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28/06/2024 | FRANCE | N°23NT01458

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 juin 2024, 23NT01458


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 mai 2023, 8 janvier et 6 février 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le maire de La Gacilly a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Lidl pour la reconstruction d'un magasin d'une surface de vente de 1 418,50 m2 ;



2°) de mettre à la charge de la commune

de La Gacilly la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 mai 2023, 8 janvier et 6 février 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le maire de La Gacilly a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Lidl pour la reconstruction d'un magasin d'une surface de vente de 1 418,50 m2 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Gacilly la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) auraient reçu communication des dossiers et de l'ensemble des pièces exigées par l'article R.752-35 du code de commerce et ce vice ne peut être régularisé ;

- il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées ;

- l'avis de la CNAC du 23 février 2023 n'est pas suffisamment motivé ;

- l'analyse d'impact du projet reposait sur des données erronées ;

- les données portant sur les flux de circulation étaient insuffisantes ;

- aucun document garantissant la réalisation des aménagements nécessaires à la desserte du projet n'a été produit ;

- les informations relatives à la qualité environnementale du projet et aux effets du projet en matière d'artificialisation des sols étaient insuffisantes ;

- le projet n'est pas compatible avec l'orientation 7.4 du document d'aménagement artisanal et commercial du SCOT du pays de Ploemel ;

- le projet aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine ;

- la desserte du projet par les transports en commun et les vélos n'apparait pas adaptée ;

- le projet aura un effet négatif en termes d'imperméabilisation des sols et de consommation économe de l'espace ;

- la qualité environnementale du projet n'est pas suffisante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 septembre 2023 et 22 janvier 2024, la commune de La Gacilly, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 septembre 2023 et 23 janvier 2024, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne dispose d'aucun intérêt à agir à l'encontre du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que son avis du 23 février 2023 était régulier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Louche, représentant la SAS Distribution Casino France, de Me Rouxel, substituant le cabinet Coudray représentant la commune de La Gacilly et de Me Bozzi, représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé, le 12 juillet 2022, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour étendre la surface de vente de son magasin situé à La Gacilly de 827 à 1 418,50 m², par démolition des bâtiments existants et reconstruction d'un nouveau magasin, dans une zone d'activités située à 1,6 km du centre-ville de la commune. Le

20 septembre 2022, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Morbihan a émis un avis favorable sur le projet. Sur recours de la SAS Distribution Casino France, qui exploitait un supermarché à La Gacilly à la date d'introduction de la présente requête, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a également émis, le 23 février 2023, un avis favorable au projet. La SAS Distribution Casino France demande à la cour de prononcer l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le maire de La Gacilly a délivré le permis de construire sollicité par la SNC Lidl, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. La SAS Distribution Casino France soutient qu'il n'est pas établi que les membres de la CNAC auraient reçu communication des dossiers et de l'ensemble des pièces exigées par l'article R. 752-35 du code de commerce en temps utile. Toutefois, la CNAC, en produisant une attestation de la société Dematis, son prestataire de convocations électroniques, établit avoir envoyé à ses membres, par courriel du 7 février 2023, une convocation à la séance du 23 février 2023, au cours de laquelle a été examiné le projet en litige, cette convocation les informant de la mise à disposition des documents nécessaires pour l'examen du dossier au moins cinq jours avant cette séance, sur la plateforme de téléchargement dédiée, avec les précisions suivantes : " Les documents relatifs à ces dossiers seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance. Ces documents ne seront pas imprimés par le secrétariat de la commission. / En application de l'article R. 752-35 du code de commerce, chaque dossier est composé de : - l'avis ou la décision de la commission départementale - le procès-verbal de la réunion de la commission départementale - le rapport des services instructeurs départementaux - le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision - le rapport du service instructeur de la commission nationale. / En complément, ces dossiers pourront comporter une sélection de cartes ou de plans et la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. ", ce que confirme la commune de La Gacilly dans son mémoire en défense. La CNAC produit également un historique de la plate-forme d'échanges de fichiers " SOFIE " faisant état d'un partage de fichiers aux membres de la CNAC le 16 février 2023, cette mise à disposition étant également attestée, le

9 janvier 2024, par la directrice de projet aménagement commercial au sein de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui assure le secrétariat de la CNAC. Il n'est ni établi, ni même allégué par des objections circonstanciées, que les membres de la CNAC n'ont pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article, eu égard notamment aux termes du compte-rendu de la séance du 23 février 2023 et de l'avis de la CNAC, qui s'est au demeurant prononcée à l'unanimité de ses huit membres. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la Commission n'auraient pas été en mesure de prendre connaissance en temps utile des documents prévus au deuxième alinéa de l'article R. 752-35 précité du code de commerce. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation de la CNAC doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce : " (...) Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis au nom du ministre en charge du commerce a été signé par M. B... A..., en sa qualité de chef du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services, poste auquel il a été nommé par arrêté du 18 janvier 2023 et que conformément à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, cette qualité l'habilitait à signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. ". Il ressort également des pièces du dossier que l'avis émis au nom du ministre en charge de l'urbanisme a été signé par M. D... C..., en sa qualité d' " adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie, au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature " et que conformément à l'article 6 de la décision du 15 mars 2022 portant délégation de signature, il était habilité à signer " au nom de la ministre de la transition écologique et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets ". Dans ces conditions le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées doit être écarté comme manquant en fait.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-20 du code de commerce : " Les décisions de la commission nationale (...) doivent être motivées conformément aux articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration ". Aux termes de l'article

R. 752-38 du même code, relatif au recours contre les décisions ou avis des commissions départementales d'aménagement commercial présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial : " (...) L'avis ou la décision est motivé (...) ". Cette obligation de motivation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.

7. La Commission nationale d'aménagement commercial, dans son avis du 23 février 2023, a mentionné les textes applicables, notamment l'article L. 752-6 du code de commerce, et a énoncé les considérations de fait qui l'ont conduite à se prononcer en faveur du projet au regard des critères définis par cet article, et notamment la circonstance que la réalisation de l'extension projetée n'aura pas d'effet négatif en termes d'imperméabilisation des sols. Elle a ainsi suffisamment motivé son avis, en dépit de ce qu'elle ne s'est pas explicitement prononcée sur tous les objectifs et critères d'appréciation fixés par cet article L. 752-6. Dès lors, le moyen tiré de ce que ledit avis serait insuffisamment motivé doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6 (...) / 2° Cartes ou plans relatifs au projet : / a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; / b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manœuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; (...) / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; / 4° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments, et fourniture d'une liste descriptive des produits, équipements et matériaux de construction utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; / c) Le cas échéant, dans les limites fixées aux articles L. 229-25 et R. 229-47 du code de l'environnement, description des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre que le projet est susceptible de générer et les mesures envisagées pour les limiter ; / d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de commerce, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. Il ressort des pièces du dossier que, dans l'analyse d'impact, les données démographiques portent sur la période 2012-2022, alors que dans le dossier joint à la demande d'autorisation d'exploitation la période retenue est 2009-2019. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Distribution Casino France, ces documents ne sont pas contradictoires et elle n'est pas fondée à soutenir que l'analyse d'impact se fonderait sur des données démographiques tronquées ou inexactes.

10. S'agissant des informations sur les flux journaliers de véhicules générés par le projet, il n'est pas établi que le comptage des flux de circulation réalisé en septembre 2021, alors que le dossier de demande a été déposé en juillet 2022, serait devenu obsolète. En outre, l'hypothèse de dix-huit véhicules supplémentaires par heure de pointe retenue par l'étude de trafic est justifiée dans le dossier de demande et si la requérante soutient que le projet pourrait accueillir cent-quatre-vingt-dix-sept personnes supplémentaires, cet élément ne suffit pas à infirmer cette hypothèse, ce dernier chiffre n'étant que théorique et devant au surplus être réparti sur l'amplitude des horaires d'ouverture.

11. Par ailleurs, la fourniture de documents garantissant le financement et la réalisation effective, à la date d'ouverture de l'équipement commercial, d'aménagements envisagés pour la desserte du projet, n'est, aux termes mêmes du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce précité, requise que pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet comporte la création de trois accès piétons et d'un cheminement piéton sur le terrain d'assiette, ainsi que l'aménagement d'une liaison douce entre le magasin Lidl et la rue de la Mare Brisset, réalisés et pris en charge par la société pétitionnaire. Par suite, cette dernière n'avait pas à fournir de documents garantissant leur financement et leur réalisation effective.

12. Les dispositions du 4° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce n'imposent pas au pétitionnaire de présenter les mesures de traitement des déchets ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre en phase de chantier, et en particulier s'agissant de la démolition de bâtiments nécessitée par le projet, ou des mesures de dépollution du site. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale comprend par ailleurs, d'une part, plusieurs pages consacrées à la description des émissions de gaz à effet de serre qui ont été évaluées par le pétitionnaire ainsi que des actions envisagées pour les réduire ou les limiter, avec la présentation de la démarche Carbone. Le dossier comprend également, d'autre part, plusieurs pages décrivant les mesures de réduction ou de valorisation des déchets envisagées pour limiter les pollutions liées à l'activité. La seule circonstance que la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a relevé qu'elle " n'a pas trouvé au dossier quelles étaient les actions mises en place afin de traiter les eaux usées " ne suffit pas à établir que cette absence de précisions a été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable, dès lors notamment que le projet ne comporte pas d'installations spécifiques et que les dispositions citées au point 8 ne mentionnent pas la gestion des eaux usées, la commune de La Gacilly faisant en outre valoir sans être contredite que ces dernières seront rejetées dans le réseau dédié.

13. Enfin, les dispositions contenues au 4° du II de l'article R. 752-6 du code de commerce, relatives à la " Présentation des effets du projet en matière d'artificialisation des sols et, pour tout projet engendrant une artificialisation des sols ", et insérées par l'article 2 du décret du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, après le 3° du II de l'article R. 752-6, sont applicables, conformément à l'article 9 de ce même décret, aux demandes déposées à compter du 15 octobre 2022. La SAS Distribution Casino France ne peut dès lors utilement se prévaloir de ces dispositions, la demande d'autorisation d'exploitation commerciale ayant été déposée par la SNC Lidl le 12 juillet 2022.

14. Il résulte des points 8 à 13 que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a disposé de l'ensemble des informations nécessaires à l'analyse du dossier présenté par la SNC Lidl, a pu se prononcer en toute connaissance de cause sur la demande qui lui était soumise. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale doit être écarté dans toutes ses branches.

Sur la légalité interne :

S'agissant de la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du pays de Ploërmel Cœur de Bretagne :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

16. Il ressort des pièces du dossier que le document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays de Ploërmel inclut le terrain d'assiette du projet litigieux au sein du site commercial de périphérie " Les Landelles ". L'orientation 7.4 du DAAC " Adopter une logique qualitative et de parcours marchand " mentionne que " Le développement de l'offre commerciale privilégiera les offres répondant aux besoins non courants afin de conforter la diversité de l'offre, mais sans développement de galeries marchandes. (...) Les bâtiments commerciaux devront répondre aux normes de performance énergétique les plus récentes en cours, ou devant rentrer en application dans les deux années suivant la demande de permis de construire. ". Au titre de l'orientation 7.2. " organiser l'appareil commercial en cohérence avec l'armature territoriale ", la commune de La Gacilly est identifiée comme " Pôle d'équilibre principal " et au sein des sites commerciaux dits périphériques, il est donc possible de prévoir des " implantations de bâtiments de plus de 300m2 et moins de 4 000 m2 de SDP pour la réponse aux besoins courants (2.500 m2 hors besoins courants) ".

17. En l'espèce, le projet litigieux, qui s'implante dans un site périphérique du pôle d'équilibre de La Gacilly, consiste en la construction d'un bâtiment à destination de commerce de 2 275,32 m² de surface de plancher répondant aux besoins courants, ce qui correspond à l'orientation 7.2 du DAAC du SCoT. Si, par ailleurs, l'orientation 7.4 de ce document privilégie les offres répondant aux besoins non courants " afin de conforter la diversité de l'offre ", il n'en résulte aucunement, au regard de l'articulation des différentes orientations, que d'autres offres seraient interdites.

18. En outre, si la requérante soutient que le projet ne prévoit pas la pose d'ombrières sur son parc de stationnement, assorties d'un dispositif de production d'énergie renouvelable telles que prévues par l'article L. 111-19-1 du code de l'urbanisme applicable aux autorisations d'urbanisme déposées après le 1er juillet 2023, ce qui ne serait pas compatible avec l'orientation 7.4 du DAAC du SCoT, en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit des dispositifs végétalisés concourant à l'ombrage du parc de stationnement, ce qui est également autorisé par les dispositions de l'article L. 111-19-1 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet litigieux avec le schéma de cohérence territoriale doit, par suite être écarté dans toutes ses branches.

S'agissant de l'impact du projet sur l'animation urbaine et commerciale :

19. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; /b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; /f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; /c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; /3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; /b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; /c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

20. Il résulte des dispositions combinées citées au point précédent que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

21. Il ressort des pièces du dossier que le projet ne porte que sur l'extension, de

591,50 m2, d'un magasin Lidl existant depuis 2006, situé à 1,6 km du centre-ville de La Gacilly. La zone de chalandise présente une croissance démographique de 15,7 % sur la période 2012-2022 et ne comprend qu'un supermarché Casino implanté sur le territoire de la commune de La Gacilly et un hypermarché Super U à Carentoir. La population de la commune de La Gacilly a connu une hausse de 76,5 % sur la période 2012-2022. Le taux de vacance commerciale n'est que de 1,2 % dans la commune d'implantation de l'extension en cause. Si ce taux est sensiblement plus important dans les communes voisines de Carentoir, Peillac et Sixt-sur-Aff, seules deux cellules alimentaires au total y sont disponibles. Le projet litigieux ne propose pas de produits frais à la coupe (boucherie, traiteur...) ou relevant d'un savoir-faire artisanal (composition florale, affinage...) ni de presse ou de point de restauration. Enfin, le projet aura pour effet de contribuer à réduire l'évasion commerciale, évaluée à 30 % par le SCoT. Ainsi, alors même que la commune de La Gacilly a été intégrée au programme " Petites Villes de Demain ", le moyen tiré de ce que l'autorisation accordée serait de nature à compromettre la réalisation du critère énoncé par la loi en matière d'impact sur l'animation urbaine et commerciale doit être écarté.

S'agissant de l'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :

22. Comme il a été dit au point 11, l'aménagement d'une liaison douce entre le magasin Lidl et la rue de la Mare Brisset, permettant un accès aux piétons facilité, sera réalisé et pris en charge par la société pétitionnaire et par suite cette dernière n'avait pas à fournir de documents garantissant leur financement et leur réalisation effective. Le projet comprend également l'installation d'un parc vélo équipé de bornes de recharges électriques, six places de parking équipées pour la recharge de voitures électriques et vingt-quatre aires pré-équipées pour la recharge des véhicules électriques. Ainsi, alors même que l'arrêt de bus le plus proche, proposant six passages par jour, est situé à 1,7 kilomètre du site et que le site ne dispose pas d'un accès par pistes cyclables, ces circonstances, eu égard notamment au contexte rural de La Gacilly, ne sont pas, à elles seules, de nature à entacher ce projet d'illégalité, contrairement à ce que soutient la SAS Distribution Casino France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.

S'agissant de la consommation économe de l'espace et de l'artificialisation des sols :

23. En premier lieu, la SAS Distribution Casino France ne peut utilement se prévaloir, s'agissant d'un permis de construire délivré au vu d'un dossier de demande déposé complet le

12 juillet 2022, des dispositions du V de l'article L. 752-6 du code de commerce issues de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dès lors qu'en vertu de l'article 9 du décret du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, ces dispositions ne sont susceptibles d'être entrées en vigueur que dans le cadre de dossiers de demandes déposés à compter du 15 octobre 2022.

24. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté consiste en la démolition du magasin Lidl existant et en la reprise de deux bâtiments qui ne sont plus exploités, avec un taux d'artificialisation du terrain d'assiette n'augmentant que de 2,83 % par rapport à la situation actuelle, en se situant à 47,06%. En outre, si le projet litigieux s'implante sur un terrain de 15 331 m² pour une surface de vente de 1 418 m², il entraine une réduction de 12 % du nombre de places de stationnement. Une surface dédiée aux espaces verts de 7838 m², soit 51,1 % du terrain initial, est également prévue. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de consommation économe de l'espace doit être écarté.

S'agissant de la qualité environnementale du projet :

25. Comme il a été dit au point 12, aucune disposition n'impose au porteur de projet de préciser les mesures mises en place au stade des travaux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ou pour la gestion des déchets et d'indiquer, en l'absence d'installations spécifiques, les modalités de traitement des eaux usées, alors que la commune de La Gacilly fait valoir sans être ensuite contredite que ces dernières seront rejetées dans le réseau dédié. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige prévoit un système d'éclairage par LED, la limitation des livraisons par poids-lourds et une flotte de véhicules renouvelée, des systèmes frigorifiques performants, l'installation de panneaux photovoltaïques, un système de tri pour la gestion des déchets, un terrain d'assiette composé à plus de 52% d'espaces verts, cent-vingt-deux places de stationnement en dalles alvéolées et végétalisées et la présence de bornes de recharge pour véhicules électriques. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la qualité environnementale du projet ne serait pas suffisante doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la SNC Lidl, que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 du maire de La Gacilly en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Gacilly, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS Distribution Casino France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de

1 500 euros à verser, d'une part à la commune de La Gacilly et, d'autre part, à la société Lidl.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera respectivement à la commune de La Gacilly et à la société Lidl une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Distribution Casino France, à la commune de La Gacilly, à la société en nom collectif Lidl et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01458
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23nt01458 ?
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