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21/06/2024 | FRANCE | N°22NT01866

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 21 juin 2024, 22NT01866


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 6 juillet 2021 de l'ambassade de France à Téhéran (République islamique d'Iran) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'étudiante, à Mme D... et des visas d'entrée et de long séjour, en qu

alité de visiteur, à M. B... et à l'enfant E... B....



Par un jugement n°s 2109380, 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 6 juillet 2021 de l'ambassade de France à Téhéran (République islamique d'Iran) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour, en qualité d'étudiante, à Mme D... et des visas d'entrée et de long séjour, en qualité de visiteur, à M. B... et à l'enfant E... B....

Par un jugement n°s 2109380, 2109381 et 2109384 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- les demandeurs de visa ne justifient pas de ressources suffisantes ;

- le projet d'étude de Mme D... est dépourvu de sérieux et de cohérence.

Par un mémoire, enregistré le 20 février 2023, Mme D... et M. B..., représentés par Me Larbre, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur ou, subsidiairement, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;

- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante iranienne, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante. Son époux, M. A... B..., a sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de visiteurs, pour lui-même ainsi que pour leur fils, E... B..., afin d'accompagner Mme D... pendant la durée de ses études en France. L'ambassade de France à Téhéran a rejeté ces demandes le 6 juillet 2021. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... et Mme D..., la décision implicite née le 16 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté les recours formés par M. B... et Mme D... contre ces décisions consulaires et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour l'exécution du jugement attaqué et après le rejet de la requête tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement par une ordonnance du 30 septembre 2022 du président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes, le ministre de l'intérieur a délivré, le 25 octobre 2022, un visa d'entrée et de long séjour à M. B..., à Mme D... et à l'enfant E... B.... Cette circonstance ne prive pas d'objet la requête d'appel du ministre de l'intérieur dirigée contre le jugement du 25 avril 2022 prononçant l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France refusant aux intéressés la délivrance de ce visa. Dès lors, l'exception de non-lieu opposée par M. B... et Mme D... doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de caractère sérieux du projet d'études de Mme D... :

3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".

4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.

5. L'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 dispose dans son point 2.1, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études " : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France ". Dans son point 2.4 intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", cette même instruction indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études ". Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

6. La seule circonstance qu'à une date non précisément déterminée mais postérieure à la décision contestée portant refus de visa et antérieure à la délivrance d'un visa en exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes du 25 avril 2022, Mme D... a formé une demande de remboursement de son acompte d'inscription à l'université de Poitiers, demande à laquelle il a été accédé en octobre 2021, n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser un défaut de sérieux du projet d'études de l'intéressée à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré du défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressée sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études, doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des ressources des demandeurs de visas :

7. D'une part, aux termes du point 2.2 de l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il disposera de ressources suffisantes pour couvrir ses frais d'études " indique : " L'étranger doit apporter la preuve qu'il dispose de moyens d'existence suffisants pour la durée de validité du visa de long séjour pour études. Ces ressources doivent être équivalentes, pour l'ensemble de la période concernée, au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français, soit 615 euros en 2019. ".

8. D'autre part, l'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général. Dans le cadre de cet examen, l'administration peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne justifie pas des moyens d'existence suffisants pour faire face aux dépenses liées à son séjour en France.

9. M. B... et Mme D... ont produit des attestations de la Banque Melli Iran attestant de ce que M. B... disposait, à la date du 14 juin 2021, d'une somme de 1 517 949 996 rials sur un compte courant tandis que Mme D... disposait, à la date du 26 juillet 2021, d'une somme de 2 422 337 344 rials sur un compte d'épargne. D'une part, si le ministre soutient que cet organisme bancaire ferait l'objet de sanctions internationales faisant obstacle à tout transfert d'argent vers un compte bancaire à ouvrir auprès d'une banque française, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces fonds ne seraient pas disponibles pour le financement des études de Mme D... et du séjour de M. B... et de leur enfant. D'autre part, si le ministre soutient que le taux de change mentionné sur ces attestations, de 1 euro pour 49 578 rials iraniens, est un taux de change défini par les autorités qui ne serait pas pertinent pour apprécier la somme dont pourrait disposer la famille en France, il ne l'établit pas et ne justifie pas davantage du taux de change réel qu'il conviendrait de prendre en compte en produisant des taux de change appliqués par une agence le 2 février 2022, postérieurement à la décision contestée. M. B... et Mme D... justifient ainsi d'une épargne disponible d'environ 79 000 euros, suffisante au regard des dispositions précitées tant pour couvrir les frais d'études de Mme D... que pour permettre à M. B... et à son fils de vivre de leurs seules ressources sur le territoire français pendant dix mois. Le moyen tiré de l'insuffisance des ressources des demandeurs de visa doit dès lors être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... et Mme D..., la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... et à Mme D... d'une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... et Mme D... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Mme F... D....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01866
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LARBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;22nt01866 ?
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