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18/06/2024 | FRANCE | N°22NT02827

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 18 juin 2024, 22NT02827


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 3 mars 2020 de l'autorité consulaire française en Ethiopie refusant de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de court séjour en France.



Par un jugement n° 2106496 du 27 décembre 2021, le tribunal ad

ministratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 3 mars 2020 de l'autorité consulaire française en Ethiopie refusant de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de court séjour en France.

Par un jugement n° 2106496 du 27 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2022 M. D... A... et Mme B... C..., représentés par Me Rodrigues Devesas, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.

Par une décision du 1er juillet 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- et les conclusions de M. Frank, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant éthiopien né le 12 février 1986, s'est vu reconnaître le statut de réfugié. Mme C..., mère de M. A..., ressortissante éthiopienne née le 7 janvier 1960, a déposé une demande de visa de court séjour auprès de l'autorité consulaire française en Ethiopie, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 3 mars 2020. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. M. A... et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 27 décembre 2021 rejetant leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises en Ethiopie, sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa sollicité à des fins migratoires car l'intéressée ne présenterait pas de garanties suffisantes de retour en Ethiopie où elle n'établit pas avoir d'attaches familiales, matérielles et professionnelles.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

4. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

5. Mme C... a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour pour rendre visite à son fils qui réside en France. Si Mme C... soutient être propriétaire en Ethiopie d'une ferme et s'occuper de bétail, l'attestation qu'elle produit, datée de 2012, ne permet pas d'établir la réalité de ces affirmations à la date à laquelle la décision contestée a été prise. Il en va de même des pièces enregistrées au greffe le 5 septembre 2022, qui ne sont pas traduites, et du document présenté comme un relevé de compte bancaire, qui ne mentionne des opérations que pour les seules années 2016, 2017 et 2022 et qui, eu égard à sa forme, ne présente aucune garantie d'authenticité. Par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle s'occupe de l'éducation de ses petits enfants qui résident avec elle, les pièces produites, notamment photographiques, ne permettent pas d'en justifier. Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer le visa sollicité en raison de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Mme C... a sollicité un visa de court séjour pour rendre visite à son fils dont il est constant qu'il a obtenu le statut de réfugié en France et ne peut se rendre en Ethiopie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés seraient dans l'impossibilité de se retrouver dans un autre pays. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le refus de visa de court séjour sollicité porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A... et de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de M. A... et Mme C... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02827
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22nt02827 ?
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