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11/06/2024 | FRANCE | N°23NT03888

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 11 juin 2024, 23NT03888


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2212669 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, le préfet de la Sarthe demande à la cour :



1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2212669 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- il ressort des trois rapports simplifiés du service de la police aux frontières du 29 mars 2022 que les documents d'état civil produits par M. A... ne sont pas recevables au regard du code guinéen de procédure civile et du code guinéen de procédure civile, économique et administratif ;

- la carte consulaire n'est pas un acte d'état civil ;

- M. A... ne justifie pas de sa nationalité ;

- la consultation du fichier Visabio a permis de constater un âge sensiblement supérieur à celui déclaré ;

- M. A... ne remplit pas la condition prévue par les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant guinéen, né le 15 janvier 2004, qui est entré irrégulièrement en France en décembre 2019 selon ses déclarations, a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire du 13 janvier 2020, puis d'une ordonnance de mise sous tutelle par laquelle il a été confié le 19 mai 2020 aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Sarthe en qualité de mineur isolé. Le 19 novembre 2021, il a sollicité du préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 septembre 2022, le préfet a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné la Guinée comme pays de destination. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté par un jugement du 29 novembre 2023. Le préfet relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ".

3. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

4. Il résulte des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Par ailleurs, lorsqu'elles sont amenées à vérifier si l'étranger justifie de son état-civil et de sa nationalité conformément aux prescriptions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les autorités administratives françaises ne peuvent mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère que dans le cas où le jugement produit a un caractère frauduleux.

5. Le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour au motif que l'intéressé a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour des actes d'état-civil qui ne sont pas conformes à la législation de son pays d'origine et comportent plusieurs erreurs de nature à les entacher d'irrégularité.

6. Pour annuler l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le caractère authentique d'un jugement supplétif, d'un extrait d'acte de naissance et d'une carte consulaire, qui ont été produits par M. A... à l'appui de sa demande. Il résulte de l'instruction que le préfet, qui ne précise pas la nature des irrégularités dont seraient entachés les documents d'état-civil de l'intéressé, s'est fondé sur les avis défavorables du service de la police des frontières du 29 mars 2022. Le préfet a produit les rapports d'analyse simplifiés de ce service du 29 mars 2022 émettant des réserves sur l'authenticité des actes d'état civil produits, considérant que les articles 184 du code civil guinéen, les articles 49, 60 et 331 du code guinéen de procédure civile ainsi que les articles 115 et 555 du code guinéen de procédure civile, économique et administrative n'étaient pas respectés, que le montant du droit de timbre acquitté n'est pas conforme aux tarifs en vigueur en Guinée, que le jugement supplétif ne fait pas mention d'une formule exécutoire et que l'audience s'est tenue le même jour que celui du dépôt de la requête, rendant impossible une enquête réelle sur les déclarations de M. A.... Toutefois, les avis défavorables de ce service selon lesquels le jugement supplétif et actes d'état-civil sont entachés d'irrégularités au regard des codes guinéens et les références ainsi faites à ces codes ne permettent pas de remettre en cause l'identité de M. B.... En outre, la circonstance que le jugement supplétif a été rendu le jour même que celui du dépôt de la requête, l'absence d'enquête préalable pour rendre ce jugement et l'absence de respect du montant d'acquittement du droit de timbre apposé sur le jugement supplétif et sur l'extrait d'acte de naissance et l'absence d'une formule exécutoire du jugement ne suffisent pas à donner à l'ensemble des documents d'état civil produits un caractère apocryphe ou à les priver d'un caractère probant. Alors même qu'il fait valoir que la consultation du fichier Visabio a permis de constater un âge sensiblement supérieur à celui déclaré par

M. A..., c'est donc à tort que le préfet a estimé que l'identité et la minorité de l'intéressé n'était pas établie et qu'il ne pouvait, pour ce motif, lui délivrer un titre de séjour.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté pour le motif rappelé au point 6.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0388802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03888
Date de la décision : 11/06/2024

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23nt03888 ?
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