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16/07/2024 | FRANCE | N°24NT00638

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 16 juillet 2024, 24NT00638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2212517 du 31 octobre 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejet

é sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2212517 du 31 octobre 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 février 2024 et 31 mai 2024, M. A..., représenté par Me Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 du préfet de la Vendée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- le jugement ne mentionne pas le mémoire qu'il a produit le 4 octobre 2023 et ne tient pas compte des arguments avancés dans ce mémoire ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation alors que la décision est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de décision portant refus de titre de séjour ;

- le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2024 le préfet de la

Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né en 1991, déclarant être entré irrégulièrement en France le 6 mai 2019, a présenté une demande d'asile rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 juin 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2022. Le 11 janvier 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 30 juin 2022, le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". L'omission dans les visas de la mention ou de l'analyse d'un mémoire produit avant la clôture de l'instruction n'est, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement ou de l'arrêt attaqué que s'il ressort des pièces du dossier que ces écritures apportaient des éléments nouveaux auxquels il n'aurait pas été répondu dans les motifs, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

3. En second lieu, M. A... soutient que le jugement attaqué n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si les premiers juges ont effectivement indiqué que les éléments relatifs à la situation du requérant en France ne permettaient pas d'établir qu'elle relèverait des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, il n'a pas répondu à la branche du même moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation alors que le requérant faisait état d'une insertion professionnelle. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il se prononce sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour opposée par l'arrêté contesté du 30 juin 2022.

4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour opposée par l'arrêté contesté du 30 juin 2022 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. A... devant la cour.

Sur le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application et comporte des éléments relatifs à la biographie et la situation personnelle et professionnelle de M. A.... Elle est, par suite, suffisamment motivée tant en droit qu'en fait.

6. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Vendée a examiné, de manière circonstanciée et précise, la situation administrative, personnelle, professionnelle et familiale de M. A.... A ce titre, la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur de fait qui révèlerait que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A..., au soutien du moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées, fait valoir qu'il réside en France depuis 2019, qu'il est en couple avec une compatriote, qu'il occupe une activité professionnelle depuis mai 2021, qu'il est investi dans diverses associations et que sa sœur, de nationalité française et avec qui il a des liens stables, est sur le territoire français. Cependant, son concubinage avec une ressortissante guinéenne présente un caractère très récent et M. A... ne peut utilement se prévaloir de la naissance de sa fille intervenue le 12 avril 2024 soit postérieurement à la décision contestée. Le requérant a vécu en Guinée jusqu'à l'âge de 28 ans et ne démontre pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine dès lors qu'y résident encore son enfant et son épouse sans qu'il puisse utilement se prévaloir de leur divorce qui serait intervenu le 20 mars 2024. Dans ces conditions, en prenant la décision contestée et en dépit de ses efforts d'intégration professionnelle et de son engagement associatif, le préfet de la Vendée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

10. D'une part, les éléments relatifs à sa situation en France dont fait état M. A..., tels que rappelés au point 4 du présent arrêt, ne permettent pas d'établir que cette situation relèverait des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale et le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. D'autre part, si l'appelant se prévaut de missions d'intérim et d'un contrat de travail signé le 15 novembre 2021 et fait valoir des tensions sur le marché du travail dans le secteur de l'élevage, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'emploi de " coordinateur intervention élevage " du requérant nécessiterait une expérience et des qualifications très spécifiques et ces éléments ne suffisent pas à établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". Le 3° de l'article L. 611-1 est relatif à l'hypothèse où l'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Comme il a été dit au point 5, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de la Vendée a suffisamment motivé en fait et en droit le refus opposé à la demande de délivrance d'un titre de séjour déposée par M. A.... Dès lors, la décision contestée n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confondant avec celle du refus de titre de séjour.

13. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet

de la Vendée a procédé à un examen particulier de sa situation, notamment pour en déduire que la mesure d'éloignement ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

14. En troisième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, la décision fixant le pays de nationalité de M. A... comme pays de son renvoi mentionne sa nationalité guinéenne et précise que celui-ci n'établit pas que sa vie privée ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'il y serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, elle est suffisamment motivée en fait et en droit. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucun autre élément du dossier que cette décision aurait été prise sans un examen particulier de la situation personnelle de M. A... en particulier au regard des risques encourus dans son pays d'origine.

17. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2022 du préfet de la Vendée en tant qu'il refuse un titre de séjour et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2212517 du 31 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 30 juin 2022 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 30 juin 2022 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24NT00638 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00638
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL R & P AVOCATS OLIVIER RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;24nt00638 ?
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