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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT01656

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 23NT01656


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Sous le n° 2208904 Mme G..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 15 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises aux Comores refusant de délivrer au jeune E... B... un visa de long séjour en qualité de visiteur.
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Sous le n° 2209274 Mme G..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 2208904 Mme G..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 15 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises aux Comores refusant de délivrer au jeune E... B... un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Sous le n° 2209274 Mme G..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 15 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises aux Comores refusant de délivrer à la jeune F... C... un visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°s 2208904, 2209274 du 17 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer aux jeunes E... B... et F... C... les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme G... pour les jeunes E... B... et F... C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne sont pas méconnues eu égard aux conditions d'accueil des deux enfants par Mme C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, Mme D... C..., représentée par Me Delaine, demande à la cour de rejeter la requête, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés ;

- la décision méconnait les dispositions des articles 111 et suivants du code comorien de la famille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Frank, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante comorienne née en 1968 titulaire d'un titre de séjour français, a sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de visiteurs pour deux de ses neveux dont l'autorité parentale lui a été déléguée par deux décisions de la justice comorienne. Par des décisions du 7 mars 2022, les autorités consulaires françaises aux Comores ont refusé de leur délivrer les visas sollicités. Par une décision implicite, née le 15 mai 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement n°s 2208904, 2209274 du 17 avril 2023, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser les deux visas sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que les intéressés n'établissaient pas disposer des ressources suffisantes pour couvrir leurs frais lors de leur séjour en France et que les conditions de logement pour l'accueil de ces deux enfants par Mme G... n'étaient pas réunies.

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

5. Il ressort des pièces du dossier que par deux jugements du 23 mars 2020, le tribunal de première instance de Moroni (Comores) a délégué l'autorité parentale sur les jeunes E... B..., né le 18 avril 2007, et F... C..., né le 25 février 2011, ressortissants comoriens orphelins respectivement de mère et de père, à leur tante, Mme G... ressortissante comorienne résidant en France au bénéfice d'une carte de séjour pluriannuelle. Si ces jugements qui ont eu pour effet de déléguer à Mme C... l'exercice de l'autorité parentale sur les demandeurs de visa n'ont pas été légalisés, ils doivent être regardés, eu égard notamment à leur présentation et à leur contenu, comme présentant des garanties suffisantes d'authenticité, alors même que le ministre n'établit pas, ni même n'allègue, qu'ils présenteraient un caractère frauduleux. Il est par ailleurs établi que Mme C... occupe un emploi de vendeuse depuis 2016 au sein d'un commerce en région parisienne. Célibataire, elle a déclaré au titre de l'année 2021 des revenus salariaux de 16 293 euros, soit 1 357,75 euros par mois. En outre, il est établi que sa fille, ressortissante française née en 1997 vivant avec sa mère, a été recrutée le 7 octobre 2021 en contrat à durée indéterminée en qualité de consultante junior au sein d'une société de conseil en transformation numérique avec une rémunération brute mensuelle de 2 875 euros. Cette dernière a produit deux attestations des 28 juin 2022 et 4 mars 2023 où elle expose verser mensuellement à sa mère, depuis qu'elle travaille, une somme minimale de 450 euros, dont 300 euros au moyen d'un virement permanent mensuel dont elle établit l'existence. Par ailleurs Mme C... vit à la date de la décision contestée dans un logement social de 57 m² disposant de trois pièces pour lequel elle acquitte un loyer de 547 euros. L'intéressée a sollicité, en janvier 2022, un nouveau logement social disposant d'une pièce supplémentaire, dans la perspective de l'arrivée de ses deux neveux et du maintien à son domicile de sa fille, laquelle atteste vouloir cohabiter avec ses cousins et contribuer à leur éducation. Ainsi, il n'est pas établi que les conditions d'accueil des deux demandeurs de visa seraient contraires à leur intérêt. Par suite, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est intervenue en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite, née le 15 mai 2022, de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Le présent arrêt n'implique pas le prononcé d'une injonction sous astreinte autre que celle déjà prononcée par les premiers juges, dès lors qu'il appartient au ministre de l'intérieur et des outre-mer de prendre les mesures nécessaires pour délivrer les visas sollicités.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l'instance par Mme G....

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme G... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme C... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme G....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01656
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : DELAINE DOMINIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt01656 ?
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