La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2024 | FRANCE | N°23NT00874

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 17 septembre 2024, 23NT00874


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle l'autorité consulaire française en Tunisie a retiré un visa de long séjour en qualité de salarié délivré le 25 avril 2022, la décision consulaire du 12 mai 2022 lui refusant le visa sollicité et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre cette décision du 12 mai 2022 de l'a

utorité consulaire française en Tunisie refusant de lui délivrer un visa de long séjour en q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle l'autorité consulaire française en Tunisie a retiré un visa de long séjour en qualité de salarié délivré le 25 avril 2022, la décision consulaire du 12 mai 2022 lui refusant le visa sollicité et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre cette décision du 12 mai 2022 de l'autorité consulaire française en Tunisie refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de salarié.

Par un jugement n°s 2207136, 2207259 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de l'autorité consulaire française en Tunisie et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de rétablir le visa délivré le 25 avril 2022 dans un délai d'une semaine à compter de sa notification.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité ; la décision de l'autorité consulaire du 12 mai 2022 contestée porte refus de délivrance du visa de long séjour demandé et ne constitue pas une décision de retrait d'un visa de long séjour délivré le 25 avril 2022 ;

- la décision implicite de la commission de recours, qui s'est substituée à la décision du 12 mai 2022, est fondée sur ce que la formation initiale de M. B... est sans rapport avec l'objet de l'emploi sur lequel il postule en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Dire, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer un visa de long séjour dans un délai de dix jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, subsidiairement, de réexaminer sans délai sa demande et dans l'attente de lui délivrer sans délai un visa aux fins d'entrée en France sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre n'est fondé.

M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n°s 2207136, 2207259 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision non datée par laquelle l'autorité consulaire française en Tunisie a retiré le visa de long séjour en qualité de salarié délivré à M. B... le 25 avril 2022 et, par voie de conséquence, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française en Tunisie refusant de lui délivrer le visa de long séjour demandé et a, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de rétablir le visa délivré le 25 avril 2022 dans un délai d'une semaine à compter de sa notification. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement. Par une ordonnance du 28 juin 2023 le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif tendait à l'annulation de la décision qu'il a regardée comme le retrait d'un visa qui lui aurait été délivré le 25 avril 2022 ainsi que de la décision du 12 mai 2022 de l'autorité consulaire française en Tunisie refusant de lui délivrer le visa demandé. Il ressort des pièces du dossier que, le 20 avril 2022, M. B... a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de salarié et qu'il s'est vu notifier le 13 mai suivant une décision du 12 mai 2022 par laquelle l'autorité consulaire française en Tunisie a refusé de délivrer le visa sollicité. Dans le même temps, M. B... s'est vu remettre son passeport sur lequel avait été apposé un visa daté du 25 avril 2022, avant que celui-ci ne soit rayé. La décision du 12 mai 2022 s'analyse comme une décision de refus de visa prise par l'autorité consulaire française, laquelle n'entendait pas donner une suite favorable à la demande de visa et a, par conséquent et à une date indéterminée, rayé la vignette apposée par erreur sur le passeport de l'intéressé. En jugeant que la décision du 12 mai 2022 devait être regardée comme portant retrait de visa et en annulant cette décision pour un défaut de motivation, puis en annulant par voie de conséquence la décision implicite de la commission de recours, les premiers juges se sont mépris sur la portée des décisions contestées et ont inexactement interprété les conclusions de la demande. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé pour irrégularité.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire du 12 mai 2022 :

4. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".

5. En vertu des dispositions citées au point précédent de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours présenté par M. B... s'est substituée à la décision du 12 mai 2022. Par suite, les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision implicite de la commission de recours et les moyens dirigés contre la décision de l'autorité consulaire doivent être écartés comme inopérants.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

6. Il ressort des écritures en défense produites par le ministre de l'intérieur et des outre-mer en première instance que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires compte tenu de la situation personnelle de M. B... en Tunisie et de l'absence d'adéquation entre sa formation initiale et l'emploi qu'il entend occuper en France.

7. En premier lieu, si le requérant fait valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé à la commission de recours la communication des motifs de sa décision implicite. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé (...). ".

10. La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'une autorisation de travail délivrée par le ministre de l'intérieur ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France, dès lors que l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. S'agissant en particulier du risque de détournement de l'objet du visa, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'administration en cas de refus de visa fondé exclusivement ou notamment sur l'absence d'adéquation de la qualification et de l'expérience professionnelle du demandeur avec l'emploi proposé.

11. M. B..., ressortissant tunisien né le 15 septembre 1993, a demandé un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié aux fins d'occuper un emploi d'agent d'entretien de nettoyage industriel dans la société Salaisons de Beaume Drobie à Joyeuse (Ardèche). Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a obtenu en Tunisie, en juillet 2018, un diplôme national de licence appliquée en comptabilité et gestion comptable et qu'il a ensuite bénéficié par l'intermédiaire de l'agence nationale tunisienne pour l'emploi et le travail indépendant d'un stage d'initiation à la vie professionnelle du 2 avril 2019 au 1er avril 2020 puis d'un contrat d'initiation à la vie professionnelle du 1er mai 2020 au 30 avril 2021 au sein de la société Leoni Wiring Systems Tunisia, spécialisée dans la fabrication des câbles électroniques et électriques destinés au secteur automobile. Il ressort encore des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. B... est employé comme manœuvre par la même société. Au vu de l'ensemble de ces éléments, M. B... ne justifie ni d'une formation ni d'une expérience professionnelle dans le domaine du nettoyage industriel. Par suite, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer le visa demandé en raison de l'absence d'adéquation de l'expérience professionnelle de l'intéressé à l'emploi proposé.

12. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ses conditions d'hébergement et de financement de son séjour compte tenu du motif de la décision contestée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2207136, 2207259 du 27 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions de sa requête d'appel présentées aux fins d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00874


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00874
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : DIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23nt00874 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award