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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT01822

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 juin 2024, 23NT01822


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 3 août 2020 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle.



Par un jugement n° 2101317 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Taugourdeau demande à la cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 3 août 2020 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2101317 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Taugourdeau demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 19 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 24 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et plus particulièrement de la protection juridictionnelle, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que la décision contestée lui refuse la protection fonctionnelle dans la mesure où il a fait l'objet de propos discriminatoires de la part d'une gendarme adjointe et que ces faits sont susceptibles de constituer une infraction pénale et qu'il aurait dû faire l'objet d'un accompagnement ainsi que le prévoit la note-expresse n° 41892 gend/cab du 8 juin 2017 ; cette décision est entachée d'une erreur de droit ;

- il n'a commis aucune faute personnelle, et en tout état de cause, une faute personnelle ne saurait justifier un refus de protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Le mémoire présenté le 20 mai 2024, après la clôture de l'instruction, pour M. A... n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Taugourdeau et de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er août 2017, le capitaine A... a été nommé commandant de la compagnie de gendarmerie départementale mobile de H...dansB.... Le 6 juin 2018, il a procédé à l'entretien annuel d'évaluation de la brigadière F..., gendarme adjointe volontaire (GAV) relevant de l'une des 11 brigades rattachées à la compagnie. Au cours du mois de septembre 2018, l'intéressée a déposé un signalement relatif au comportement de son supérieur hiérarchique auprès de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) dans le cadre du dispositif " stop discri ", dénonçant des faits qui se seraient déroulés entre le 23 mai et le 5 septembre 2018. Le 29 septembre 2018, M. A... a déposé une plainte pénale pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de cette gendarme adjointe. Une enquête administrative a été diligentée. Le 12 décembre 2018, M. A... a sollicité la protection fonctionnelle, qui lui a été accordée par une décision du 6 février 2019. Il a retiré sa plainte pénale le 27 mars 2019. L'intéressé, qui soutient que cette affaire aurait eu des répercussions sur sa notation et aurait conduit à l'évincer du tableau d'avancement pour l'année 2020, a envisagé de déposer une nouvelle plainte pénale à l'encontre de la gendarme adjointe. Le 19 juin 2020, il a présenté une seconde demande de protection fonctionnelle. Par une décision du 3 août 2020, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande. Le 31 août 2020, le capitaine A... a contesté cette décision devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 24 mars 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté son recours ainsi que sa demande de protection fonctionnelle. M. A... relève appel du jugement du 19 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Après avoir cité au point 2 du jugement attaqué les dispositions de l'article L. 4123-10 du code de la défense, les premiers juges se sont référés au point 4 de ce jugement à l'article L. 4123-10 " du code de l'urbanisme cité au point 2 ". Contrairement à ce que soutient le requérant, cette simple erreur matérielle, n'a eu aucune incidence sur le sens du jugement rendu. Si M. A... reproche également au tribunal administratif de ne pas avoir indiqué en quoi les allégations de discrimination de la gendarme adjointe brigadière n'étaient pas calomnieuses, il ressort du jugement attaqué que le tribunal s'est référé au point 4 du jugement à l'enquête administrative diligentée à la suite de ce signalement, laquelle a conclu à l'absence de comportement discriminatoire de M. A... à l'encontre de cet agent, tout en reconnaissant que ses propos avaient pu être perçus comme blessants par cette dernière. Le tribunal administratif a estimé que la seule circonstance que les accusations de discriminations de la gendarme adjointe brigadière étaient infondées ne suffisait pas à caractériser un acte de dénonciation calomnieuse en l'absence de toute volonté de la part de cette agente de nuire à son supérieur hiérarchique. Ce faisant, le tribunal a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à raison de ce motif manque dès lors en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 mars 2021 :

3. Aux termes de l'article L. 4123-10 du code de la défense : " Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les menaces, violences, harcèlements moral ou sexuel, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet. / L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Il est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées aux victimes. (...) L'Etat est également tenu d'accorder sa protection au militaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " La protection dont bénéficient (...) les militaires de la gendarmerie nationale, (...), en vertu de l'article L. 4123-10 du code de la défense, couvre les préjudices qu'ils subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. (...) ". Selon l'article 2.1 de la circulaire NOR : INTJ1240055C n° 112000 Gend/DPMGN/SDAP/BCBJ du 23 mai 2013 relative à l'accompagnement des personnels militaires de la gendarmerie en matière de protection fonctionnelle " La protection fonctionnelle est accordée au militaire de la gendarmerie qui, dans l'exercice d'une mission qui lui est confiée par la loi ou les règlements, est victime d'un comportement susceptible de constituer une infraction pénale (...) c'est à l'administration qu'il appartient de qualifier juridiquement les faits qui sont susceptibles de caractériser une " attaque " ou une " menace " (...) ".

4. Les dispositions rappelées au point 3 établissent à la charge de l'Etat, au profit des militaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le militaire est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à l'employeur d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi. Par ailleurs, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à son employeur de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. La juridiction administrative est compétente pour connaître des recours contre les décisions des autorités de l'Etat refusant aux intéressés le bénéfice de cette protection.

5. Dans sa demande de protection fonctionnelle déposée le 18 juin 2020, M. A... revient sur les accusations portées à son encontre au cours de l'année 2018 par la gendarme adjointe brigadière. Il indique avoir décidé de " relancer " sa plainte pour dénonciations calomnieuses déposée le 29 septembre 2018 et retirée le 27 mars 2019 et sollicite de nouveau le bénéfice de la protection fonctionnelle. Un document, intitulé " pour bien distinguer le vrai du faux ", répondant à chacun des griefs formulés à son encontre par la brigadière, était annexé à cette demande. Il conclut cette note en soulignant le caractère " injuste " du signalement " stop discri " dont il a fait l'objet, regrette de ne pas avoir été " réhabilité " et estime que ces faits constituent un frein à sa carrière professionnelle. La décision contestée indique que le seul signalement à la cellule d'écoute ne suffit pas à établir une intention de nuire de la part de Mme F..., qui a reconnu que les remarques du capitaine A... sur sa tenue étaient justifiées, ne révélaient aucune animosité particulière, que son supérieur hiérarchique n'avait proféré aucun terme injurieux, insultant ou dégradant à son égard. Le ministre constate de plus que le capitaine A... n'a été victime d'aucune menace, violence, voie de fait, injure, diffamation ou poursuites pénales à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et qu'il ne remplit donc pas les conditions requises pour se voir attribuer de nouveau le bénéfice de la protection fonctionnelle.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports du 2 novembre 2018 du colonel D... commandant en second le groupement de gendarmerie départementale deB... et du 9 novembre 2018 du colonel G..., commandant le groupement de gendarmerie départementale deB..., rédigés à l'issue de l'enquête administrative diligentée à la suite du signalement pour discrimination effectué par Mme F..., que les propos parfois " très directs " du capitaine à l'égard de l'intéressée, ont pu être mal interprétés par cette dernière, qui en a été " manifestement " et " réellement " blessée. Ces rapports soulignent l'absence de volonté délibérée tant de la part de M. A... que de Mme F... de nuire à leur interlocuteur respectif, de sorte que l'issue favorable d'une action judiciaire en diffamation dirigée contre l'intéressée pourrait, dans ce contexte particulier, s'avérer douteuse, ainsi que le souligne la " fiche d'analyse du recours " datée du 27 novembre 2020 établie par le bureau des recours et de la protection fonctionnelle de la direction générale de la gendarmerie nationale. La circonstance que le capitaine A... se soit senti désavoué par sa hiérarchie, notamment à la suite du courrier qui lui a été adressé le 3 décembre 2018 par le commandant adjoint de la région de gendarmerie de E..., lui demandant à l'avenir d'adapter ses propos à la situation et à la personnalité de ses interlocuteurs, sans que de son côté Mme F... ne fasse elle-même l'objet d'observations sur sa manière de se comporter avec ses supérieurs hiérarchiques, ne suffit pas à démontrer les chances de succès d'une telle action judiciaire. Par suite, et alors que M. A... a été inscrit au tableau d'avancement pour le grade de chef d'escadron au titre de l'année 2021 et promu à ce grade à compter du 1er octobre 2021, avant de démissionner de la gendarmerie nationale en 2022, en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché d'illégalité sa décision.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01822
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : TAUGOURDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt01822 ?
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