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25/06/2024 | FRANCE | N°24NT00056

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 25 juin 2024, 24NT00056


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.



Par un jugement n° 2302474 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rej

eté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 8 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 2302474 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, M. A... B..., représentée par

Me Kaddouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 du préfet du Maine et Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation de séjour et de travail dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son conseil renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; à défaut de décision lui octroyant le bénéfice de l'aide juridictionnelle de condamner l'Etat à lui verser directement cette somme.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté dans son ensemble :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté méconnaît le droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur de droit ; il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au regard du pouvoir de régularisation du préfet alors que la demande n'a été examinée que sur le seul fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5 et de l'article 7 de l'accord franco-algérien et au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et sur la décision fixant le pays de renvoi :

- l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français la prive de base légale.

La clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2024 par ordonnance du 23 février 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré régulièrement en France le 13 mars 2020, sous couvert d'un visa de court séjour. Il s'est maintenu sur le territoire et a sollicité du préfet de Maine-et-Loire la délivrance d'un certificat de résidence. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 13 mai 2022 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B... est marié, depuis le 31 octobre 2017, à une ressortissante algérienne résidant habituellement en France et titulaire d'un certificat de résidence valable du 19 avril 2017 au 18 avril 2027. Le séjour en France du requérant débuté le 13 mars 2020 présente un caractère encore récent et il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu séparé de son épouse entre la date du mariage et son entrée sur le territoire, dès lors que, pendant cette période, il résidait de manière habituelle en Algérie tandis que son épouse résidait de manière habituelle en France. Deux enfants sont nés de leur union, à Paris le 24 mai 2018 et, à Saumur le 4 mai 2022. Toutefois, M. B... ne justifie, par les pièces qu'il produit, d'une vie commune avec son épouse à Saumur que depuis le mois de septembre 2021. Par ailleurs, il est entré en France muni d'un visa de court séjour à l'expiration duquel il s'est irrégulièrement maintenu avant de solliciter la régularisation de sa situation le 14 octobre 2021, soit plus d'un an et demi après cette entrée. L'intéressé relève ainsi de la procédure de regroupement familial, qui n'a cependant jamais été initiée depuis le mariage. L'épouse du requérant et ses enfants ont en outre la possibilité de se rendre en Algérie comme elle l'a d'ailleurs fait à de nombreuses reprises, ainsi que cela ressort de son visa, y compris après l'arrivée de, M. B... en France. Enfin, les parents et les cinq frères et sœurs de M. B... résident en Algérie. Dès lors, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. En premier lieu, si l'intéressé soutient que le préfet a commis une erreur de droit et qu'il avait présenté une demande de délivrance d'un certificat de résidence fondée sur le pouvoir de régularisation du préfet alors que le préfet a analysé sa demande comme étant fondée sur les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, M B... ne justifie pas par les pièces qu'il produit avoir sollicité une demande sur un tel fondement. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre la décision attaquée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Ces dispositions, qui ne prévoient pas la délivrance d'un titre de plein droit ni que l'étranger justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels se voit délivrer un titre de séjour, laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut.

7. Si M B... soutient que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions, il ne justifie cependant pas de motifs de nature à établir que le préfet de Maine et Loire aurait commis une telle erreur.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que, compte tenu de la durée et des conditions du séjour du requérant en France, comme des effets d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

10. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire serait de nature à priver les enfants de M. B... de la présence habituelle de leur père alors que son épouse, de nationalité algérienne a la possibilité de rejoindre en Algérie et qu'un retour dans ce pays ne compromet pas leur parcours scolaire ni ne les expose à un risque particulier pour leur santé, leur sécurité, ou leur moralité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être également écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination et la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. La décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination et la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejet ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 13 mai 2022. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine et Loire.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0005602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00056
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;24nt00056 ?
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