Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 7 septembre 2021 de l'autorité consulaire française au Cameroun refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2114795 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septembre et 21 novembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Bella Etoundi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juillet 2022 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il dispose des ressources suffisantes pour assurer son séjour pendant toute la durée de ses études ; son séjour en France est uniquement motivé par la poursuite de ses études ; son projet d'études est cohérent et sérieux ; l'avis émis par le service de coopération et d'action culturelle ne lie pas l'autorité administrative ; il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ;
- la décision contestée méconnait l'instruction interministérielle relative aux demandes de visa long séjour pour études et les articles 7, 11 et 20 de la directive (UE) 2016/801 du 4 juillet 2019, dès lors que l'autorité administrative ne pouvait fonder son refus que sur un motif tenant à l'existence d'une menace à l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme et celles de l'article 2 du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à l'éducation ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, celles du décret du 13 mai 1971 et le principe d'autonomie des universités dès lors que le caractère sérieux et cohérent de ses études constitue un critère de sélection prohibé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais né le 2 mars 1995, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité d'étudiant auprès de l'autorité consulaire française au Cameroun, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 7 septembre 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement de ce tribunal du 4 juillet 2022 rejetant sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui des moyens soulevés par M. B..., ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont estimé, notamment, que la décision contestée, fondée sur le défaut de cohérence et de sérieux des études envisagées, n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, si le requérant fait valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé à la commission de recours la communication des motifs de sa décision implicite. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises au Cameroun, sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa sollicité, en l'absence de caractère cohérent et sérieux du projet d'études poursuivi.
6. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
7. S'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
8. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le CESEDA, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du CESEDA, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
9. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision contestée fondée sur le motif tiré de ce qu'il existe un risque que l'intéressé sollicite un visa à d'autres fins que son projet d'études ne méconnait ni les dispositions de la directive (UE) 2016/801 ni celles de l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études. Le moyen doit par suite être écarté.
11. En troisième lieu, M. B... s'est inscrit, au titre de l'année académique 2021-2022, en première année de classe préparatoire " arts appliqués " au sein de l'école Intuit.Lab, localisée à Paris et spécialisée dans le design et le digital. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a obtenu un diplôme de baccalauréat, mention passable, au Cameroun en 2019, puis a obtenu en septembre 2021 un brevet de technicien supérieur dans le domaine du tourisme, de l'hôtellerie et des sciences sociales, filière " arts et métiers de la culture ", spécialité " photographie et audiovisuel " mention passable. Le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade de France au Cameroun a émis un avis défavorable au projet d'études de M. B.... Si cet avis ne lie pas l'autorité administrative, il relève néanmoins que l'intéressé a sollicité tardivement son inscription en première année et qu'il " présente un cursus littéraire, certes correct, mais avec des reprises ". Par ailleurs, le requérant, âgé de 26 ans à la date de la décision contestée, qui s'est inscrit en première année de classe préparatoire, ne justifie pas de l'intérêt que revêt pour lui une telle formation, dans une classe préparatoire, qui n'est pas diplômante et ne lui garantit pas un accès aux études en communication visuelle qu'il dit souhaiter poursuivre, alors même qu'il est déjà titulaire d'un brevet de technicien supérieur spécialité " photographie et audiovisuel ", et qu'il a occupé un poste d'assistant designer, au sein d'une entreprise camerounaise, sur la période allant du 5 juin 2020 au 22 mai 2021. Enfin, si le requérant soutient qu'il justifie des conditions de son séjour en France et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, eu égard au motif sur lequel elle se fonde. Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant, pour refuser de délivrer à M. B... un visa de long séjour, sur le défaut de cohérence et de sérieux des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme : " Toute personne a droit à l'éducation ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction (...) ".
13. D'une part, la déclaration universelle des droits de l'homme ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ratifiés dans les conditions fixées à l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, de sorte que la méconnaissance de ce texte ne peut être utilement invoquée. D'autre part, la circonstance que la décision en litige fasse obstacle au projet de M. B... de bénéficier des enseignements dispensés par l'établissement français d'enseignement auprès duquel il a obtenu un accord préalable d'inscription ne porte pas, par elle-même, atteinte à son droit à l'éducation et à l'instruction, qui peut s'exercer hors de France. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de la déclaration et des stipulations citées au point 12 doit être écarté.
13. En cinquième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, ni de celles du décret du 13 mai 1971 modifié, ni du principe d'autonomie administrative des universités dès lors que la décision contestée n'a pas pour objet de statuer sur l'accès d'un étudiant à une formation d'enseignement supérieur mais sur la délivrance à un ressortissant étranger d'un visa de long séjour. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02891