La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°22NT03836

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 04 juin 2024, 22NT03836


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Dans une première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes sous le n° 2102714, et dans le dernier état de ses écritures, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la société Las Perlas un permis de construire un immeuble de douze logements sur un terrain situé rue des Vieilles Ursulines, l'arrêté du 10 décembre 2020 portant permis de construire modificatif a

insi que l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la mêm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Dans une première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes sous le n° 2102714, et dans le dernier état de ses écritures, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la société Las Perlas un permis de construire un immeuble de douze logements sur un terrain situé rue des Vieilles Ursulines, l'arrêté du 10 décembre 2020 portant permis de construire modificatif ainsi que l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la même société un nouveau permis de construire pour un immeuble de douze logements collectifs sur le même terrain.

Dans une seconde instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes sous le n° 2105685, M. A... B... a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la société Las Perlas un nouveau permis de construire un immeuble de douze logements sur un terrain situé rue des Vieilles Ursulines.

Par un jugement nos 2102714, 2105685 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes :

- a rejeté la demande de M. B... présentée sous le n° 2105685 en son article 1er ;

- a constaté un non-lieu à statuer sur la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés portant permis de construire des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, en son article 2 ;

- a annulé l'arrêté du maire de Saint-Pol-de-Léon du 18 mai 2021 dans le cadre de l'instance n° 2102714 en tant, d'une part, qu'il ne prévoit pas de dispositif de stockage ou d'infiltration de nature à réguler le débit d'occurrence décennale généré par la parcelle d'origine, d'autre part, qu'il prévoit un retrait de la construction projetée par rapport aux voies et places publiques qui bordent le terrain d'assiette à l'ouest, au nord et à l'est supérieur à cinq mètres, et, enfin, qu'il autorise la réalisation d'une clôture végétalisée, en son article 3 ;

- a indiqué, en son article 4, que la société Las Perlas pourra demander la régularisation de cette autorisation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

- a mis à la charge de la commune de Saint-Pol-de-Léon une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en son article 5 ;

- a rejeté le surplus des demandes de M. B..., en son article 6.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2022 et 2 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) d'annuler les arrêtés des 26 novembre 2019, 10 décembre 2020, 18 mai 2021 et 5 avril 2023 du maire de Saint-Pol-de-Léon, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre les deux premiers arrêtés ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la commune de Saint-Pol-de-Léon ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pol-de-Léon la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel incident de la commune sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;

- un non-lieu à statuer a été constaté à tort par le jugement ; l'arrêté du 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon s'analyse comme un permis modifiant le permis initial délivré le

26 novembre 2019 eu égard aux faibles modifications apportées au projet, avec une volonté de fraude ; le dépôt le 18 mars 2021 d'une nouvelle demande de permis s'analyse comme une demande de retrait de la décision de retrait du 16 mars 2021 ; subsidiairement, sa première instance engagée devant le tribunal était dirigée contre les arrêtés des 26 novembre 2019, 10 décembre 2020 et 16 mars 2021 ;

- sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 n'était pas tardive eu égard à ses conditions d'affichage et aux conditions dans lesquelles le retrait qui l'a précédé est intervenu ;

- les arrêtés des 26 novembre 2019, 10 décembre 2020 et 18 mai 2021 sont illégaux :

les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme sont méconnues par les arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 ;

les dispositions des articles R. 431-8 et 10 du code de l'urbanisme sont méconnues par l'arrêté du 18 mai 2021 ;

les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme sont méconnues ;

les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme sont méconnues en l'absence de décision de déclassement préalable ;

les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont méconnues eu égard à l'atteinte à la sécurité publique ;

les dispositions suivantes du règlement du plan local d'urbanisme sont méconnues :

l'article U1 eu égard au risque pour la sécurité des piétons et automobilistes ; des garages ne pouvaient être autorisés ;

l'article U3 eu égard au risque pour la sécurité des piétions ;

l'article U5 faute de respecter la règle d'implantation en limite des voies et places ;

l'article U10 dès lors que le projet ne s'intègre pas à son environnement et au motif de l'atteinte aux règles régissant les toitures ;

l'article U 11 eu égard à la création d'accès individuels à la voirie alors qu'il n'est pas justifié d'un accord des services de voirie ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rennes tenant à la méconnaissance de l'article U 4 du plan local d'urbanisme est fondé, faute de dispositif de stockage ou d'infiltration ;

- l'arrêté du 5 avril 2023 méconnait :

l'article U 10 du règlement plan local d'urbanisme s'agissant des clôtures ;

l'article U 11 du règlement du plan local d'urbanisme, faute pour les garages et certains stationnement de prévoir l'aménagement d'une cour intérieur de circulation d'évolution des véhicules.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 avril 2023, 1er juin 2023 et 19 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-Pol-de-Léon, représentée par Me Gourvennec et Me Riou, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a jugé que les conclusions présentées par M. B... dans l'instance n° 2102714 devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 18 mai 2021 ;

3°) de prononcer un non-lieu à statuer dans l'instance n° 2102714 devant le tribunal ;

4°) de rejeter les demandes de M. B... dans l'instance n° 2105685 ;

5 °) en tout état de cause, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- le tribunal ne pouvait regarder les conclusions présentées par M. B... contre le permis de construire initial de 2019 comme dirigées contre le nouveau permis de construire du 18 mai 2021 ; le permis de construire initial avait été retiré avant même l'introduction de sa demande du 28 mai 2021 et cette demande était irrecevable ; le nouveau permis a fait l'objet d'un affichage régulier sur le terrain dès le 21 mai 2021 ;

- le permis de construire initial respectait les dispositions de l'article U 4 du plan local d'urbanisme, eu égard à l'existence prévue d'un branchement d'eaux pluviales et de l'imperméabilisation préalable du terrain d'assiette ;

- le permis de construire initial respectait les dispositions de l'article U 5 du plan local d'urbanisme, s'agissant d'un projet d'ensemble relevant des règles dérogatoires prévues au plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire initial respectait les dispositions de l'article U 10 du plan local d'urbanisme dès lors que le projet est clos de murs en pierres ou murets en pierres surmontés d'une grille en acier ;

- en tant que de besoin, il pourra être fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 5 avril 2023 du maire de la commune de Saint-Pol-de-Léon régularise les vices ayant fondé l'annulation partielle décidée par le tribunal administratif de Rennes.

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2023, la société Las Perlas, représentée par Me Bazire, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a jugé que les conclusions présentées par M. B... dans l'instance n° 2102714 devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 18 mai 2021 ;

3°) de rejeter comme irrecevables les demandes de première instance de M. B... ;

4°) de faire application, en tant que de besoin, des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de justice administrative ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de M. B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait regarder les conclusions présentées par M. B... contre le permis de construire initial de 2019 comme dirigées contre le nouveau permis de construire du 18 mai 2021 ; le permis de construire initial avait été retiré avant même l'introduction de sa requête du 28 mai 2021 et cette demande était irrecevable ; le nouveau permis a fait l'objet d'un affichage régulier sur le terrain ; les deux demandes de M. B... était donc irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Hipeau, substituant Me Le Derf-Daniel, représentant M. B..., de Me Riou, représentant la commune de Saint-Pol-de-Léon et de Me Bazire, représentant la société Las Perlas.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 novembre 2019 le maire de Saint-Pol-de-Léon (Finistère) a accordé à la société Las Perlas un permis de construire un immeuble de douze logements collectifs d'une surface de plancher totale de 854 m² sur les parcelles désormais cadastrées section AM nos 705 et 706, situées rue des Vieilles Ursulines. Par un arrêté du 10 décembre 2020, un permis de construire modificatif a été délivré à la même société. Par un courrier du 9 février 2021, M. B... a présenté un recours gracieux à l'encontre de ces arrêtés. Par un arrêté du 16 mars 2021, le maire de Saint-Pol-de-Léon a retiré ses arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020. Puis, par un arrêté du 18 mai 2021, il a délivré à la société La Perlas un nouveau permis de construire un immeuble de douze logements collectifs sur le même terrain. Par un arrêté du 5 avril 2023 le maire a accordé un permis de construire modificatif à cette société.

2. Dans une première instance enregistrée au tribunal administratif de Rennes le

28 mai 2021 sous le n° 2102714, M. B... a demandé l'annulation des arrêtés des 26 novembre 2019, 10 décembre 2020 et 18 mai 2021, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Dans une seconde instance enregistrée sous le n° 2105685, il a demandé l'annulation du seul arrêté du 18 mai 2021. Par un jugement du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a constaté un non-lieu à statuer sur la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, a annulé l'arrêté du maire de Saint-Pol-de-Léon du 18 mai 2021 en tant qu'il ne prévoit pas de dispositif de stockage ou d'infiltration de nature à réguler le débit d'occurrence décennale généré par la parcelle d'origine, qu'il prévoit un retrait de la construction projetée par rapport aux voies et places publiques qui bordent le terrain d'assiette à l'ouest, au nord et à l'est supérieur à cinq mètres, et qu'il autorise la réalisation d'une clôture végétalisée. Il a également mis à la charge de la commune de Saint-Pol-de-Léon une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. B..., dont sa seconde instance enregistrée sous le n° 2105685 pour irrecevabilité en raison de sa tardiveté.

3. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes d'annulation totale des arrêtés des 26 novembre 2019, 10 décembre 2020 et 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon, ainsi que de la décision rejetant son recours gracieux. Il demande également l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2023 du maire de Saint-Pol-de-Léon accordant un permis de construire modificatif à la société Las Perlas. Par des conclusions d'appel incident, la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Las Perlas demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 18 mai 2021.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... aux conclusions d'appel incident de la commune de Saint-Pol-de-Léon et de la société Les Perlas :

4. Par des conclusions d'appel incident, la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Las Perlas demandent à la cour l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon. La circonstance que ces conclusions ont été présentées après le délai d'appel est l'une des conditions mêmes de l'identification de telles conclusions d'appel incident. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée, pour ce motif, par M. B... doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution.

6. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 16 mars 2021, le maire de Saint-Pol-de-Léon a retiré ses arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 accordant à la société Les Perlas un premier permis de construire. Dans ces conditions, alors même que le second permis de construire accordé à cette société le 18 mai 2021 porte sur un projet immobilier aux caractéristiques équivalentes, ce permis ne saurait être regardé comme un permis modificatif des arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020, lesquels avaient disparu de l'ordonnancement juridique à cette date du fait de leur retrait. Cet arrêté du 18 mai 2021 ne peut davantage être regardé comme une décision de retrait de l'arrêté de retrait du 16 mars 2021, alors que la pétitionnaire a clairement entendu soumettre à la commune un nouveau projet juridiquement sans lien avec les autorisations antérieures dont elle a préalablement demandé et obtenu le retrait. Il ne résulte par ailleurs pas des pièces du dossier que cette situation qui a pour objet de rectifier un vice de légalité entachant la première autorisation résulterait d'une démarche frauduleuse de la société pétitionnaire ou de la commune.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'en atteste le maire de Saint-Pol-de-Léon, son arrêté de retrait du 16 mars 2021 a été affiché en mairie du 18 mars au 19 juin 2021 et transmis en préfecture le 22 mars 2021. Cette décision, non contestée, avait donc acquis un caractère définitif à la date à laquelle le tribunal administratif de Rennes a constaté un non-lieu à statuer sur la demande présentée par M. B... le 9 novembre 2021 sous le n° 2102714 tendant à l'annulation des arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 du maire de Saint-Pol-de-Léon. Par suite, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif de Rennes a constaté, à l'article 2 du jugement attaqué, un non-lieu à statuer sur cette demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés portant permis de construire du 26 novembre 2019 et modificatif du 10 décembre 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

8. En second lieu, M. B... soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a rejeté comme irrecevable sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 présentée dans l'instance enregistrée le 9 novembre 2021 au tribunal administratif de Rennes au motif de sa tardiveté. Il ressort des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier produit, que l'autorisation accordée le 18 mai 2021 a fait l'objet d'un affichage régulier sur le terrain à compter à tout le moins du 21 mai 2021, et durant la totalité de la période requise par la réglementation et dans les conditions imparties par cette même réglementation en vigueur. La circonstance que la société a procédé à l'affichage de ce permis à côté de celui concernant l'autorisation du 26 novembre 2019 modifiée, sur un panneau aux caractéristiques préremplies identiques, n'a pu être de nature à induire en erreur toute personne normalement avertie, comme M. B..., qui n'a pu que constater l'ajout d'un second panneau d'affichage totalement lisible depuis la voie publique. Cette modalité d'affichage permettait également de lever toute ambiguïté qui aurait pu naitre d'une substitution d'un affichage à l'autre sur un panneau aux caractéristiques similaires. Enfin il ne résulte ni de ces conditions d'affichage, ni des autres pièces du dossier, l'existence d'un comportement frauduleux de la société Las Perlas. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué, en son article 1er, a rejeté pour tardiveté sa demande enregistrée le 9 novembre 2021 sous le n° 2105685 au greffe du tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'annulation partielle de l'arrêté du 18 mai 2021 par le jugement attaqué :

9. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

10. Il résulte d'une part des pièces de la procédure que le 28 mai 2021, date à laquelle a été enregistrée au tribunal administratif de Rennes la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés des 26 novembre 2019 et 10 décembre 2020 du maire de Saint-Pol-de-Léon accordant à la société Las Perlas un premier permis de construire, ces décisions avaient déjà été retirées par un arrêté de ce maire du 16 mars 2021, lequel a été affiché en mairie du 18 mars au 19 juin 2021 et transmis en préfecture le 22 mars 2021. La circonstance que M. B... n'aurait pas eu connaissance de la décision de retrait, qui n'avait pas à lui être notifiée, est à cet égard sans incidence. Dans ces conditions, les principes rappelés au point 9 ne trouvaient pas à s'appliquer.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la seconde autorisation accordée le 18 mai 2021 à la société Las Perlas par le maire de Saint-Pol-de-Léon a fait l'objet d'un affichage régulier dans les conditions exposées au point 8, n'établissant pas un comportement frauduleux de la société Las Perlas.

12. Dans ces conditions, eu égard à l'affichage sur le terrain de l'arrêté du 18 mai 2021, M. B... était tardif à demander l'annulation de cet arrêté par un mémoire enregistré dans l'instance n° 2102714 le 22 octobre 2021.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Les Perlas sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon présentée par M. B... dans l'instance enregistrée au tribunal sous le n° 2102714.

En ce qui concerne les demandes de M. B... :

14. Pour les motifs exposés aux points 8 et 10 à 13, les conclusions présentées par M. B... dans les deux instances enregistrées au tribunal administratif de Rennes et tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 sont tardives et donc irrecevables. Par suite, ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation totale de l'arrêté du 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon doivent être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Las Perlas sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 du maire de Saint-Pol-de-Léon présentée par M. B... dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 2102714 au greffe du tribunal administratif de Rennes. M. B... n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a constaté un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 26 novembre 2019 et du 10 décembre 2020 du maire de Saint-Pol-de-Léon et de la décision implicite rejetant son recours gracieux et a rejeté pour irrecevabilité sa demande enregistrée sous le n° 2105685 tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 du même maire.

Sur la demande d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2023 du maire de Saint-Pol-de-Léon accordant à la société Les Perlas un permis de construire modificatif :

16. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

17. Il résulte de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme que les parties à une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue sont recevables à contester la légalité d'un permis modificatif, d'une décision modificative ou d'une mesure de régularisation intervenue au cours de cette instance, lorsqu'elle leur a été communiquée, tant que le juge n'a pas statué au fond, sans condition de forme ni de délai.

18. En premier lieu, aux termes de l'article U 10 du plan local d'urbanisme de Saint-Pol-de-Léon: " (...) Dans le secteur UA, seront uniquement admis : / - Les murs maçonnés en pierre ou les murs en pierre sèche n'excédant pas 2,00 mètres de hauteur maximum, / - Les murets maçonnés en pierre d'une hauteur de 0,80 mètre surmontés d'une grille en acier peinte, le tout ne devant pas dépasser 2,00 mètres de hauteur. / (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire modificatif contesté que celui-ci prévoit majoritairement, en partie ouest, le long d'un jardin public, la pose d'une clôture grillagée en panneaux semi-rigides. Or les dispositions précitées interdisent la pose d'une telle clôture, qui ne peut être assimilée à un mur en pierre surmonté d'une grille en acier. Par ailleurs, alors que ces mêmes dispositions imposent la réalisation soit de murs maçonnés en pierres soit de murs de pierres sèches, l'autorisation contestée permet, sur cette même partie ouest, la réalisation ponctuelle d'un " muret habillage pierre ", qui ne peut être assimilé, ni à un mur maçonné, ni à un mur de pierres sèches. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté du 5 avril 2023 du maire de Saint-Pol-de-Léon méconnait, dans cette mesure, le plan local d'urbanisme communal.

20. En second lieu, aux termes de l'article U 11 du plan local d'urbanisme communal relatif à l'obligation de réaliser des aires de stationnement : " (...) 3. Les groupes de garages et aires de stationnement doivent être disposés dans les parcelles de façon à aménager une cour d'évolution à l'intérieur des dites parcelles et ne présenter qu'un seul accès sur la voie publique, sauf accord des services compétents en matière de circulation et de stationnement. (...) ".

21. Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant des stationnements, le permis de construire contesté autorise une modification de la disposition de places de stationnement aérien afin de permettre un stationnement des véhicules non plus en bataille, mais parallèle à la voie publique. Cette modification est sans incidence sur la légalité de la décision contestée au regard des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que le permis modificatif attaqué du 5 avril 2023, en tant qu'il autorise une clôture grillagée et " un muret habillage pierre " en façade ouest de la construction, le long d'un jardin public, en méconnaissance de l'article U 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pol-de-Léon est entaché d'illégalité.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " (...), le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...) ".

24. Le vice mentionné au point 19, tiré de ce que le permis de construire modificatif délivré le 5 avril 2023 méconnait les règles du plan local d'urbanisme régissant les clôtures en partie ouest du projet, est relatif à des parties identifiables du projet et est susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif. Il y a lieu en conséquence d'annuler, dans cette seule mesure, cet arrêté par lequel le maire de Saint-Pol-de-Léon a délivré à la société Las Perlas un permis de construire modificatif.

Sur les frais d'instance :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas de faire droit aux conclusions présentées tant par la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Las Perlas que par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 3 du jugement nos 2102714, 2105685 du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 5 avril 2023 du maire de Saint-Pol-de-Léon accordant à la société Las Perlas un permis de construire modificatif est annulé en tant qu'il méconnait, sur la partie ouest du projet et s'agissant des clôtures, les dispositions de l'article U 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Pol-de-Léon.

Article 3 : La demande présentée par M. B... dans l'instance n° 2102714 devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Pol-de-Léon du

18 mai 2021 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Pol-de-Léon et la société Las Perlas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Saint-Pol-de-Léon et à la société Las Perlas.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03836
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;22nt03836 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award