Vu la procédure suivante :
Par un arrêt n°21NT01315 du 30 septembre 2022, la cour, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées pour ... relatives aux préjudices extra-patrimoniaux supportés par ce dernier, a ordonné avant-dire droit une expertise médicale lui permettant de déterminer en connaissance de cause si l'état de santé de ... a entraîné un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances et un préjudice esthétique, de préciser, en les distinguant, les périodes au cours desquelles ces préjudices ont été subis, et de procéder à leur évaluation.
Le rapport d'expertise a été enregistré au greffe de la cour le 23 mars 2023.
Par des mémoires enregistrés les 10 mai 2023 et 9 juin 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Ravaut, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 mars 2021 en tant qu'il a retenu un préjudice indemnisable lié à la perte de gains professionnels subie par ... et, à défaut, de n'admettre les prétentions des requérants à ce titre qu'à hauteur de 50% correspondant à l'imputabilité de cette perte à la contamination VHC ;
2°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a retenu un préjudice lié à la perte de revenus du foyer et de rejeter la demande des requérants présentée à ce titre ;
3°) de fixer les préjudices extrapatrimoniaux indemnisables à hauteur de 70 524 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 5 410 euros pour les souffrances endurées et 4 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire ;
4°) de déclarer irrecevables les demandes formées par ..., ... et ... ;
5°) de rejeter les conclusions d'appel incident des consorts D....
Il soutient que :
- à titre principal, la demande formée au titre des pertes de gains professionnels doit être rejetée car l'arrêt par ... de ses activités professionnelles n'est pas lié exclusivement à la contamination par le VHC mais seulement à hauteur de 50%, compte tenu des nombreuses séquelles qu'il présentait sur le plan orthopédique à la suite de son accident ;
- subsidiairement, s'il devait être considéré que la perte de gains professionnels est exclusivement imputable à la pathologie hépatique de M. D..., cette perte devra être évaluée à 23 875,59 euros comme l'ont fait les premiers juges ;
- le préjudice spécifique de contamination doit être évalué à 25 000 euros, le déficit fonctionnel temporaire subi par ... à 70 524 euros, ses souffrances à 5 410 euros et son préjudice esthétique temporaire à 4 000 euros ;
- Mme D... n'a pas subi de préjudice de perte de revenus de son foyer ; ses préjudices d'accompagnement et d'affection indemnisés à hauteur de 8 000 euros et 30 000 euros l'ont été suffisamment ;
- les frais d'obsèques ne peuvent être pris en compte au-delà de la somme de 2 907,55 euros retenue par le tribunal ;
- les demandes présentées par la voie de l'appel incident par ..., ... et ... portant sur leurs préjudices propres sont irrecevables dès lors que l'appel principal de l'ONIAM s'est limité au chef de préjudice lié à la perte de revenus de Mme D... ;
- les conclusions d'appel incident de Mme D... relatives au préjudice spécifique de contamination, aux troubles dans les conditions d'existence, aux frais d'obsèques, au préjudice d'accompagnement et au préjudice d'affection ne sont pas fondées.
Par un mémoire enregistré le 30 mai 2023, Mme F... D...,
M. A... D..., M. B... D... et Mme C... D..., représentés par Me Chauvel concluent :
1°) au rejet de la requête de l'ONIAM ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes et à la condamnation de l'ONIAM à verser les sommes suivantes, majorées des intérêts de droit capitalisés :
- à Mme F... D... en qualité d'ayant droit de M. G... D..., les sommes de 400 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination et de 282 303,01 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;
- à Mme F... D... en son nom personnel les sommes de 169 705,31 euros en réparation de la perte de revenus du foyer, de 7 608,88 euros au titre des frais d'obsèques, de 100 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement de fin de vie, et de 50 000 euros au titre du préjudice d'affection ;
- à M. B... D... et à Mme C... D... la somme de 5 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande d'expertise présentée par l'ONIAM présente un caractère dilatoire ; les préjudices liés au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées et au préjudice esthétique peuvent être évalués au regard des rapports d'expertise déjà fournis ;
- le décès de ... et les préjudices invoqués sont totalement imputables à la contamination par l'hépatite C ;
- le préjudice évolutif de contamination de ... doit être évalué à
400 000 euros ; les troubles dans les conditions d'existence supportés par ... seront réparés par le versement de la somme de 282 303,01 euros ; la perte de revenus subie par Mme D... doit être évaluée à 169 705,31 euros ; tous les frais d'obsèques doivent être pris en compte à hauteur de 7 608,88 euros ; le préjudice d'accompagnement de fin de vie doit être réparé par le versement de la somme de 100 000 euros ; le préjudice évolutif de contamination par le versement de la somme de 100 000 euros ; le préjudice d'affection de Mme D... doit être réparé par le versement de la somme de 50 000 euros et celui du petit fils et de la petite-fille de G... D... par la somme de 5 000 euros pour chacun.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu l'ordonnance de taxation du président de la cour du 29 mars 2023.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de M. Berthon.
Considérant ce qui suit :
1. ..., artisan couvreur, a été victime, le 12 mars 1979, à l'âge de 39 ans, d'une chute de 7 mètres, constitutive d'un accident du travail. Les fractures complexes et multiples dont il a été atteint ont nécessité, entre 1979 et 1981, des interventions chirurgicales au cours desquelles il a bénéficié de plusieurs transfusions sanguines. En 1982, il s'est vu diagnostiquer une hépatite chronique, identifiée par la suite, en janvier 1990, comme une hépatite C. Le développement d'une cirrhose a nécessité une greffe hépatique, réalisée en octobre 1996, qui n'a pas empêché la survenance d'une récidive dès 1997. ... est décédé le 28 septembre 2008 d'insuffisance hépatique aggravée de plusieurs complications. Mme F... D..., sa veuve, son fils A... et ses deux petits-enfants, ... et ..., ont saisi le tribunal administratif de Rennes pour obtenir réparation des préjudices résultant de sa contamination et de son décès. Par un jugement n° 1804470 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une somme totale de 183 031,14 euros majorée des intérêts de droit capitalisés. L'ONIAM a relevé appel de ce jugement, d'une part, en contestant que puisse être retenu un lien de causalité entre la contamination par le virus de l'hépatite C dont a été affecté ... et le décès de celui-ci, et, d'autre part, en demandant que les montants d'indemnisation accordés aux requérants par les premiers juges aux titres des préjudices extra-patrimoniaux de ... et de la perte de revenus du foyer à la suite de son décès soient diminués. Les consorts D... ont demandé, par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en tant qu'il n'avait fait que partiellement droit, d'une part, aux demandes de Mme F... D... présentées en son nom propre et en qualité d'ayant-droit de son époux décédé, relatives à la réparation du préjudice spécifique de contamination, des troubles dans les conditions d'existence, de la perte de revenus du foyer, des frais d'obsèques, du préjudice d'accompagnement de fin de vie, et du préjudice d'affection et, d'autre part, à la demande présentée par ... et ..., petits-enfants du défunt, au titre de leur préjudice d'affection.
2. Par un jugement avant dire droit du 30 septembre 2022 la cour a confirmé que les préjudices invoqués par les requérants devaient être pris en charge au titre de la solidarité nationale dès lors qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise dont elle disposait que la contamination de ... par le virus de l'hépatite C était due aux transfusions consécutives à la chute de l'intéressé survenue en 1978, que cette infection nosocomiale avait entraîné non seulement une décompensation oedèmato-ascitique avec détérioration de la fonction rénale mais aussi une dégradation de l'état général de ..., affecté d'une encéphalopathie hépatique et de diverses complications, et que le décès de l'intéressé devait être regardé comme étant en lien direct avec les transfusions de produits sanguins qui lui avaient été administrés et les complications ayant découlé de sa contamination par le virus de l'hépatite C, alors même qu'il avait pu souffrir de pathologies distinctes et sans rapport avec le développement de l'hépatite, et qu'il n'apparaissait pas utile d'ordonner un complément d'expertise pour déterminer le lien de causalité entre la contamination par le VHC et le décès de la victime et pour apprécier si d'autres causes pouvaient expliquer le décès du patient. Toutefois, l'expertise rendue le 16 février 2012 n'étant pas suffisante pour évaluer en connaissance de cause l'ensemble des préjudices dont était demandée l'indemnisation, la cour a ordonné avant-dire droit une expertise médicale complémentaire lui permettant de déterminer si l'état de santé de ... avait entraîné un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances et un préjudice esthétique, de préciser, en les distinguant, les périodes au cours desquelles ces préjudices avaient été subis, et de procéder à leur évaluation. L'expert ayant rendu son rapport le 23 mars 2023, l'affaire est désormais en état d'être jugée.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la réparation des préjudices de ... :
3. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause, de sorte que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.
Quant aux préjudices patrimoniaux :
4. Les requérants ont demandé et obtenu en première instance l'indemnisation de la perte de gains professionnels subie par ... entre le 4 décembre 1988, date à laquelle il a cessé son activité professionnelle de couvreur, et le 30 juin 2004, date de son placement à la retraite. D'une part, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de la seule phrase du rapport de l'expertise ordonnée par la cour selon laquelle " l'arrêt de [l]a profession [de ...] était également en lien avec les séquelles de ses fractures ", que la cessation de l'activité professionnelle de l'intéressé ne serait pas directement imputable à la gravité de l'atteinte hépatique dont il a souffert, induite par sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi que l'a retenu le premier expert, ni que, du seul fait des blessures il est vrai sévères et des soins prolongés qu'il a subis à la suite de son accident du travail de 1979, il aurait arrêté de travailler en 1988 à l'âge de 49 ans. D'autre part, il ressort des termes du jugement attaqué que le préjudice lié à la perte de gains professionnels subie par ... a été évalué par le tribunal à la somme de 23 875,59 euros, dont l'ONIAM ne conteste pas les modalités de calcul et dont les intimés ne demandent pas qu'il soit porté à un montant supérieur, mais seulement que soit confirmée l'évaluation qui en a été faite par les premiers juges. Il y a donc lieu de retenir ce montant comme correspondant à la perte de gains professionnels subie par ... entre le 4 décembre 1988 et le 30 juin 2004.
Quant aux préjudices extra-patrimoniaux :
5. En premier lieu, eu égard aux conséquences variables, mais croissantes dans le temps, du développement des pathologies affectant ... sur sa capacité physique, et compte tenu des multiples hospitalisations dont il a fait l'objet, l'experte a évalué le déficit fonctionnel temporaire dont il a été atteint à 10% au début de sa contamination, entre 1980 et 1983, puis à des taux variables mais croissants dans le temps, entre 20% et 90%, par la suite, et à 100% pendant les périodes aux cours desquelles l'intéressé a été hospitalisé, à de multiples reprises et jusqu'à 7 fois en 1997. Il y a lieu de se fonder sur la description précise par l'experte nommée par la cour, dans son rapport et dans les réponses aux dires des parties, des atteintes à l'intégrité physiques subies jusqu'à la date de son décès par ..., dont l'état n'a jamais été consolidé ni stabilisé, et de retenir les taux de déficit fonctionnel partiel déterminés par cette experte. Compte tenu de ceux-ci, il y a lieu d'allouer aux ayants droit de ... la somme de 88 544,67 euros.
6. En deuxième lieu, les souffrances endurées par ... ont été évaluées entre 1,5 sur 7 et 5 sur 7 par l'experte, selon la période considérée. L'experte, si elle a intégré dans son calcul non seulement les souffrances physiques et psychiques correspondant aux souffrances endurées proprement dites, mais aussi l'inquiétude correspondant au préjudice spécifique de contamination, qui doit être indemnisé spécifiquement, relève l'asthénie et les démangeaisons cutanées liées à l'expression du VHC à son stade initial, les vives tensions et douleurs abdominales liées au développement, à partir de 1992, d'une ascite initialement traitée par des médicaments, puis à l'aggravation de celle-ci à partir de 1996, nécessitant des ponctions itératives sous hospitalisation. Elle relève aussi les douleurs induites par le traitement immunodépresseur du VHC, générant une anémie majorant l'asthénie du patient et un impact psychologique majeur à type d'angoisse, ainsi que les douleurs " très intenses " en lien avec des fractures vertébrales et costales résultant d'une ostéoporose provoquée par la cirrhose et son traitement par corticothérapie. Elle rappelle enfin les douleurs du membre inférieur subies par ..., atteint d'érysipèle, et sa très grande fragilité cutanée " avec impossibilité de le toucher ". Eu égard aux nombreuses interventions et séquelles subies par ce patient et à la très longue période au cours de laquelle se sont exprimées les douleurs, sans relâche ni soulagement durable, et même si ces douleurs ont été d'une intensité variable, il y a lieu d'évaluer ce poste de préjudice à 20 000 euros.
7. En troisième lieu, le préjudice esthétique de ... qui a également été variable entre 1980 et 2008, s'est en particulier traduit par une altération de l'aspect physique du patient, devenu de plus en plus accusée et manifeste au fil du temps : lésions de grattage visibles dès 1980, coloration jaune de la peau en raison de l'ictère résultant de l'insuffisance hépatique, angiomes stellaires sur le tronc, le visage et les membres supérieurs, augmentation du volume de l'abdomen et prise de poids en raison des poussées d'ascite, gynécomastie en lien avec le traitement diurétique, persistance, du fait de la réalisation en 1996 de la greffe de foie, d'une très grande cicatrice abdominale bi sous costale et traces cicatricielles des drains abdominaux et biliaire, port du drain biliaire pendant trois mois à la suite de cette intervention, diminution de la taille du sujet de dix centimètres et aspect voûté dans les dernières années de sa vie à partir de 2004, résultant de l'ostéoporose réactionnelle à la maladie et aux traitements. L'expert évalue ce préjudice entre 0,5 et 5 sur une échelle de 7 en fonction des évolutions de l'état de santé de .... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 15 000 euros.
8. En quatrième lieu, ... a pu éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Cette maladie s'est exprimée et aggravée sur une longue période de près de 28 ans. Il a été fait par le tribunal une juste appréciation du préjudice spécifique de contamination ainsi subi en allouant aux ayants droit de ... à ce titre une somme de 25 000 euros.
En ce qui concerne la réparation des préjudices personnels de Mme F... D... :
9. En premier lieu, les ayants droit de la victime décédée ont droit au remboursement des frais relatifs à une sépulture décente, pourvu qu'ils ne soient pas excessifs ou dépourvus de lien de causalité avec la faute commise. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme D... justifie avoir engagé des frais de pompes funèbres s'élevant à 3 402,88 euros. Par ailleurs la veuve de la victime demande le versement d'une somme de 4 206 euros au titre des frais de marbrerie. Toutefois, eu égard aux mentions portées sur la facture des frais de marbrerie, ces frais correspondent aux dépenses liées à l'érection d'une pierre tombale destinée à plusieurs membres de la famille. Dès lors, il n'y a lieu de ne retenir que la moitié de ces derniers frais, soit 2 103 euros. Ainsi, les frais de sépulture exposés par les ayants-droit de ... devant être mis à la charge de l'ONIAM s'élèvent à la somme de 5 505,88 euros.
10. En deuxième lieu, Mme D... demande le versement d'une somme de 169 705,31 euros au titre du préjudice économique lié à la perte de revenus de son foyer consécutivement au décès de son mari survenu le 28 septembre 2008. Il résulte de l'instruction, toutefois, qu'au titre de l'année 2007, les revenus perçus par Mme D... et par ... se sont élevés à la somme de 28 921 euros. Ce montant doit être ramené, après soustraction de la part d'autoconsommation de la victime, qui peut être évaluée, en l'absence d'enfant à charge, à 35 %, à 18 798 euros. Compte tenu de ce que Mme D... justifie avoir perçu au titre de son activité professionnelle au cours des années 2009 à 2011 un revenu moyen de 19 888 euros, la perte alléguée de revenus du foyer ne peut dans les circonstances de l'espèce être constatée. La demande présentée à ce titre par Mme D... doit donc être rejetée.
11. En troisième lieu, le préjudice spécifique d'accompagnement a pour objet d'indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d'existence d'un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ... a été considérablement diminué pendant de longues années et il a été constaté par l'expert, entre 1980 et 2008, hormis 203 jours d'hospitalisation pendant lesquels il était pris en charge, qu'il était atteint d'un déficit fonctionnel supérieur à 50% pendant 5 551 jours, soit plus de 15 ans, et supérieur à 70% pendant 4 060 jours, soit plus de 11 ans. Eu égard aux douleurs, atteintes fonctionnelles, et hospitalisations régulières qu'il a subies, ... a été considéré par l'expert comme atteint constamment d'un déficit fonctionnel supérieur ou égal à 80% à partir du 15 juin 2005 et jusqu'à son décès, ce qui a nécessairement alourdi l'aide qui lui était apportée par son épouse, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait bénéficié de l'aide d'une tierce personne. Il sera fait une juste appréciation du préjudice spécifique d'accompagnement subi par celle-ci en lui allouant à ce titre une indemnité de 15 000 euros.
12. En dernier lieu, en évaluant à 30 000 euros le préjudice d'affection subi par Mme D... le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne la réparation des préjudices de ... et ... :
13. Contrairement à ce que font valoir les intimés, en évaluant à 3 000 euros pour chacun le préjudice d'affection résultant pour ... et ... du décès de leur grand-père en 2008, le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice.
14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 50 505,88 euros le montant de l'indemnité due par l'ONIAM à Mme F... D... pour l'indemnisation de ses préjudices personnels, de porter à 172 420,26 euros l'indemnisation à verser aux ayants droit de ..., incluant la somme non contestée de 5 000 euros allouée par les premiers juges au fils de G... D..., A..., et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes.
Sur les dépens :
14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge saisi au fond du litige de statuer, au besoin d'office, sur la charge des frais de l'expertise ordonnée par la juridiction administrative.
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 650 euros TTC par l'ordonnance du 29 mars 2023, à la charge définitive de l'ONIAM.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros à verser aux consorts D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 73 155,55 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme F... D... par le jugement du 18 mars 2021 en réparation de ses préjudices personnels est ramenée à 50 505,88 euros et la somme de 98 875,59 euros que l'ONIAM a été condamné par le même jugement à verser aux ayants droit de ... est portée à 172 420,26 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Les dépens de l'instance, d'un montant total de 1 650 euros TTC, sont mis à la charge définitive de l'ONIAM.
Article 4 : L'ONIAM versera aux consorts D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme F... D..., M. A... D..., M. B... D..., Mme C... D..., l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, la caisse RSI Bretagne et Auvergne, la SMPIV Radiance Bretagne, la mutuelle générale.
Copie du jugement sera transmise pour information à la docteure E..., experte.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, présidente,
M Vergne, président-assesseur,
Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01315