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02/07/2024 | FRANCE | N°23NT01680

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23NT01680


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le président de la chambre régionale d'agriculture de Normandie a prononcé sa révocation et de condamner la chambre régionale à lui verser les sommes de 5 255,20 euros et de 30 110,84 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2020 et de celle du 17 novembre 2021.



Par un jug

ement n° 2200279 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 17 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le président de la chambre régionale d'agriculture de Normandie a prononcé sa révocation et de condamner la chambre régionale à lui verser les sommes de 5 255,20 euros et de 30 110,84 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2020 et de celle du 17 novembre 2021.

Par un jugement n° 2200279 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 17 novembre 2021, a enjoint à la chambre régionale d'agriculture de Normandie de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B..., a rejeté ses conclusions indemnitaires et mis la somme de 1 500 euros à la charge de la chambre régionale au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin 2023 et 22 janvier 2024, la chambre régionale d'agriculture de Normandie, représentée par Me Gey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 11 avril 2023, en tant qu'il lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... ;

2°) de rejeter la requête présentée devant le tribunal administratif par M. B... ainsi que ses conclusions présentées en appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le statut des agents des chambres d'agriculture, institué par la loi du 10 décembre 1952, exclut la possibilité de se faire assister par un avocat devant la commission administrative paritaire ; aucune raison ne permet de faire primer la loi du 31 décembre 1971 sur ces dispositions ;

- M. B... n'a pas été privé d'une garantie dès lors qu'il a été assisté par un délégué syndical et a pu préparer la réunion avec son avocate ;

- les fautes commises par l'intéressé sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- la révocation de M. B... ne constitue pas une sanction disproportionnée ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

- elle n'a commis aucune faute dans la gestion de la situation de cet agent qui serait de nature à engager sa responsabilité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 août 2023 et 16 avril 2024, M. B..., représenté par Me Le Brouder, conclut :

- au rejet de la requête,

- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires,

- à ce que la chambre régionale d'agriculture de Normandie soit condamnée à lui verser la somme globale de 35 110,84 euros à parfaire,

- à ce qu'il soit enjoint à la chambre régionale de le réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 17 novembre 2021,

- de retirer la sanction disciplinaire de son dossier individuel, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai,

- et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de chambre régionale d'agriculture de Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par chambre régionale d'agriculture de Normandie ne sont pas fondés ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire, laquelle est en tout état de cause disproportionnée ;

- la décision du 17 novembre 2021 est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- l'illégalité de la décision du 12 novembre 2020 est de nature à engager la responsabilité de la chambre régionale ;

- son préjudice moral doit être évalué à 5 000 euros dès lors que son éviction a perduré du 12 novembre 2020 au 12 octobre 2021 ;

- il est fondé à solliciter la somme de 25 110,84 euros en réparation de sa perte de salaire et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du 17 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- les observations de Me Gey, représentant la chambre régionale d'agriculture de Normandie et les observations de Me Le Brouder, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a, aux termes d'un contrat à durée déterminée, été recruté par la chambre d'agriculture du Calvados à compter du 12 novembre 2013 en qualité d'agent de ... Il a poursuivi sa collaboration, à compter du 1er mars 2014, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée régi par le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture. Ce contrat de travail a fait l'objet d'un transfert à la chambre régionale d'agriculture de Normandie (CRAN) à la date du 1er juillet 2019. Par une décision du 12 novembre 2020, le président de la chambre régionale d'agriculture a révoqué M. B... pour motifs disciplinaires. Cette décision été annulée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 17 septembre 2021. Après avoir réintégré l'intéressé, puis engagé une nouvelle procédure disciplinaire, le président de la chambre régionale d'agriculture de Normandie a de nouveau révoqué M. B... pour les mêmes motifs que précédemment, par une décision du 17 novembre 2021. L'intéressé a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Caen. La chambre régionale d'agriculture fait appel du jugement du tribunal administratif du 11 avril 2023 en tant qu'il a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B.... Ce dernier sollicite, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Il demande à la cour de condamner la chambre régionale d'agriculture de Normandie à lui verser une somme globale de 35 110,84 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions des 12 novembre 2020 et 17 novembre 2021.

Sur les conclusions principales relatives à la légalité de la décision du 17 novembre 2021 :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture (...) de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires (...) ". L'article 24 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture dispose que : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires peuvent être : A/ l'avertissement par écrit, B/ le blâme avec inscription au dossier, C/ la révocation. / Ces sanctions sont prononcées par le président de l'organisme employeur. / Toutefois, dans les deux derniers cas, les sanctions sont prononcées après avis de la commission paritaire compétente et après que l'agent ait été mis en mesure de prendre communication de son dossier et de connaître les faits reprochés. / L'agent est, sur sa demande, entendu par la commission paritaire compétente et peut se faire assister par un représentant du personnel ou par un délégué syndical appartenant à l'un des organismes visés à l'article 1er / Les représentants du personnel au sein de ladite commission doivent en ce cas être titulaires d'un emploi au moins égal à celui de l'intéressé ; les agents des organismes employeurs de la région considérée doivent en conséquence être invités à compléter leur représentation dans un délai maximum de quinze jours. / Les sanctions doivent être motivées et notifiées à l'agent par écrit ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. / Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires spéciales en vigueur à la date de publication de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'un agent administratif d'une chambre régionale d'agriculture peut, en vertu de l'article 24 du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, se faire assister devant le conseil de discipline par un représentant du personnel ou par un délégué syndical, ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse également être représenté devant cette instance paritaire, pour assurer sa défense, par un avocat ainsi que le prévoit l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 22 octobre 2021, le conseil de la chambre régionale d'agriculture de Normandie a informé l'avocate de M. B... qu'elle ne pourrait assister son client devant la commission paritaire chargée d'émettre un avis sur la sanction disciplinaire de révocation envisagée à son encontre. Il n'est pas soutenu que la présence de l'avocate de l'intéressé aurait été de nature à perturber le bon déroulement de la séance de la commission paritaire. Par suite, la chambre régionale d'agriculture a méconnu les dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971. En dépit de la circonstance que M. B... a pu préparer cette réunion avec son avocate et était assisté au cours de la séance de la commission paritaire qui s'est tenue le 10 novembre 2021 par un délégué syndical de la chambre régionale d'agriculture de Normandie, l'intéressé a été privé d'une garantie substantielle de nature à entacher d'irrégularité la procédure ayant conduit à sa révocation. La chambre régionale d'agriculture de Normandie n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en prononçant l'annulation de la décision du 17 novembre 2021 à raison de ce motif, le tribunal administratif de Caen aurait fait une inexacte application de ces dispositions.

6. Il résulte de ce qui précède, que la chambre régionale d'agriculture de Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 17 novembre 2021 prononçant la révocation de M. B....

Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. B... :

7. En premier lieu, deux faits distincts sont reprochés à M. B.... Le 22 mai 2020, alors qu'il se retrouvait enfermé accidentellement dans une salle informatique, l'intéressé a fait déclencher le système de lutte contre l'incendie par un tiers. Ce n'est que le 24 septembre 2020 qu'il a été constaté que les réservoirs d'argon, gaz servant à limiter la propagation du feu en cas d'incendie, avaient été vidés lors de ce déclenchement intempestif dans un mouvement de panique. Ce n'est pas cet incident qui est reproché à M. B... mais le fait de ne pas l'avoir signalé à ses supérieurs hiérarchiques, laissant les locaux sans protection contre l'incendie. L'intéressé fait valoir que le risque était limité dès lors que la pièce avait été vidée de ses serveurs informatiques, que le système de détection des fumées était toujours actif et que la pièce était climatisée. La chambre régionale conteste ces éléments. Elle se prévaut de l'attestation du directeur des fonctions " support " ainsi que d'un devis accepté pour un montant de 7 000 euros pour la remise en état de ce dispositif de lutte contre l'incendie, confirmant que la salle contenait du matériel et des données indispensables à son fonctionnement et que tous les serveurs n'avaient pas été déplacés. Au vu de ces précisions, c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à M. B... étaient établis, qu'ils étaient fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire. Il est reproché par ailleurs à l'intéressé d'avoir utilisé un véhicule de service pour des déplacements personnels. M. B..., dont le véhicule personnel était en panne, ne le conteste pas. Il admet en effet avoir accompli 1 340 kms avec ce véhicule appartenant à la chambre d'agriculture pour des déplacements d'ordre privé pendant plusieurs semaines. Il soutient cependant qu'il avait l'accord de sa hiérarchie et qu'une contrepartie financière était prévue. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à corroborer ses allégations et se borne à indiquer qu'il envisageait de déclarer les kilomètres parcourus avec son véhicule personnel en utilisant le code de la voiture de la CRAN et d'abandonner ainsi son droit à remboursement pour ces futurs trajets. Il n'est toutefois pas contesté que M. B... était référent régional de la flotte automobile au sein du service logistique de la chambre d'agriculture et qu'il avait, à ce titre, eu connaissance d'un refus opposé à un autre collègue par le responsable du service pour l'usage à titre privé d'un véhicule de la chambre d'agriculture. La circonstance que le véhicule était en attente d'affectation et donc non utilisé est sans incidence sur la matérialité des faits, qui est établie. Compte tenu des fonctions exercées par M. B..., ces faits sont fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire.

8. En deuxième lieu, M. B... conteste le caractère proportionné de la sanction prononcée à son encontre. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture ne prévoit que trois sanctions. Les deux premières ne consistent qu'en un avertissement et un blâme. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, le 8 février 2018, d'un rappel à l'ordre à la suite à son départ précipité de l'établissement le 2 février au matin puis, le 2 mars 2020, d'un avertissement écrit pour avoir tenu des propos blessants, voire injurieux, envers ses collègues et un fournisseur. Compte tenu de ces éléments, de l'échelle des sanctions applicables et des faits mentionnés au point 6, la révocation prononcée ne constituait pas une sanction disproportionnée.

9. En troisième lieu si M. B... évoque le recrutement d'un agent, qui aurait été en relation avec un responsable de la chambre régionale d'agriculture, à la suite de la vacance de son poste au cours du mois de novembre 2020, il est constant qu'à cette date une première sanction de révocation avait été prise à son encontre et qu'elle n'était pas annulée par le tribunal administratif. Par ailleurs, la circonstance que la chambre régionale d'agriculture a prononcé à trois reprises sa révocation à la suite des annulations prononcées par le tribunal administratif de Caen n'est pas de nature à établir le détournement de pouvoir ainsi allégué.

10. Par suite, les conclusions d'appel incident présentées par M. B... à l'encontre de la décision du 17 novembre 2021 ne peuvent qu'être rejetées. Il suit de ce qui vient d'être dit ci-dessus, que le président de la chambre régionale d'agriculture de Normandie aurait pu légalement prononcer la révocation de l'intéressé. Il s'ensuit, que M. B... n'est pas fondé à solliciter la réparation des préjudices qui résulteraient de l'illégalité de la décision du 17 novembre 2021, ni en tout état de cause de celle du 12 novembre 2020.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions indemnitaires. Pour les mêmes motifs, et eu égard au fait qu'une nouvelle décision portant révocation de M. B... a été prise le 6 juillet 2023 par la chambre régionale d'agriculture de Normandie, laquelle a fait l'objet d'une contestation par M. B... qui reste pendante devant le tribunal administratif de Caen, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de chambre régionale d'agriculture de Normandie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre régionale d'agriculture de Normandie et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01680
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : LE BROUDER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23nt01680 ?
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