Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 12 février 2024 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de son transfert aux autorités croates et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2402998 du 11 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ces arrêtés du 12 février 2024 du préfet de Maine-et-Loire (article 1er), a enjoint à celui-ci de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement (article 2) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais de procès (article 3).
Procédures devant la cour :
I. Par une requête n° 24NT01113, enregistrée le 11 avril 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- le résumé de l'entretien individuel de M. B... comporte le tampon de la préfecture, avec les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;
- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé
M. B... de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;
- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;
- il ressort de l'arrêté portant délégation de signature du 13 septembre 2023 que le résumé d'entretien de M. B... a été signé par une secrétaire administrative du bureau de l'asile et de l'intégration qualifiée en vertu du droit national ;
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance pour justifier du rejet de la demande de M. B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, M. B..., représenté par Me Paugam conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés et réitère ses moyens de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2024.
II. Par une requête n° 24NT01114, enregistrée le 11 avril 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 11 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le résumé de l'entretien individuel de M. B... comporte le tampon de la préfecture, avec les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;
- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé
M. B... de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;
- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;
- il ressort de l'arrêté portant délégation de signature du 13 septembre 2023 que le résumé d'entretien de M. B... a été signé par une secrétaire administrative du bureau de l'asile et de l'intégration, qualifiée en vertu du droit national.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, M. B..., représenté par Me Paugam conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés et réitère ses moyens de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange,
- et les observations de Me Paugam, représentant M. B..., en présence de celui-ci.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, né le 29 juillet 1997, a sollicité l'asile le
17 janvier 2024. Par des arrêtés du 12 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités croates et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq-jours. Celui-ci relève appel du jugement du 11 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, sur demande de M. B..., a annulé ces arrêtés au motif que l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 avait été méconnu et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B.... Par une requête distincte, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de surseoir à l'exécution du même jugement.
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 24NT01113 et 24NT01114, présentées par le préfet de Maine-et-Loire, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". S'il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a bien, en application desdites dispositions été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".
4. Il ressort du résumé de l'entretien individuel mené avec M. B... le 17 janvier 2024 que cet entretien a été conduit par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique qui y a apposé ses initiales à côté de la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité ". Le préfet de Maine-et-Loire justifie du fait que ces initiales correspondent à celles d'une secrétaire administrative qui disposait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du13 septembre 2023 au sein du bureau de l'asile et de l'intégration de la préfecture de la Loire-Atlantique. Dans ces conditions, faute de contestation plus précise de M. B..., cet agent doit être regardé comme qualifié en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement communautaire mentionné ci-dessus. Il s'ensuit que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté de transfert du 12 février 2024 pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et, par suite, de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés en première instance, par M. B... à l'encontre de ces arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités croates :
6. En premier lieu, l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Croatie de M. B... comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 16 janvier 2024, soit la veille du jour de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture et de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, en langue russe, qu'il a déclaré comprendre, dont il a signé les pages de garde et qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du 17 janvier 2024, conduit avec l'aide d'un interprète en langue russe qu'il a déclaré comprendre, qu'" il a été informé que sa demande d'asile est traitée conformément au règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, dit règlement " DUBLIN " " et qu'il a admis que " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise " et " avoir compris la procédure engagée à son encontre ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 17 janvier 2024 que M. B... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à M. B... avant l'introduction de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit le 17 janvier 2024, il n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien du
17 janvier 2024 n'aurait pas été mené en tout confidentialité, ni que son compte-rendu ne contiendrait pas les principales informations fournies par le demandeur lors de cet entretien. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire a méconnu, à ce titre, l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
13. M. B... soutient qu'il a été victime de traitement dégradants lors de son passage en Croatie et qu'il n'a pas pu voir traiter sa demande d'asile conformément à ses droits. Il soutient également que les demandeurs d'asile sont systématiquement victimes de violences en Croatie et que leurs conditions de séjour y sont indignes. Mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés ne permettent pas d'établir qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire aux articles 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
14. Aux termes de l'article L. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 peut être assigné à résidence selon les modalités prévues aux articles L. 751-2 à L. 751-7. ". Aux termes de l'article L. 751-2 de ce code : " (...) / En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ". Aux termes de l'article L. 751-4 du même code : " En cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2, les dispositions des articles L. 572-7, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 à L. 733-4 et L. 733-8 à L. 733-12 sont applicables. (...) ". Selon l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".
15. En premier lieu, l'arrêté assignant M. B... à résidence pendant quarante-cinq jours dans le département de la Loire-Atlantique comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui le fondent. Il est ainsi suffisamment motivé.
16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. B... que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas examiné sérieusement sa situation avant de décider de l'assigner à résidence pendant une durée de quarante-cinq-jours.
17. En troisième lieu, l'arrêté litigieux de transfert aux autorités croates n'étant pas annulé par le présent arrêt, doit être écarté, le moyen de ce que l'assignation à résidence prise par le préfet de Maine-et-Loire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision de transfert.
18. En quatrième et dernier lieu, M. B... soutient que la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir en tant qu'elle lui interdit de quitter le département de la Loire-Atlantique, le contraint à se présenter deux fois par semaine aux services de la police aux frontières à Nantes et lui impose de se rendre disponible pour les convocations de l'autorité administrative dans le cadre de l'exécution de la décision de transfert. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B..., lequel ne fait état d'aucune contrainte particulière l'empêchant de satisfaire à ces obligations, ni d'aucun élément de nature à démontrer le caractère excessif de la mesure d'assignation ou son incompatibilité avec sa situation personnelle, durant le temps nécessaire à la mise à exécution de la décision de transfert.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés contestés, a enjoint à celui-ci de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais de procès. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance de M. B..., y compris celles à fin d'injonction et présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
20. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Maine-et-Loire contre le jugement du 11 mars 2024. Par suite, les conclusions de la requête n° 24NT01114 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
21. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NT01114 à fin de sursis à exécution du jugement du 11 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
Article 2 : Le jugement du 11 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B..., à Me Paugam et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le président, rapporteur,
S. DERLANGE
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
A. PENHOAT
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
Nos 24NT01113,24NT01114