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28/05/2024 | FRANCE | N°23NT02580

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 23NT02580


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme D..., son épouse.



Par un jugement n° 2009609 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la

charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. A..., en application des disposition...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2020 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme D..., son épouse.

Par un jugement n° 2009609 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2023, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision du 23 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de cette décision.

Il soutient que le motif tiré de l'irrégularité du séjour de l'épouse de M. A... suffit légalement à justifier la légalité de la décision rejetant la demande de regroupement familial.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Madrid, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens présentés par le préfet de la Sarthe dans sa requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 12 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quillévéré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, né le 15 juin 1970, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 15 septembre 2023, a sollicité le regroupement familial au profit de Mme D..., son épouse, depuis le 15 septembre 2018, le 20 décembre 2018. Le préfet de la Sarthe a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 14 mai 2019. L'intéressé a formé une nouvelle demande le 17 février 2020. Par une décision du 23 juillet 2020, le préfet a rejeté cette demande au motif que sa compagne réside irrégulièrement en France. Par un jugement du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Le préfet relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. S'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 17 août 2023, le préfet de la Sarthe a notifié à M. A... une nouvelle décision de refus de regroupement familial qui a fait l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif de Nantes, cette circonstance ne prive pas d'objet la requête visée ci-dessus du préfet de la Sarthe présentée devant la cour tendant à l'annulation du jugement du 22 juin 2023 qui a annulé la décision du 23 juillet 2020. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. A... doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code dans cette même version : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ". Aux termes de l'article L. 411-6 dudit code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence illégale sur le territoire français de membres de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Pour refuser d'accorder le bénéfice du regroupement familial, le préfet de la Sarthe a fait état de ce qu'il ne pouvait donner une suite favorable à la demande dès lors que l'épouse de M. C... A... réside irrégulièrement en France.

6. Il n'est pas contesté que Mme D..., épouse de M. C... A..., réside irrégulièrement en France depuis le 8 septembre 2015. Dès lors, en application des dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le préfet de la Sarthe pouvait légalement refuser à M. A... le bénéfice du regroupement familial pour son épouse. Il suit de là que le préfet de la Sarthe en retenant dans sa décision le motif tiré du séjour irrégulier de Mme D..., sans autre précision ni élément circonstancié tenant à sa situation familiale, n'a pas méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation et ne s'est pas regardé comme étant en situation de compétence liée pour rejeter la demande dont il était saisi. Par suite, le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, pour annuler la décision litigieuse, estimé qu'il avait méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation et entaché cette décision d'une erreur de droit.

7. Il appartient à la cour saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer immédiatement sur les autres moyens de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les autres moyens de la demande présentée par M. A... :

8. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. B... Baron, secrétaire général de la préfecture, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature du préfet de la Sarthe en date du 22 mars 2019, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit donc être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour énonce, avec une précision suffisante, les dispositions légales qui la fondent, en particulier celles du 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne aussi les circonstances de fait déterminantes qui sont propres à la situation personnelle de M. A... et à celle de son épouse. Ainsi, et alors que le préfet de la Sarthe n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. A..., cette décision satisfait à l'obligation de motivation qui incombe à l'administration, en vertu de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour doit être écarté.

10. En dernier lieu, pour les raisons exposées au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté alors qu'au demeurant l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... dès lors qu'il n'a pas pour effet de le séparer durablement de son épouse, M. A... pouvant d'ailleurs présenter une nouvelle demande de regroupement familial

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 23 juillet 2020 refusant d'accorder à M A... l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait, enjoint au préfet de la Sarthe de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. A.... Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M A... devant la cour et relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2009609 du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉ

Le président-assesseur,

J. E. GEFFRAY

Le président-assesseur,

GV. VERGNE

La greffière,

H. DAOUD

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT025802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02580
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP MADRID-CABEZO MADRID-FOUSSEREAU MADRID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nt02580 ?
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