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18/06/2024 | FRANCE | N°22NT02829

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 22NT02829


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme H... agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants E..., G... et A... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 mars 2021 de l'autorité consulaire française en Guinée et en Sierra Léone refusant de délivrer aux enfants E..., G... et A... D... un v

isa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.



Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants E..., G... et A... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 mars 2021 de l'autorité consulaire française en Guinée et en Sierra Léone refusant de délivrer aux enfants E..., G... et A... D... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2112002 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 juin 2021 en tant qu'elle concerne les enfants G... et A... D..., a enjoint au ministre de l'intérieur, sous astreinte, de leur délivrer des visas de long séjour mais a rejeté les conclusions de la demande en tant qu'elle concerne l'enfant E... D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2022, Mme H... agissant en son nom personnel et en tant que représentante légale des enfants E..., G... et A... D..., représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2022 seulement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande s'agissant de l'enfant E... D... ;

2°) d'annuler la décision du 24 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France seulement en tant qu'elle concerne l'enfant E... D... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits ;

- le motif tiré de l'absence de délégation de l'autorité parentale, substitué au motif de la décision contestée, ne peut légalement la fonder ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 1er janvier 1997, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 12 novembre 2018. Les jeunes E..., né le 1er janvier 2010, A..., née le 1er janvier 2013 et G... D..., née le 2 février 2014, qu'elle présente comme ses enfants, ont déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française en Guinée et en Sierre Léone, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 2 mars 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 24 juin 2021. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 16 mai 2022 seulement en tant qu'il rejette sa demande s'agissant de l'enfant E... D....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises en Guinée et en Sierra Léone, sur les circonstances tirées de ce que, d'une part, l'identité de l'enfant E... D... et, partant, son lien familial avec la réunifiante ne sont pas établis et, d'autre part, qu'il n'a pas été produit de jugement de déchéance de l'autorité parentale.

3. Le jugement attaqué a estimé que l'identité du demandeur de visa était établie et que l'autorité administrative n'aurait pas pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'absence de jugement de déchéance des droits parentaux. Toutefois, il a fait droit à la demande de substitution de motif formée par le ministre de l'intérieur qui a fait valoir que le motif tiré de l'absence de jugement de délégation de l'autorité parentale est de nature à fonder légalement la décision contestée.

4. En premier lieu, d'une part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Aux termes de l'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-1 de ce code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Aux termes de l'article L. 434-3 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande :1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Enfin, aux termes de l'article L. 434-4 dudit code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". Il résulte de ces dispositions que l'enfant, mineur de dix-huit ans, souhaitant rejoindre son parent réfugié sans son autre parent, bénéficie de plein droit de la délivrance d'un visa de long séjour soit lorsque son autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale, soit s'il a été confié à son parent réfugié ou au conjoint de ce dernier en exécution d'une décision d'une juridiction étrangère et est muni de l'autorisation de son autre parent.

6. Si Mme B... soutient que le père de l'enfant, M. C... D... a disparu depuis plusieurs années, les pièces versées aux débats ne permettent pas de l'établir alors qu'il ressort du jugement supplétif d'acte de naissance de l'enfant E..., qu'il a été rendu sur requête du père de ce dernier, le 9 septembre 2019, soit quatre mois seulement avant la date de dépôt de la demande de visa, le 17 janvier 2020. Dans ces conditions, en l'absence de jugement déléguant à Mme B... l'autorité parentale sur l'enfant E... D..., il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le ministre de l'intérieur, qui ne prive la requérante d'aucune garantie.

7. En second lieu, en l'absence de jugement de délégation de l'autorité parentale à la date de la décision contestée, et alors que le père de l'enfant réside en Guinée, il n'est pas établi qu'il ait été dans l'intérêt supérieur du jeune E... D... de rejoindre sa mère en France. Dans ces conditions, la décision de la commission de recours n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne l'enfant E... D....

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02829
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22nt02829 ?
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