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07/06/2024 | FRANCE | N°22NT01707

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 07 juin 2024, 22NT01707


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a classé sans suite sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2000369 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du ministre de l'intérieur, lui a enjoint de reprendre l'instruction de la demande de naturalisation de Mme C... et a mis à la charge de l'Etat le v

ersement des frais de procès.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a classé sans suite sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2000369 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du ministre de l'intérieur, lui a enjoint de reprendre l'instruction de la demande de naturalisation de Mme C... et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... épouse A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- c'est à juste titre qu'il a demandé à Mme C... la production d'un certificat de nationalité française pour son époux et ses enfants ;

- le moyen, soulevé en première instance par Mme C..., tiré de l'insuffisance de la motivation de sa décision du 18 septembre 2019 est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, Mme C..., représentée par Me Roques, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Floch, substituant Me Roques, représentant Mme C... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 1er avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C..., la décision du 18 septembre 2019 par laquelle il a classé sans suite, sur le fondement des dispositions de l'article 40 du décret du 30 décembre 1993 susvisé, la demande de naturalisation de Mme C... et lui a enjoint de reprendre l'instruction de cette demande et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article 21-15 du code civil dispose : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". L'article 35 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française détermine l'autorité administrative auprès duquel doivent être présentées les demandes de naturalisation. Aux termes de l'article 36 du même décret : " Toute demande de naturalisation ou de réintégration fait l'objet d'une enquête. / (...) Cette enquête, qui porte sur la conduite et le loyalisme du demandeur, est effectuée par les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. Elle peut être complétée par une consultation des organismes consulaires et sociaux. ". L'article 37-1 de ce décret, dans sa version applicable au litige, énumère les documents que le pétitionnaire doit joindre à sa demande de naturalisation, notamment " le cas échéant, tout document justifiant de la nationalité française du ou des enfants mineurs qui résident avec lui de manière habituelle ou alternativement dans le cas de séparation ou de divorce ". Aux termes de l'article 46 du même décret : " Lorsqu'il estime que la demande est recevable et qu'il y a lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française, le préfet désigné par arrêté du ministre chargé des naturalisations en application de l'article 35 émet une proposition en ce sens. Le dossier assorti de cette proposition est transmis au ministre chargé des naturalisations (...). ". Aux termes de l'article 48 de ce décret : " Dès réception du dossier, le ministre chargé des naturalisations procède à tout complément d'enquête qu'il juge utile, portant sur la conduite et le loyalisme de l'intéressé. / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. ".

3. L'article 40 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 dispose : " L'autorité qui a reçu la demande ou le ministre chargé des naturalisations peut, à tout moment de l'instruction de la demande de naturalisation ou de réintégration, mettre en demeure le demandeur de produire les pièces complémentaires ou d'accomplir les formalités administratives qui sont nécessaires à l'examen de sa demande. / Si le demandeur ne défère pas à cette mise en demeure dans le délai qu'elle fixe, la demande peut être classée sans suite. Le demandeur est informé par écrit de ce classement. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 28 avril 1980, a sollicité sa naturalisation. Le préfet du Val-de-Marne a transmis sa demande au ministre de l'intérieur, avec un avis favorable. Par courrier du 12 juin 2019, le ministre de l'intérieur a mis en demeure Mme C... de produire, dans un délai de deux mois, un certificat de nationalité française de son conjoint et, le cas échéant, de ses enfants mineurs. Faute d'avoir reçu les pièces demandées par cette mise demeure, le ministre de l'intérieur a décidé, par sa décision du 18 septembre 2019, de classer sans suite la demande de naturalisation de Mme C... sur le fondement de l'article 40 du décret n° 83-1362 du 30 décembre 1993.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est prévalue, dans sa demande de naturalisation, de la nationalité française de son conjoint. Dans ces conditions, il était nécessaire pour le ministre de l'intérieur, dans le cadre de l'examen de l'opportunité d'accéder à la demande de naturalisation présentée par l'intéressée, et pour apprécier, notamment, la stabilité de sa résidence en France, de s'assurer de la réalité de la nationalité française de son époux. Par ailleurs, s'agissant des enfants mineurs, nés en France, de Mme C..., d'un père dont la nationalité française était alléguée, il appartenait au ministre de s'assurer de leur nationalité, conformément aux dispositions précitées de l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993 susvisé, dans la perspective de la mise en œuvre de l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité française, prévue par l'article 22-1 du code civil.

6. D'autre part, le ministre de l'intérieur soutient, sans être contesté, que la preuve de la nationalité française de l'époux de Mme C... n'était pas rapportée par les éléments fournis par l'intéressée à l'appui de sa demande de naturalisation, consistant en la copie de la première page d'un passeport périmé depuis plusieurs années, alors qu'il résultait des vérifications effectuées auprès des services compétents que l'époux, né à l'étranger, de Mme C... n'avait fait l'objet ni d'une décision d'acquisition de la nationalité française ni d'une décision judiciaire lui reconnaissant la qualité de français et qu'il ne disposait pas d'un acte de naissance mentionnant sa qualité de français, détenu par le service central d'état civil du ministère chargé des affaires étrangères. Dans ces conditions, les documents demandés à Mme C..., qui étaient, conformément à l'article 40 du code civil, de nature à justifier de la nationalité française des intéressés, étaient nécessaires à l'examen de la demande de naturalisation présentée par Mme C....

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la décision du 18 septembre 2019 du ministre de l'intérieur, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le motif tiré de ce que le ministre de l'intérieur avait fait une inexacte application des dispositions des articles 37-1 et 40 du décret du 30 décembre 1993 susvisé, faute que les pièces demandées aient été nécessaires à l'examen de la demande de naturalisation de Mme C....

8. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif et devant la cour.

9. En premier lieu, la décision du 18 septembre 2019 indique les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas motivée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision du 18 septembre 2019 que l'administration a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.

11. En troisième et dernier lieu, la décision du 18 septembre 2019 classe sans suite la demande de naturalisation présentée par Mme C.... Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle remplirait les conditions pour être naturalisée doit être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 18 septembre 2019 classant sans suite, la demande de naturalisation présentée par Mme C..., lui a enjoint de reprendre l'instruction de cette demande et a mis à la charge de l'Etat le versement des frais de procès.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... C..., épouse A....

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01707
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ROQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;22nt01707 ?
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