Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er juin 2022 par laquelle le directeur général du centre hospitalier Bretagne Sud l'a suspendu de ses fonctions à compter du 1er juin 2022.
Par une ordonnance n° 2203731 du 24 octobre 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2022, M. C..., représenté par
Me Guillou, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 24 octobre 2022 ;
2°) d'annuler cette décision du 1er juin 2022 ;
3°) de condamner le centre hospitalier Bretagne sud à lui verser l'ensemble des traitements non versés en raison de la suspension ; d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer tous documents relatifs à l'arrêt pour cause de maladie et de rétablir sa situation administrative ;
4°) d'assortir ces mesures d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner le centre hospitalier Bretagne Sud à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle a considéré que l'arrêté du 1er juin 2022 était une décision confirmative ; la décision en litige est liée à des faits nouveaux par rapport à ceux ayant justifié la suspension de février 2022 ;
- la procédure préalable à la suspension méconnaît le III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ; il n'a pas été complètement informé et il n'a pas bénéficié d'une procédure respectant les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure de suspension ne comportant pas de limitation dans le temps ne peut être regardée comme étant une mesure conservatoire ;
- la décision en litige présente le caractère d'une sanction administrative prise sans qu'il ait pu bénéficier des droits de la défense et d'un entretien en présence d'un conseil et sans communication de son entier dossier individuel ;
- la suspension présente un caractère rétroactif puisqu'elle prend effet avant sa notification ;
- cette décision ne prend pas en compte le fait qu'il était en congé de maladie et méconnaît ainsi l'article R. 6152-35 du code de la santé publique ; aucune mesure de suspension ne peut prendre effet avant la fin de son arrêt de maladie ; la décision de suspension doit être retirée afin de ne pas méconnaître le principe d'égalité entre agents publics.
La requête a été communiquée le 23 novembre 2022 au centre hospitalier Bretagne sud qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillou, représentant M C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., exerçant en qualité de praticien hospitalier au centre hospitalier de D... dépendant du groupe hospitalier Bretagne Sud a, par une décision du 15 septembre 2021, été suspendu de ses fonctions à effet immédiat, faute pour lui de présenter l'un des justificatifs prévus par la loi du 5 août 2021. Après avoir été identifié comme ayant été contaminé par le virus de la covid 19 à la suite d'un test virologique effectué le 19 janvier 2022, le directeur du centre hospitalier, au regard du certificat de rétablissement délivré à l'intéressé, a levé cette mesure de suspension à compter du 1er février 2022. Par une seconde décision du 1er juin 2022, le directeur du centre hospitalier a, de nouveau, suspendu M. C... de ses fonctions à effet immédiat et a interrompu le versement de sa rémunération, faute pour l'intéressé d'avoir produit un nouveau justificatif à l'issue de la durée de validité de son certificat de rétablissement. Par une ordonnance du 24 octobre 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier du 1er juin 2022.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. M. C... a été destinataire d'une première décision de suspension prise le
15 septembre 2021. Cette mesure a été levée par une décision du 4 février 2022, à effet du
1er février 2022, en raison de la production par l'intéressé d'un justificatif répondant aux conditions du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 permettant ainsi sa réintégration dans ses fonctions. En revanche, la seconde décision du 1er juin 2022 a été prise à raison de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le centre hospitalier de pouvoir contrôler le respect par M. C... de son obligation vaccinale. Ainsi, cette décision prise à la suite d'un changement dans les circonstances de fait, ne présente pas un caractère purement confirmatif de la décision initiale du 15 septembre 2021.
3. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que l'ordonnance rejetant sa demande comme irrecevable est entachée d'irrégularité. Par suite, cette ordonnance doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal par M. C....
Sur le droit applicable :
4. D'une part aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; (...). Aux termes de l'article 13 de cette loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. (...) / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. (...) / V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. - (...) / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-35 du code de la santé publique : " Les praticiens régis par la présente section ont droit : (...) / 4° A des congés de maladie, longue maladie, longue durée dans des conditions fixées aux articles R. 6152-37 à R. 6152-39 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-37 du même code : " En cas de maladie dûment constatée et attestée par un certificat médical mettant un praticien dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé par décision du directeur de l'établissement. / Le praticien en congé de maladie conserve la totalité des émoluments prévus au 1° de l'article R. 6152-23, pendant une durée de trois mois ; ces émoluments sont réduits à la moitié pendant les neuf mois suivants. (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.
Sur la décision contestée en tant qu'elle prononce une suspension :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'employeur de M. C... a, les 9 et 20 août 2021, rappelé aux agents du centre hospitalier les obligations leur incombant en matière de vaccination et des conséquences qu'emporte l'interdiction d'exercer leur emploi. Le 10 septembre suivant, l'intéressé a été mis en demeure de présenter son statut vaccinal. Dans ces conditions, le centre hospitalier n'étant tenu de délivrer une information qu'en ce qui concerne les conséquences qu'emporte pour l'agent l'interdiction d'exercer son activité professionnelle, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 auraient été méconnues.
8. En second lieu, la mesure de suspension prise dans l'intérêt du service, qui est limitée à la période au cours de laquelle l'intéressé s'abstient de se conformer aux obligations qui sont les siennes en application des dispositions précitées, se borne à constater que l'agent ne remplit pas les conditions légales pour exercer son activité. Elle ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'a dès lors pas à être précédée de la mise en œuvre des garanties procédurales attachées au prononcé d'une sanction administrative tenant à la mise en œuvre des droits de la défense, à la communication préalable de son dossier administratif individuel ou à l'organisation d'un entretien préalable avec son employeur. Le moyen tiré par le requérant du vice de procédure et de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent ainsi qu'être écartés.
Sur la date d'entrée en vigueur de la suspension :
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été placé en congé maladie à compter du 30 août 2021 et ce congé a été renouvelé depuis lors, le dernier arrêt lui ayant été prescrit au titre de la période allant du 30 mai au 31 juillet 2022. L'intéressé était ainsi en position d'arrêt pour cause de maladie à la date de l'arrêté attaqué du 1er juin 2022 le suspendant immédiatement de ses fonctions sans traitement pour non-respect de son obligation vaccinale.
10. Si cette circonstance ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que le centre hospitalier pût suspendre l'intéressé de ses fonctions, la décision en litige ne pouvait, sans méconnaître les dispositions mentionnées ci-dessus, être à effet immédiat mais devait voir son entrée en vigueur différée au terme du congé de maladie du praticien.
11. Il s'ensuit que M. C... n'est fondé à demander l'annulation de la décision du 1er juin 2022 qu'en tant qu'elle prévoit une date d'entrée en vigueur antérieure au terme du congé de maladie dont il bénéficiait.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'annulation prononcée par le présent arrêt, dans la mesure précisée au point précédent, implique la reconstitution de la carrière de M. C... au titre de la période de suspension prononcée alors que l'intéressé était en congé de maladie.
13. Par ailleurs, M. C... n'ayant pas demandé l'annulation d'une décision qui aurait porté refus de communication de documents administratifs après saisine de la commission d'accès aux documents administratifs, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de lui communiquer tous documents relatifs à son arrêt maladie, présentées en dehors des cas prévus par l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
14. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 22037341 du 24 octobre 2022 est annulée.
Article 2 : La décision du 1er juin 2022 est annulée en tant qu'elle prévoit une entrée en vigueur de la suspension avant l'expiration du congé de maladie en cours ou de ceux qui lui ont succédé.
Article 3 : Il est enjoint au directeur du groupe hospitalier Bretagne Sud de reconstituer la carrière de M C... au titre de la période de suspension antérieure au terme de son congé de maladie.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier Bretagne Sud.
Copie en sera adressée, pour information, au Centre national de gestion.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.
La rapporteure,
C. B...
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03610