La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2024 | FRANCE | N°24NT00222

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 16 juillet 2024, 24NT00222


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 4 janvier 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bruxelles (Belgique) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des ou

tre-mer de délivrer le visa sollicité, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre pri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 4 janvier 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bruxelles (Belgique) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 2500 euros à verser à son conseil sur le fondement combiné des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2303122 du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2024, M. A... représentée par Me Eca, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bruxelles refusant de lui délivrer un visa long séjour études ;

3°) d'annuler la décision la décision de l'autorité consulaire française à Bruxelles ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Eca d'une somme de 2500 euros hors taxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision consulaire qui se borne à cocher sur un formulaire une case relative à " l'incomplétude et au caractère non fiable des informations fournies " est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;

- la décision de la commission est disproportionnée dès lors qu'elle lui interdit de poursuivre les études qu'il a commencées à l'université de Lille ; le master en data science en santé s'inscrit parfaitement dans ses études antérieures au Cameroun ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il justifie d'un diplôme dans son pays d'origine et d'une inscription à l'université de Lille ; il est intégralement pris en charge financièrement par sa famille en France, en particulier par son cousin, et il bénéficie d'un logement gratuit ;

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, par un mémoire enregistré le 4 mars 2024, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant auprès de l'autorité consulaire française à Bruxelles (Belgique). Cette demande a été rejetée par une décision du 31 août 2022. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, à son tour, refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 4 janvier 2023, laquelle, en application des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est substituée à la décision consulaire.

2. M. A... a, le 2 mars 2023, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française. Il relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, l'article L. 232-4 du même code précise cependant que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".

4. Aux termes, d'autre part, de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". L'article D 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ".

5. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions. Au cas d'espèce, dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, intervenue le 4 janvier 2023, s'est substituée au refus consulaire du 31 août 2023, en application des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens repris en appel dirigés contre la seule décision consulaire, tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen, ne peuvent être utilement invoqués et doivent, pour ce motif, être écartés.

6. En second lieu, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter une demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'étudiant, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est, dans sa décision du 4 janvier 2023, fondée, d'une part, sur le fait " que son projet d'études n'est pas abouti (...) et qu'il n'a apporté aucun élément sur la plus-value de suivre des études en France " et, d'autre part, " qu'il n'a pas apporté la preuve qu'il dispose de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature ou qu'il est en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ". La commission a enfin retenu que " dans ces conditions, il existait un risque de détournement de l'objet du visa sollicité pour " études " à d'autres fins, notamment migratoires. ".

8. Il est constant que M. A..., qui est titulaire d'un master professionnel en " analyses microbiologiques et toxicologiques " obtenu à l'université de Douala (Cameroun) au mois de mars 2021, a souhaité s'inscrire, à l'âge de trente-deux ans, à un master en " sciences de la santé publique " à l'université libre de Bruxelles (Belgique) pour l'année universitaire 2021-2022 mais n'a pas finalisé cette inscription. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A... s'est ultérieurement inscrit en première année de master " Data Science " à l'université de Lille pour la même année universitaire et non pour l'année 2022/2023, alors qu'il était déjà titulaire d'un master, et qu'il n'a pas validé cette année d'études, n'obtenant pas notamment au cours des examens du premier semestre la moyenne dans 9 épreuves et étant porté défaillant par deux fois lors des examens de la deuxième session. Le requérant, par les explications qu'il donne devant la cour n'établit, pas plus en appel qu'en première instance, le caractère sérieux, et complémentaire avec le diplôme déjà acquis, des études qu'il entendait poursuivre. Par ailleurs, et sans que le requérant y fasse référence dans ses écritures d'appel, il ressort des éléments du dossier qu'il est inscrit au sein du conservatoire national des arts métiers de Paris pour l'année universitaire 2023-2024, pour un projet distinct de celui initialement poursuivi, et il n'est pas plus démontré que cette inscription serait cohérente avec son parcours antérieur. L'ensemble de ces éléments étant, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, de nature à remettre en cause le caractère cohérent et sérieux de son projet d'études, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée seulement sur ce seul motif, pour justifier la décision contestée, la circonstance qu'il justifierait de ressources suffisantes étant sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse eu égard au motif qui la fonde.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 janvier 2023 ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à M. A..., qui succombe dans la présente espèce, de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

C.VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT00222 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00222
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : ECA WA LWENGA BLAISE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;24nt00222 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award