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07/06/2024 | FRANCE | N°22NT02144

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 07 juin 2024, 22NT02144


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre la décision du préfet de la Drôme du 24 mars 2018 rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française.



Par un jugement n° 2002072 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 25 septembre 2018.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, le ministre de l'int...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre la décision du préfet de la Drôme du 24 mars 2018 rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 2002072 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 25 septembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- il justifie de l'habilitation de l'agent ayant mené l'entretien d'assimilation de M. B... ;

- les autres moyens d'annulation invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 24 juin 1956, a sollicité sa réintégration dans la nationalité française. Par une décision du 28 mars 2018, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande. M. B... a formé auprès du ministre de l'intérieur le recours prévu à l'encontre de cette décision par les dispositions de l'article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Par une décision du 25 septembre 2018, le ministre de l'intérieur a rejeté ce recours. Par un jugement du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., cette dernière décision. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. L'article 21-24 du code civil dispose : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. ". Aux termes de l'article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / (...) 2° Le demandeur doit justifier d'un niveau de connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises correspondant aux éléments fondamentaux relatifs : / a) Aux grands repères de l'histoire de France (...) ; / b) Aux principes, symboles et institutions de la République (...) ; / c) A l'exercice de la citoyenneté française (...) ; / d) A la place de la France dans l'Europe et dans le monde (...). " Aux termes de l'article 41 du même décret : " Le demandeur se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande et justifie de son identité par la production de l'original de son document officiel d'identité mentionné au 1° bis de l'article 37-1. Il produit également lors de cet entretien les originaux des pièces nécessaires à l'examen de sa demande. En l'absence de comparution personnelle à l'entretien sans motif légitime, l'autorité compétente peut classer sans suite sa demande sans qu'il soit besoin de fixer une nouvelle date d'entretien. / Lors d'un entretien individuel et après réception des enquêtes prévues à l'article 36, l'agent vérifie l'assimilation du demandeur à la communauté française, selon les critères prévus par l'article 21-24 du code civil et établit un compte rendu de l'entretien. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a passé, le 18 octobre 2017, l'entretien prévu par les dispositions précitées de l'article 41 du décret du 30 décembre 1993 susvisé. Cet entretien a été mené par M. A... C..., dont le ministre de l'intérieur justifie, pour la première fois en appel, qu'il a été habilité pour conduire un tel entretien par une décision du 16 mai 2017 du préfet de l'Isère. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision du 25 septembre 2018 du ministre de l'intérieur, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que cette décision était entachée d'un vice de procédure faute d'habilitation régulière de l'agent ayant mené l'entretien passé par M. B....

4. Il appartient, toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, dans sa version alors en vigueur : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". Par un arrêté du 9 août 2018, régulièrement publié le 11 août 2018 au Journal officiel de la République française, M. E... G..., signataire de la décision du 25 septembre 2018, a été reconduit dans les fonctions de sous-directeur de l'accès à la nationalité française à l'administration centrale du ministère de l'intérieur à compter du 28 août 2018. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 25 septembre 2018 du ministre de l'intérieur doit dès lors être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 49 du décret n° 93-1362 : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française prise en application du présent décret est motivée (...) ". La décision du 25 septembre 2018 indique, outre les dispositions du décret du 30 décembre 1993 susvisé dont le ministre de l'intérieur a fait application, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde, notamment l'absence de réponse apportée à certaines questions, dont il est précisé la teneur, posées à M. B... lors de l'entretien prévu par l'article 41 du décret du 30 décembre 1993 susvisé. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation détaillée de la décision du 25 septembre 2018 du ministre de l'intérieur, que la demande de M. B... a fait l'objet d'un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

8. En quatrième lieu, le ministre de l'intérieur a produit le compte rendu de l'entretien passé par M. B... le 18 octobre 2017. En se bornant à soutenir qu'il n'est pas justifié que ce compte rendu est " conforme aux prescriptions légales ", M. B... n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires pour en apprécier la portée et le bien-fondé.

9. En cinquième lieu, l'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, elle peut légalement fonder son appréciation sur le degré de connaissance par le postulant de l'histoire, de la culture et de la société françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française.

10. Il ressort du compte rendu de l'entretien passé par M. B... le 18 octobre 2017 que celui-ci n'a pas su indiquer, entre autres, la devise de la République, la signification du 14 juillet 1789, le nom H..., l'âge de la fin de la scolarité obligatoire ou qui étaient Jeanne d'Arc et Simone Veil. Il n'a, de même, pu définir, même sommairement, les termes de laïcité et de démocratie, l'évaluateur estimant qu'on ne pouvait constater son adhésion aux valeurs de la République faute qu'il comprenne les questions posées relativement à ces notions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette incapacité, qui traduit un déficit de connaissances et non une difficulté d'expression ou de concentration, résulterait du handicap de M. B... ou d'effets secondaires du traitement médicamenteux qu'il suit. Au regard de ces éléments et dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, le ministre de l'intérieur n'a pas, en rejetant, par la décision du 25 septembre 2018, la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B... en raison d'une insuffisance d'assimilation à la société française, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En sixième lieu, les circonstances que M. B... réside en France depuis longtemps et que plusieurs membres de sa famille ont la nationalité française sont sans incidence sur la légalité de la décision du 25 septembre 2018, eu égard aux motifs qui la fondent.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision du 25 septembre 2018 rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par l'intéressé.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02144
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;22nt02144 ?
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