un extrait de jugement du 25 juin 2013 portant reconstitution d'acte de naissance, un jugement de délégation de l'autorité parentale du 17 juin 2014 ainsi que des extraits de jugement de rectification d'acte de naissance modifiant le nom de son père qui comportent des mentions concordantes sur la filiation de l'intéressée, notamment s'agissant des numéros figurant sur la déclaration de naissance et sur l'acte de naissance. Le motif du changement de prénom de M. A..., expliqué par la requérante par la politique conduite au Togo durant les années 1974 à 1991 visant à remplacer les prénoms français par des prénoms togolais en matière d'état civil, n'est contredit par aucune pièce du dossier. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que la commission de recours a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer le visa sollicité aux motifs énoncés au point 5.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions d'injonction :
7. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300308 du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas de long séjour pour Mme A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 30 août 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT00479 2