Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 24NT00300 du 12 février 2024, le président de la cour administrative de Nantes a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application de l'article
R. 921-6 du code de justice administrative afin qu'il soit statué sur la demande de M. A... B... tendant à ce que soit assurée l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel
n° 22NT03610 du 24 mars 2023 prononçant, d'une part, l'annulation de la décision du 1er juin 2022 par laquelle le directeur du directeur du groupe hospitalier Bretagne Sud a suspendu immédiatement M. B... de ses fonctions de praticien hospitalier sans traitement pour
non-respect de son obligation vaccinale, en tant que cette mesure prévoit son entrée en vigueur avant l'expiration du congé de maladie en cours ou de ceux qui lui ont succédé, et enjoignant, d'autre part, au directeur du groupe hospitalier Bretagne Sud de reconstituer la carrière de
M. B... au titre de la période de suspension antérieure au terme de son congé de maladie.
Par des mémoires enregistrés les 4 mars et 2 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Bessy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'enjoindre au groupe hospitalier Bretagne sud de lui fournir sans délai les bulletins de salaire correspondant aux traitements dont il a été privé du 1er juin 2022 au 19 février 2023 ;
2°) d'enjoindre au groupe hospitalier Bretagne sud de reconstituer sa carrière s'agissant notamment de la détermination de la durée de ses congés payés ainsi que des droits qu'il a acquis au titre de son ancienneté ;
3°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Bretagne Sud le versement d'une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir dans le dernier état de ses écritures que :
- s'il a perçu en avril 2024 une somme de 5 968,55 euros au titre des salaires qui ne lui avaient pas été versés au cours de la période du 1er juin 2022 au 19 février 2023, date de sa mise en disponibilité, ses bulletins de paie ne lui ont pas été fournis ;
- sa carrière doit être reconstituée s'agissant en particulier de ses droits à congés payés et des droits afférents à son ancienneté.
Par des mémoires enregistré le 29 mars 2024 et le 27 mai 2024, le centre hospitalier Bretagne sud, représenté par Me Deniau, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. B....
Il fait valoir qu'il a satisfait à ses obligations envers M. B... et qu'il reste seulement à payer à celui-ci huit jours et demi de congés annuels dont le règlement sera effectué au plus tard en juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Deniau, représentant le centre hospitalier Bretagne sud.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., qui exerçait en qualité de praticien hospitalier à l'hôpital de Quimperlé, dépendant du groupe hospitalier Bretagne Sud a, par une décision du 15 septembre 2021, été suspendu de ses fonctions avec effet immédiat, faute pour lui de présenter l'un des justificatifs prévus par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Ce médecin ayant été identifié comme ayant été contaminé par le virus de la covid 19 à la suite d'un test virologique effectué le 19 janvier 2022, le directeur du centre hospitalier, au regard du certificat de rétablissement délivré à l'intéressé, a levé cette mesure de suspension à compter du 1er février 2022. Toutefois, par une seconde décision du 1er juin 2022, il a, de nouveau, suspendu
M. B... de ses fonctions avec effet immédiat et a interrompu le versement de sa rémunération, faute pour l'intéressé d'avoir produit un nouveau justificatif à l'issue de la durée de validité de son certificat de rétablissement. Par un arrêt n° 22NT03610 du 24 mars 2023, la cour administrative d'appel a, d'une part, annulé cette décision du 1er juin 2022 suspendant immédiatement M. B... de ses fonctions de praticien hospitalier sans traitement, en tant que cette mesure prévoyait son entrée en vigueur avant l'expiration du congé de maladie en cours de l'intéressé, et, d'autre part, enjoint au directeur du groupe hospitalier Bretagne Sud de reconstituer la carrière de M. B... pour la période de suspension antérieure au terme de son congé de maladie. M. B..., déplorant que les salaires qui lui étaient dus en exécution de cette décision de justice ne lui aient pas été versés, a saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative le président de la cour administrative de Nantes d'une demande d'exécution de l'arrêt rendu. Les diligences accomplies auprès de l'hôpital en vue d'obtenir des justifications ou des explications sur l'exécution par l'administration de cet arrêt n'ayant pas abouti, le président de la cour, par une ordonnance n° 24NT00300 du 12 février 2024, a procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
3. D'autre part, l'article L. 911-4 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes de l'article R. 921-5 de ce code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. / Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande. ". L'article R. 921-6 de ce code dispose : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle (...) / Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet. ".
4. Il résulte de l'instruction que M. B... se trouvait en congé de maladie à la date du 1er juin 2022 à laquelle il a été suspendu de ses fonctions par le directeur du groupe hospitalier Bretagne Sud et qu'il est resté dans cette position administrative jusqu'à ce que, conformément à la demande qu'il avait formée le 19 décembre 2022, il soit placé en disponibilité pour convenances personnelles pour trois ans à partir du 19 février 2023 , par un arrêté du 8 mars 2023 du directeur général du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
5. D'une part, dans le dernier état de ses écritures, le requérant, qui revendiquait dans son premier mémoire le versement de ses salaires de la période du 1er juin 2022 au 19 février 2023, ne présente plus de conclusions tendant à l'exécution de ses obligations salariales par l'administration, qui a, de son côté produit à l'instance, le 11 avril 2024, un " bulletin de paie - avril 2024 " mentionnant une somme nette à payer de 5 968,55 euros que le requérant admet avoir reçue et dont il ne conteste ni le montant ni les modalités de calcul. Il doit être considéré, dans ces conditions, que l'arrêt de la cour a été complètement exécuté sur ce point tant en ce qui concerne le paiement des salaires de l'intéressé qu'en ce qui concerne la délivrance du bulletin de paie correspondant à cette régularisation.
6. D'autre part, le groupe hospitalier Bretagne sud fait valoir, dans son dernier mémoire du 27 mai 2024, sans qu'il lui soit répliqué, que les bulletins de paie correspondant aux périodes de la suspension irrégulière de M. B... ont bien été adressés à celui-ci et en justifie par la production de ces documents. Il n'a pas été répliqué à ces dernières écritures du groupe hospitalier et il ne peut être considéré, dans ces conditions, que l'arrêt de la cour n'aurait pas été complètement exécuté sur ce point.
7. Enfin, l'avocat du requérant demandait également qu'il soit enjoint au groupe hospitalier Bretagne sud de " reconstituer la carrière du requérant s'agissant notamment de la détermination de la durée des congés payés ainsi que des droits acquis par l'agent au titre de son ancienneté ". D'une part, s'il ressort des observations produites par le groupe hospitalier le 27 mai 2024 que celui-ci s'engage à indemniser M. B... au plus tard en juillet 2024 à hauteur de 8,5 jours de congés payés acquis durant la période de sa suspension illégale, il ne résulte pas de l'instruction que ce règlement serait intervenu. Il y a lieu, par suite, en l'absence de contestation du nombre de jours de congés dont l'hôpital reconnaît le caractère indemnisable, d'enjoindre au groupe hospitalier de procéder à cette indemnisation dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt. D'autre part, alors que la carrière de M. B... est gérée par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, il ne résulte pas de l'instruction que les droits dont dispose M. B... au titre de son ancienneté auraient été affectés du fait de la suspension irrégulière dont il a fait l'objet ni que l'exécution de l'arrêt du 24 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes appellerait de la part du groupe hospitalier une mesure particulière d'exécution sur ce point.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il est enjoint au groupe hospitalier Bretagne sud de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'indemnisation de huit jours et demi de congés payés acquis par M. B... durant la période de sa suspension illégale.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au groupe hospitalier Bretagne sud.
Copie en sera adressée, pour information, au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00300