Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Anti-Éolienne du Haut Vignoble, M. et Mme V... R..., M. X... K..., M. Q... S..., M. P... N..., M. E... I..., la SCI Laleco, M. O... H..., Mme B... W..., M. F... M..., Mme L... T..., M. D... C..., Mme U... A..., M. G... J... et Mme Z... Y... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les quatre arrêtés du 8 août 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à la société Ferme éolienne du haut vignoble un permis de construire pour les éoliennes E3, E4, E5 et E6 sur le territoire de la commune de La Regrippière, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux, l'arrêté du 8 août 2016 par lequel le même préfet a accordé à la même société un permis de construire pour l'éolienne E1 sur le territoire de la commune de La Remaudière, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux, l'arrêté du 8 août 2016 par lequel le même préfet a accordé à la même société un permis de construire pour l'éolienne E2 sur le territoire de la commune de Vallet, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux, et l'arrêté du 8 février 2017 par lequel le même préfet a autorisé la même société à exploiter sur les territoires des communes de La Regrippière, de Vallet et de La Remaudière les six éoliennes composant le parc éolien du haut vignoble.
Par un jugement n° 1701059, 1701062, 1701064, 1704959 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a décidé de surseoir à statuer sur leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2017 jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique lui ait transmis un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 26 à 30 du jugement, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 29 et un délai de dix mois lorsque, à l'inverse, l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 30 et a rejeté le surplus de leur demande.
Par des mémoires enregistrés les 5 mai et 5 août 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a transmis au tribunal les différents actes pris en vue de la régularisation prévue par le jugement avant-dire-droit du 18 juin 2020 et notamment l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel il a confirmé l'autorisation délivrée à la société Ferme éolienne du haut vignoble.
Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2021, l'association anti-éolienne du haut vignoble et autres, représentés par Me Echezar, maintiennent leurs précédentes conclusions et demandent, en outre, au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 autorisant la société Ferme éolienne du haut vignoble à exploiter le parc éolien du haut vignoble.
Par un jugement n° 1704959 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 13 avril 2023, l'association anti-éolienne du haut vignoble, M. et Mme R..., MM. K..., S..., M. N..., M. I..., la SCI Laleco, M. H..., Mme W..., M. M..., Mme T..., M. C..., Mme A..., M. J... et Mme Y..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Nantes des 18 juin 2020 et 31 mars 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique des 8 février 2017 et 7 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne la présentation des variantes au regard des dispositions du 5° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- elle est insuffisante en matière de volet paysager dès lors qu'un certain nombre de lieux de vie ont été ignorés, que les effets d'encerclement ne sont pas suffisamment appréhendés, que les effets de surplomb ne sont pas suffisamment mis en exergue, qu'il y a une utilisation avantageuse de la végétation, que la description des lieux de vie est trompeuse et que les prises de vues présentées dans l'étude d'impact ont été faites de manière avantageuse ;
- elle est insuffisante sur le plan de la méthodologie dès lors que les photomontages ne sont pas représentatifs de la réalité comme le lieu de la prise de vue du hameau de La Borderie et les nombreux autres points de vue servant à de nombreux photomontages, qui minorent, par leur positionnement en retrait, les impacts visuels ; le photomontage concernant le hameau de La Potadière et sur celui ayant pour objet le hameau de La Minaudière ne mentionnent pas les zones d'habitation ; elle est incomplète sur l'impact des groupes d'éoliennes E1 et E2 et E3 et E4 sur les lieux de vie au sud du projet et l'impact de celui-ci sur le hameau de La Boissière du Doré ;
- elle est insuffisante sur la qualité du site, sur l'impact du projet au regard des chiroptères et des oiseaux et en matière de zones humides ;
- les capacités financières sont insuffisantes ; ces insuffisances doivent entraîner une nouvelle consultation du public ;
- la procédure est viciée en raison de l'absence de dérogation relative aux " espèces protégées " ;
- le projet litigieux porte atteinte à des sites et lieux avoisinants comme le château de la Noë Bel Air, les huit Zones Naturelles d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) et la vallée de la Loire ; l'implantation des éoliennes aura pour effet de créer un mitage paysager compte tenu de l'existence d'autres parcs voisins, et un effet d'écrasement en matière de voisinage dans la mesure où il existe vingt-quatre hameaux dans un rayon de 1 000 mètres et où habitent 497 personnes ;
- la société pétitionnaire aurait dû présenter une dérogation relative aux " espèces protégées ".
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés
Par des mémoires enregistrés les 9 décembre 2022 et 13 juillet et 6 octobre 2023, la société Ferme éolienne du haut vignoble, représenté par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les requérants n'ont pas intérêt à agir contre les arrêtés préfectoraux et leurs moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Echezar, représentant l'association anti-éolienne du haut vignoble et autres, et de Me Berges, représentant la société Ferme éolienne du haut vignoble.
Une note en délibéré présentée par la société Ferme Éolienne du Haut Vignoble a été enregistrée le 13 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 février 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a délivré à la société Ferme éolienne du haut vignoble une autorisation d'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs sur les territoires des communes de Vallet, de La Remaudière et de La Regrippière. L'association anti-éolienne du haut vignoble, M. et Mme R..., M. K..., M. S..., M. N..., M. I..., la SCI Laleco, M. H..., Mme W..., M. M..., Mme T..., M. C..., Mme A..., M. J... et Mme Y... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 8 février 2017 par lequel le même préfet a autorisé la même société à exploiter sur les six éoliennes. Par un jugement du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a décidé de surseoir à statuer sur leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2017 jusqu'à ce que le préfet de la Loire-Atlantique lui ait transmis un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 26 à 30 du jugement, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 29 et un délai de dix mois lorsque, à l'inverse, l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 30 et a rejeté le surplus de leur demande. Après un nouvel avis de la mission régionale de l'autorité environnementale du 13 janvier 2021, le préfet a pris le 7 juillet 2021 confirmant celui du 8 février 2017. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2017. Les mêmes requérants relèvent appel de ces deux jugements du tribunal administratif.
Sur les insuffisances de l'étude d'impact :
En ce qui concerne la présentation insuffisante des variantes :
2. Les requérants reprennent en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit leur moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
En ce qui concerne les insuffisances du volet paysager :
S'agissant de la présentation insuffisante de l'impact sur les lieux de vie :
Quant aux choix des points de vue :
3. Les requérants soutiennent qu'un certain nombre de lieux de vie auraient été ignorés, que les effets d'encerclement ne sont pas suffisamment appréhendés, que les effets de surplomb ne sont pas suffisamment mis en exergue, qu'il y a une utilisation avantageuse de la végétation et que la description des lieux de vie est trompeuse. Toutefois, d'une part, le pétitionnaire n'est pas tenu de proposer un photomontage à partir de chaque lieu de vie et, d'autre part, la seule circonstance que des hameaux n'auraient pas fait l'objet de photomontages ne saurait à elle seule suffire à démontrer l'insuffisance de l'étude d'impact.
4. Par ailleurs, le fait que les prises de vues présentées dans l'étude d'impact aient été faites de manière avantageuse ne saurait suffire à remettre en cause la validité de l'étude d'impact dans son ensemble. Les requérants ne démontrent pas que ce procédé présente un caractère systématique et substantiel de nature à remettre en cause l'objectivité de l'étude paysagère.
Quant à la méthodologie employée :
5. L'étude paysagère précise les conditions ayant conduit à la définition des périmètres éloignés, intermédiaires et rapprochés et en donne, pour chacun d'eux, les caractéristiques essentielles, les enjeux paysagers au regard en particulier des éléments du patrimoine architectural, des édifices classés ou inscrits de même que les unités paysagères ou les éléments structurant à prendre en compte ainsi que la présence de nombreux hameaux. Cette étude procède à une analyse visuelle des lieux par la réalisation de nombreux photomontages dont la méthodologie est précisée, en indiquant l'utilisation du logiciel Windpro sur la base des points de vue sélectionnés par le bureau d'études Energieteam, en réalisant des vues " équiangulaires " et en simulant la perception du projet depuis des points de vue répartis régulièrement autour du site. Chaque planche de photomontages décrit le site de la prise de vue et le point précis de localisation de celle-ci et décrit le paysage, sans les éoliennes, puis avec elles. Sont également présentées des cartographies et des coupes depuis différents points de vue et les effets cumulés de la présence d'un autre parc le plus proche sont évoqués. Dans l'étude paysagère annexée à l'étude d'impact, sont indiquées les conditions de réalisation des vues " équiangulaires ", notamment les calculs ayant permis d'établir les photomontages destinés à rendre compte sur le papier de la scène paysagère telle que perçue par l'œil humain dans sa composante verticale à une distance d'observation donnée. En se bornant à soutenir que les précisions ainsi apportées sont insuffisantes pour justifier la bonne perception par l'œil humain des scènes paysagères ainsi représentées, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir le caractère tronqué de la méthodologie utilisée. La preuve de cette insuffisance ne saurait, en tout état de cause, résulter du guide de l'étude d'impact du ministère en charge de l'environnement, qui au demeurant n'a aucune valeur contraignante et qui ne contient, de surcroît, aucune recommandation sur le procédé de réalisation des photomontages. Le format choisi pour les photomontages est suffisant pour permettre, tant au service instructeur qu'au public, d'apprécier l'impact paysager. Ainsi, les requérants qui, en particulier ne démontrent pas suffisamment l'impact cumulé ni ne précisent aucune autre méthodologie ne sont pas fondés à soutenir que l'étude paysagère est entachée d'une insuffisance méthodologique.
6. Le choix critiqué du lieu de la prise de vue du hameau de La Borderie faite par le photographe du projet et les nombreux autres points de vue servant à de nombreux photomontages, qui minorent, par leur positionnement en retrait, les impacts visuels ne constituent pas, par eux même, une insuffisance de l'étude d'impact.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des nombreuses photographies versées par la société pétitionnaire, que les lacunes résultant de ce que l'impact des groupes d'éoliennes E1 et E2 et E3 et E4, sur les lieux de vie au sud du projet et l'impact de celui-ci sur le hameau " La Boissière du Doré " n'ont pas été présentés ou envisagée, sont de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
8. Il n'était pas nécessaire de mentionner l'existence d'habitations sur le photomontage concernant le hameau de La Potadière et sur celui ayant pour objet le hameau de La Minaudière dès lors que les zones habitées apparaissent nettement sur ces photomontages.
En ce qui concerne les insuffisances de l'étude naturaliste :
9. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et
L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
10. Il résulte notamment du nouvel avis de la mission régionale de l'autorité environnementale que celle-ci a noté que les insuffisances sont caractérisées en ce qui concerne les effets du projet sur les chiroptères. D'une part, elle a constaté seulement huit sorties alors que treize sorties sont recommandées, espacées de vingt-cinq jours au maximum. Des sorties entre le printemps et la fin du mois d'août ou le début de celui de septembre sont donc manquantes. D'autre part, seules des écoutes au sol ont été réalisées. Or, les écoutes en hauteur en complément des écoutes au sol, par l'intermédiaire d'un mât de mesure placé à l'altitude des futures nacelles, soit vers 80 à 110 mètres de hauteur pour ce parc éolien, sont plus pertinentes. Elles permettent d'évaluer plus précisément le risque de mortalité en identifiant les espèces volant à hauteur de pales. L'enregistrement se faisant en continu, elles sont aussi utiles pour détecter les périodes d'activité et les pics. La mission régionale a recommandé de compléter le nombre des sorties des chiroptères recensées et de réaliser en outre des écoutes en hauteur sur un cycle biologique complet concernant cette espèce. Il en découle une insuffisance dans le choix des méthodes compte tenu du nombre insuffisant de sorties pour les prospections. Le nouvel arrêté préfectoral du 7 juillet 2021 confirmant celui du 8 février 2017 n'a apporté aucun élément complémentaire permettant d'écarter ces insuffisances de l'étude naturaliste.
11. En outre, comme l'indique la mission régionale de l'autorité environnementale, l'analyse de l'état initial de l'environnement repose sur des données naturalistes collectées en 2009-2010, déjà anciennes lors de l'élaboration de l'étude d'impact et désormais obsolètes. Les méthodes de prospections pour les oiseaux et les chiroptères sont désormais insuffisantes au regard des connaissances actuelles. Les efforts d'actualisation ont porté sur les milieux mais pas sur les espèces. En l'absence d'une telle actualisation, la validité de la démarche évitement-réduction-compensation conduite par l'étude d'impact et l'absence d'incidence notable du projet vis-à-vis de ces espèces ne peuvent être garanties.
12. Pour la critiquer, la société pétitionnaire fait valoir que la mission régionale de l'autorité environnementale s'est fondée à tort sur le respect des préconisations d'un guide élaboré en 2019 pour les parcs éoliens dans les Pays de la Loire, dans la mesure où il est intervenu après le 8 février 2017, date de l'autorisation contestée. Or, le guide n'a en tout état de cause aucune valeur contraignante.
13. Il résulte des points 10 à 12 que les requérants sont fondés à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas été mis à même d'apprécier l'incidence réelle sur les chiroptères et l'avifaune au vu du dossier qui lui était soumis.
En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact sur les zones humides :
14. Selon les requérants, les éoliennes E3, E5 et E6 auraient un impact sur des zones humides, en particulier l'éolienne E5 impactant une zone humide ayant un intérêt biologique. Le projet prévoit une compensation par la création d'une bande enherbée sur une zone humide existant de l'autre côté d'une route. La mission régionale de l'autorité environnementale indique qu'il n'était pas possible de vérifier si la zone compensée présente des caractéristiques de zone dégradée ou non. Or, selon l'article 8B-1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne, la compensation doit être équivalente sur le plan fonctionnel et sur celui de la biodiversité mais il peut être dérogé à cette obligation à la condition que la compensation s'opère sur 200% des surfaces impactées. La même mission régionale a préconisé la réalisation d'une expertise pédologique et naturaliste de la zone et des abords du fossé avant les travaux afin de caractériser l'état initial du secteur concerné et de vérifier l'efficacité de cette mesure pour, le cas échéant, proposer des mesures correctrices ou alternatives. Par un arrêté du 6 juillet 2023, des prescriptions complémentaires ont été édictées par le préfet de la Loire-Atlantique consistant en la réalisation d'une expertise pédologique et floristique, préalablement à la mise en place de la mesure compensatoire et avant la fin du chantier de construction, et des mesures de suivi telles que l'établissement, notamment, d'inventaires des insectes et batraciens pour apprécier le développement de la biodiversité sur le site. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que la compensation a été portée à plus de 200% de la surface impactée. Alors que ni l'arrêté préfectoral, bien que prévoyant une étude sur la qualité du site, n'indique les suites à donner si cette étude conclut à une qualité inférieure, ce qui constitue une méconnaissance des prescriptions du SDAGE alors même que celui-ci permet de passer outre cette prescription lorsque la compensation est supérieure à 200%, ni la société pétitionnaire ne démontrent l'existence de solution alternative, les requérants n'ont formulé aucune observation à la suite de l'édiction de l'arrêté complémentaire. En outre, la mesure compensatoire a été élargie à la suite de la mise en évidence, en 2020, d'une extension de la zone humide, qui a été présentée dans le dossier soumis à enquête publique.
Sur les capacités financières :
15. Les requérants se bornent à affirmer que les capacités financières sont insuffisantes et que ces insuffisances doivent entraîner une nouvelle consultation du public sans apporter d'éléments précis à l'appui de leurs affirmations.
Sur le vice de procédure tenant à l'absence de dérogation relative aux " espèces protégées " :
16. Si les requérants soutiennent que l'étude d'impact est incomplète en raison de l'absence de dérogation relative aux " espèces protégées ", un tel défaut n'est pas constitutif, en lui-même, d'un vice de procédure dans la mesure où le bien fondé d'une telle demande doit s'apprécier au regard de l'absence ou de l'existence de ces espèces.
Sur la méconnaissance des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement :
17. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et
L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
En ce qui concerne l'atteinte aux sites et lieux avoisinants :
18. Si les éoliennes litigieuses seront, selon les requérants, " peut-être visibles " depuis le château de la Noë Bel Air, qui bénéficie, ainsi que son parc, d'une protection au titre des monuments historiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette covisibilité, eu égard à la distance de six kilomètres séparant le château de la Noë Bel Air de la zone d'implantation soit de nature à porter une atteinte visuelle au regard des dispositions précitées.
19. La circonstance que huit Zones Naturelles d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) soient situées dans un rayon de huit kilomètres autour du projet ne constitue pas en elle-même un impact paysager.
20. Le projet litigieux étant situé le long d'un axe sud-est à 3 kilomètres de celui existant de La Divatte, il est éloigné de la vallée de la Loire à plus de 10 kilomètres. Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'impact paysager :
21. Aux termes de l'article L. 350-1 A du code de l'environnement : " Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques ". Pour l'application de ces dispositions combinées avec celles de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le juge des installations classées pour la protection de l'environnement apprécie le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques.
S'agissant du mitage paysager :
22. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.
23. En l'espèce, le parc éolien envisagé est composé de six éoliennes, implantées en trois groupes de deux aérogénérateurs le long d'une ligne orientée globalement nord-ouest / sud-est, distants chacun de 1 à 1,5 kilomètre. Sur le prolongement de cette ligne nord-ouest sud-est se trouve à 2.8 kilomètres un autre parc de quatre éoliennes sur le territoire des communes du Landreau et de la Remaudière. Il résulte de l'instruction que la disposition de ces éoliennes selon cette ligne nord-ouest/ sud- comporte ainsi une cohérence d'ensemble. Elle n'entraîne pas un effet de mitage qui, par nature, se caractérise par la dissémination de façon aléatoire ou désordonnée des aérogénérateurs prévus. De plus, les effets cumulés entre le projet et le parc éolien du Val de Loire à Tillières, qui n'est visible que sur quelques photomontages, sont très limités. Le parc éolien de Boussay est situé à plus de quinze kilomètres et ne figure pas sur les photomontages. Ainsi, les impacts cumulés à ceux des éoliennes déjà construites n'ont pas pour effet de créer un effet de mitage du paysage en raison de l'existence d'autres parcs éoliens.
S'agissant de la commodité du voisinage :
24. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier l'effet d'écrasement des hameaux à proximité et le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de générer, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens du même article.
25. Un éventuel effet d'écrasement des hameaux où résident près de cinq cents personnes ne saurait se déduire de la seule proximité du projet avec ces hameaux, l'éloignement minimal de 500 mètres vis-à-vis des habitations, défini par l'article L. 515-44 du code de l'environnement, étant respecté. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des photomontages produits, que les éoliennes seront fréquemment visibles depuis les hameaux situés à proximité du projet. Toutefois, l'étude d'impact précise que le projet éolien du haut vignoble s'inscrit dans un paysage " entre vigne et bocage ". L'habitat y est diffus mais la présence de haies crée des écrans visuels limitant l'impact paysager. Réparti sur trois secteurs distincts, soit deux éoliennes par secteur, seule une partie du parc est le plus souvent rendu visible et d'une manière partielle depuis les hameaux proches. Cette situation n'est pas de nature à envisager la création de linéaires de haies proches des habitations. Ainsi, la présence des éoliennes, bien que marquant le paysage, ne génère pas un effet d'écrasement sur ces hameaux proches et le projet n'altère pas de manière excessive les paysages du périmètre rapproché du fait de sa proximité avec plusieurs hameaux.
Sur la mise en œuvre des dispositions des articles L. 181-1 et L. 181-18 du code de l'environnement :
26. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale (...) est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : 1° Installations, ouvrages, travaux (...) ". Aux termes de l'article L. 181-18 du même code : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. "
27. Le vice entachant l'autorisation environnementale en litige, relevé aux points 10 à 13 du présent arrêt, qui résulte de l'incomplétude du dossier de demande, est susceptible d'être régularisé, compte tenu de sa nature, par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation prise au regard d'un dossier actualisé comportant une mise à jour de l'impact du projet sur l'avifaune et les chiroptères.
28. Cette éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de 15 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu par suite de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à l'expiration de ce délai afin de permettre cette régularisation.
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête présentée par l'association anti-éolienne du haut vignoble et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à l'État et à la société Ferme éolienne du haut vignoble pour produire devant la cour une autorisation environnementale modificative conforme aux modalités définies au point 26 du présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Anti-Éolienne du Haut Vignoble, représentant unique des requérants, à la société Ferme Éolienne du Haut Vignoble, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire Atlantique.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT0166502