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16/07/2024 | FRANCE | N°23NT00870

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 16 juillet 2024, 23NT00870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 14 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc), refusant de délivrer à Mme F... G... et à l'enfant B... C... des visas de court séjour en qualité de membres de famille de citoyen non français de l'Union europée

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Par un jugement nos 2206776 et 2207115 du 28 février 2023, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 14 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc), refusant de délivrer à Mme F... G... et à l'enfant B... C... des visas de court séjour en qualité de membres de famille de citoyen non français de l'Union européenne.

Par un jugement nos 2206776 et 2207115 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 mai 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... G... et à l'enfant B... C... les visas demandés dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas prise en méconnaissance des article L. 200-4 et R. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la délivrance des visas demandés serait contraire à l'article L. 412-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdit la polygamie ;

- en enjoignant à l'administration de délivrer à l'enfant le visa demandé, les premiers juges n'ont pas pris en compte le changement de circonstances intervenu dès lors que l'enfant a obtenu la nationalité belge en cours d'instance et n'était plus soumis à l'obligation de visa.

La requête a été communiquée le 30 mars 2023 à M. C..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement nos 2206776 et 2207115 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 mai 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme F... G... et à l'enfant B... C... des visas de court séjour en qualité de membres de famille de citoyen non français de l'Union européenne. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur plusieurs motifs tirés de ce que le lien de filiation entre l'enfant et M. C... n'est pas établi, de ce que les demandeurs de visas n'ont pas produit l'attestation d'accueil prévue par l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni une assurance voyage conforme à l'article 15 du code communautaire des visas, de l'insuffisance des ressources personnelles de Mme G... pour garantir le financement de son séjour et de son retour dans son pays de résidence et de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 232-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale mentionné par la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille, tels que définis aux articles L. 200-4 et L. 200-5 et accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. / Les dispositions du premier alinéa sont applicables aux ressortissants étrangers définis à l'article L. 200-5. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 200-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne ; / 2° Descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 3° Descendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 4° Ascendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint. " Aux termes de l'article L. 200-5 du même code : " Par étranger entretenant des liens privés et familiaux avec un citoyen de l'Union européenne on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas de l'article L. 200-4 et qui, sous réserve de l'examen de sa situation personnelle, relève d'une des situations suivantes : / 1° Étranger qui est, dans le pays de provenance, membre de famille à charge ou faisant partie du ménage d'un citoyen de l'Union européenne ; / 2° Étranger dont le citoyen de l'Union européenne, avec lequel il a un lien de parenté, doit nécessairement et personnellement s'occuper pour des raisons de santé graves ; / 3° Étranger qui atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un citoyen de l'Union européenne. ".

5. Il résulte de ces dispositions que les ressortissants d'un pays tiers membres de la famille d'un citoyen non français de l'Union européenne séjournant en France ont droit, lorsqu'ils ne disposent pas d'un titre de séjour délivré par un État membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", et sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à la délivrance d'un visa d'entrée en France, aux seules conditions de disposer d'un passeport et de justifier de leur lien familial avec le citoyen de l'Union européenne qu'ils entendent accompagner ou rejoindre en France.

6. Mme G..., ressortissante marocaine née en 1987, a demandé des visas de court séjour pour elle-même et son enfant, B... C..., né le 17 janvier 2019, aux fins de rendre visite à M. D... C..., ressortissant belge né en 1976, lequel réside en France sous couvert d'un titre de séjour " citoyen de l'Union européenne ". Il ressort des pièces du dossier que si le jeune B... C... est né de la relation de M. D... C... et de Mme G..., à la date de la décision contestée, M. C... était marié avec Mme A... E... et ce n'est que le 8 juillet 2022 qu'une demande de divorce a été déposée au greffe du tribunal de première instance d'Anvers, le divorce ayant été prononcé par un jugement rendu le 11 octobre 2022. Dès lors, à la date de la décision contestée du 24 mai 2022, même si le couple vivait séparément, M. C... était encore marié à Mme A... E.... Mme G... ne peut donc être regardée comme entretenant des liens privés et familiaux avec un citoyen de l'Union européenne au sens de l'article L. 200-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, le lien de filiation entre M. C... et l'enfant B... C... a été reconnu par les autorités consulaires belges à Marseille par l'établissement, le 10 août 2022, d'un acte de reconnaissance de l'enfant par M. C... et d'un acte de naissance pour l'enfant, acte sur lequel a été ajoutée la mention de l'identité du père. Enfin, par acte du 24 août 2022, l'enfant B... C... s'est vu reconnaître la nationalité belge. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de ces démarches est intervenu postérieurement à la date d'édiction de la décision contestée. Par suite, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 232-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant la délivrance des visas demandés au motif que les demandeurs n'ont pas la qualité de membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne au sens de l'article L. 200-4 dudit code et ne relèvent pas de l'une des situations de l'article L. 200-5 du même code. En outre, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler le refus de visas en litige, sur ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 232-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission de recours contestée cite le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas, notamment ses articles 21 et 32, ainsi que les articles 311-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle indique également que le lien de filiation entre l'enfant et M. C... n'est pas établi, que les demandeurs de visas n'ont produit ni l'attestation d'accueil prévue par l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni une assurance voyage conforme à l'article 15 du code communautaire des visas, que Mme G... ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes pour garantir le financement de son séjour et son retour dans son pays de résidence et enfin qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. Dans ces conditions, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit dès lors être écarté.

10. En deuxième lieu, dès lors que la commission de recours pouvait fonder sa décision sur le seul motif tiré de ce que les demandeurs n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 232-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens invoqués en première instance qui tendent à contester les autres motifs de refus sont inopérants.

11. En troisième lieu, si le requérant fait valoir que Mme G... et l'enfant B... C... souhaitent lui rendre visite en France, il n'est pas allégué par M. C... que lui-même ne pourrait pas leur rendre visite au Maroc. Par suite, et eu égard à la nature du visa demandé,

M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 mai 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 2206776 et 2207115 du 28 février 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00870
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23nt00870 ?
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