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18/06/2024 | FRANCE | N°22NT02831

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 22NT02831


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B..., agissant en son nom et en tant que représentante légale des enfants A... et D... E..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 11 février 2021 de l'autorité consulaire française à Lagos (Nigéria) refusant de délivrer aux jeunes A... et D... E... un visa d'entrée et de long

séjour au titre de la réunification familiale.



Par un jugement n° 2114754 du 11...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., agissant en son nom et en tant que représentante légale des enfants A... et D... E..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 11 février 2021 de l'autorité consulaire française à Lagos (Nigéria) refusant de délivrer aux jeunes A... et D... E... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2114754 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2022, Mme C... B... agissant en son nom et en tant que représentante légale des enfants A... et D... E..., représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 19 mai 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'aucun jugement de déchéance de l'autorité parentale ne devait être produit ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie ;

- le motif tiré de l'absence de jugement de délégation de l'autorité parentale substitué au motif de la décision contestée est de nature à la fonder légalement.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 25 juillet 1993, s'est vue reconnaître le statut de réfugiée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 25 juin 2019. Les jeunes D... et A... E..., nés respectivement les 7 janvier 2008 et 9 janvier 2010, qu'elle présente comme ses enfants, ont déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française à Lagos (Nigéria), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 11 février 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 19 mai 2021. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 11 juillet 2022 rejetant sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Lagos, sur les circonstances tirées d'une part, de ce que l'identité des demandeurs de visa et le lien de filiation unissant ceux-ci à Mme B... n'étaient pas établis et, d'autre part, de ce qu'aucun jugement de déchéance de l'autorité parentale de leur père n'avait été produit.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. " Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. " Aux termes de l'article L. 561-5 dudit code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

4. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour justifier de l'identité des demandeurs de visas, ont été produites les copies des certificats de naissance nos 20119304 et 20119305 établis les 23 avril 2010 et 23 mai 2012 par la commission nationale de la population de l'Etat de Delta, lesquels mentionnent la naissance de l'enfant D... E... le 7 janvier 2008 et celle de l'enfant A... E... le 9 janvier 2010, issus de l'union de Mme C... B... et de M. F... E.... Le ministre de l'intérieur relève toutefois en défense, sans être contesté, que les certificats de naissance comportent des numéros de feuillets consécutifs, alors même qu'ils ont été établis le 28 avril 2010 pour le premier et le 28 mai 2012 pour le second et ont vocation à enregistrer des naissances ayant eu lieu à plusieurs années d'intervalle. Par ailleurs, les numéros figurant sur ces actes ne correspondent pas à ceux des registres au sein desquels ils doivent être consignés, correspondant aux années civiles au cours desquelles les naissances ont été enregistrées. En l'absence de toute explication de la part de la requérante sur ces points, ces incohérences remettent en cause la valeur probante des actes d'état-civil produits et ne permettent donc pas d'établir l'identité alléguée des enfants et partant le lien de filiation les unissant à la réunifiante. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a jamais mentionné, au cours de l'examen de sa demande d'asile, être mère de deux enfants. En outre, les éléments présentés pour établir le lien familial par la possession d'état, qui consistent uniquement en quelques transferts d'argent au bénéfice de la mère de Mme B... et d'attestations de proches ne suffisent pas à établir l'identité des intéressés. Par suite, l'identité des demandeurs de visa et partant leur lien familial avec Mme B... ne sont pas établis. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris les mêmes décisions en ne se fondant que sur ce seul motif.

6. En second lieu, l'identité des demandeurs de visas et partant leur lien familial avec Mme B... n'étant pas établis, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de motifs demandée par le ministre en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02831
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22nt02831 ?
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