Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Penn Ar Bed a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le maire de Crozon (Finistère) a retiré le permis de construire qu'il lui avait délivré le 10 décembre 2019 autorisant l'extension d'une maison pour la création d'une piscine et la construction d'un garage, sur un terrain situé chemin du Fort Kador, ainsi que la décision du 23 juin 2020 rejetant son recours gracieux et l'arrêté du 8 avril 2020 par lequel le maire de Crozon a rejeté sa demande de permis de construire.
Par un jugement n° 2003502 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022, la société Penn Ar Bed, représentée par Me Jean-Meire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler les arrêtés des 26 février et 8 avril 2020 du maire de Crozon ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Crozon la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne répond pas au moyen opérant tiré de ce que la commune n'a pas procédé à une analyse de l'urbanisation entourant le projet de construction ;
- le projet ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ; la commune n'a pas procédé à une analyse de l'urbanisation entourant le projet de construction ; la commune ne pouvait limiter son appréciation sur le caractère urbanisé aux seules maisons à usage d'habitation ; le projet est situé dans un espace urbanisé et n'entraine aucune augmentation significative de la densité du lieu.
Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2023, la commune de Crozon, représentée par Me Prieur et Me Tremouilles, demande à la cour de faire droit à la requête.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société Penn Ar Bed sont fondés ;
- le terrain d'assiette du projet appartient à un village au sens de la loi littoral ; le schéma de cohérence territoriale du pays de Brest identifie Crozon-Morgat comme une agglomération ;
- à supposer que le règlement graphique du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes n'était pas exécutoire à la date des arrêtés contestés cette circonstance est sans incidence sur le sens de ces décisions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Jean-Meire, représentant la société Penn Ar Bed, et de Me Maccario, substituant Me Prieur, représentant la commune de Crozon.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 décembre 2019, le maire de Crozon a délivré à la société Penn Ar Bed un permis de construire pour l'édification d'un garage automobile et l'extension d'une maison par la création d'une piscine couverte sur une parcelle cadastrée KL n° 657 située chemin du Fort du Kador. Après la mise en œuvre d'une procédure contradictoire, par un arrêté du
26 février 2020, le maire de Crozon a retiré son arrêté du 10 décembre 2019. Puis, par un arrêté du 8 avril 2020, cette même autorité a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Le recours gracieux présenté par la société Penn Ar Bed été rejeté par une décision de ce maire du 23 juin 2020. Par un jugement du 7 octobre 2022, dont la société Penn Ar Bed relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 26 février et 8 avril 2020 du maire de Crozon et de la décision du 23 juin 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. La société Penn Ar Bed soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu à son moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, au motif que le maire de Crozon a pris en compte, pour lui opposer le fait que son projet n'était pas compris dans un espace urbanisé au regard de cette disposition, des constructions éloignées de son projet et pas uniquement celles l'entourant. Toutefois, en ses points 3 et 4 le jugement attaqué répond, avec la précision nécessaire, à ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...). ".
5. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
6. Il est constant que la parcelle d'assiette du projet se situe au sein de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, comprenant une maison d'habitation, est bordé au nord par une parcelle à caractère naturel constituée d'une falaise longeant un quai situé en contrebas, au niveau de la mer, supportant une voie publique bordée de quelques constructions. A l'est de ce même terrain, mais cette fois également en surplomb de la mer, se trouve une parcelle dépourvue de construction, appartenant à une vaste zone naturelle. Sur les flancs ouest et sud du terrain de la société Penn Ar Bed , les parcelles les plus proches sont également situées en surplomb du littoral et ne supportent que quelques maisons d'habitation implantées sur de grandes parcelles, situées le long du chemin en impasse du Fort du Kador, lequel constitue leur voie commune d'accès routier. Ce secteur, par ses caractéristiques et la topographie des lieux, constitue une zone d'urbanisation diffuse, distincte tant de la zone urbanisée du centre de Morgat, dont elle est séparée par les rues de la Montagne et du Phare, que de la zone longeant l'océan, située en contrebas du projet. Par ailleurs, si le schéma de cohérence territoriale du Pays de Brest approuvé le 19 décembre 2018 identifie " Crozon-Morgat " comme constituant une agglomération, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet serait compris dans une telle zone pour les motifs exposés précédemment et au vu de la carte de " mise en œuvre de la loi littoral " figurant au document d'orientation et d'objectifs. Enfin, ce même document n'intègre pas ce secteur au titre des villages de Crozon.
8. D'autre part, si les arrêtés contestés des 26 février et 8 avril 2020 mentionnent le " faible nombre de constructions à usage d'habitation " se trouvant à proximité du terrain d'assiette du projet, le maire de Crozon ne peut être regardé comme s'étant fondé sur ces seules maisons d'habitation pour prendre ses décisions, sans tenir compte les autres constructions proches, alors qu'il a également mentionné qu'un espace urbanisé devait être identifié au regard des " constructions ", sans autre précision.
9. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit et sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme que le maire de Crozon a retiré le 26 février 2020, sur ce fondement, son arrêté du 10 décembre 2019 puis a refusé l'autorisation sollicitée par la société Penn Ar Bed le 8 avril 2020.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Penn Ar Bed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Penn Ar Bed.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Penn Ar Bed est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Penn Ar Bed et à la commune de Crozon.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03845