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28/05/2024 | FRANCE | N°22NT03681

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22NT03681


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du centre régional des œuvres scolaires et universitaires (CROUS) de Rennes du 7 juillet 2020, celle du centre national des œuvres scolaires et universitaires (CNOUS) du 8 octobre 2020, celles du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation des 29 septembre 2020, 28 octobre 2020 et 15 mars 2021, et les décisions implicites intervenues les 19 et 20 mars 2021, qui refusent

de lui verser une allocation de bourse sur critères sociaux au titre d'une onzièm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du centre régional des œuvres scolaires et universitaires (CROUS) de Rennes du 7 juillet 2020, celle du centre national des œuvres scolaires et universitaires (CNOUS) du 8 octobre 2020, celles du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation des 29 septembre 2020, 28 octobre 2020 et 15 mars 2021, et les décisions implicites intervenues les 19 et 20 mars 2021, qui refusent de lui verser une allocation de bourse sur critères sociaux au titre d'une onzième mensualité.

Par un jugement n° 2004342 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2022 et 20 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Riou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le refus contesté de versement d'une onzième mensualité de bourse sur critères sociaux ;

3°) d'enjoindre au rectorat de Rennes de procéder à ce versement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que, d'une part, ses points 1 2 et 13 ne sont pas suffisamment motivés et, d'autre part, il ne répond pas à son moyen tiré du défaut de base légale ;

- les décisions contestées ont été prises par des autorités incompétentes et ne sont pas suffisamment motivées, méconnaissent l'arrêté ministériel du 23 juin 2020 et les circulaires des 17 et 19 juin 2020, manquent de base légale, sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et portent au principe de l'égalité de traitement entre les étudiants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2022.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le message du centre régional des œuvres scolaires et universitaires de Rennes du 7 juillet 2020, la lettre du chef de cabinet du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 septembre 2020, la décision du même ministre du 15 mars 2021 et les décisions implicites de refus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 23 juin 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., étudiant en Master 1 " Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation " à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation à Brest, composante de l'Université de Bretagne Occidentale, au cours de l'année universitaire 2019-2020, a bénéficié d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux à l'échelon 6, soit un montant annuel total de 4 831 euros, réparti sur dix mois. Compte tenu du confinement dû au COVID-19 d'avril à juin 2020, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a pris un arrêté du 23 juin 2020 modifiant l'arrêté du 15 juillet 2019 portant sur les taux des bourses permettant le versement d'une onzième mensualité de bourse sur critères sociaux dès lors qu'il a reporté les examens et concours au-delà du 30 juin 2020. M. B..., qui n'a pas bénéficié d'un tel versement, a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du centre régional des œuvres scolaires et universitaires (CROUS) de Rennes du 7 juillet 2020, celle du centre national des œuvres scolaires et universitaires (CNOUS) du 8 octobre 2020, celles du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation des 29 septembre 2020, 28 octobre 2020 et 15 mars 2021, et les décisions implicites de refus. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen soulevé devant lui par M. B... et qui n'était pas inopérant, tiré du défaut de base légale des décisions en litige. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, M. B... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le message du centre régional des œuvres scolaires et universitaires de Rennes du 7 juillet 2020, la lettre du chef de cabinet du ministre du 29 septembre 2020 et la lettre du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 15 mars 2021 et les décisions implicites de refus :

4. En premier lieu, le message du centre régional des œuvres scolaires et universitaires de Rennes du 7 juillet 2020 par lequel M. B... a été informé de ce que, d'une part, il n'a aucune démarche à effectuer pour éventuellement bénéficier du versement d'un onzième mois de mensualité et, d'autre part, le ministère doit informer les établissements concernés pour établir une liste des bénéficiaires ne fait pas grief. M. B... est donc irrecevable à le contester.

5. En deuxième lieu, la lettre du chef de cabinet du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 29 septembre 2020, qui a informé M. B... que son courriel a été communiqué à la présidente du centre national des œuvres scolaires et universitaires ne fait pas davantage grief. Dès lors, M. B... n'est pas recevable à la contester.

6. Enfin, la décision du ministre du 15 mars 2021 et les décisions implicites de refus sont des décisions confirmatives du refus litigieux. Dès lors, M. B... est également irrecevable à les contester.

Sur la légalité des autres décisions portant refus de versement d'une onzième mensualité de bourse sur critères sociaux :

7. Aux termes de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des œuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1 (...). Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales. (...) ". Aux termes de l'article D. 821-1 du même code : " Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides aux mérites sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Si l'étudiant ne remplit pas les conditions générales de scolarité et d'assiduité auxquelles est subordonné son droit à la bourse, il est tenu au reversement des sommes indûment perçues. ". En application de l'article R. 821-2 de ce code, les bourses et les aides mentionnées à l'article précité sont attribuées aux étudiants par le recteur de région académique.

8. En premier lieu, les dispositions précitées des articles D. 821-1 et D. 821-2 du code de l'éducation donnent compétence, d'une part, au ministre chargé de l'enseignement supérieur pour fixer les modalités d'attribution et de versement des bourses d'enseignement sur critères sociaux et, d'autre part, au recteur d'académie pour décider des attributions de ces bourses. Il appartient, cependant, au CROUS de procéder, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 821-1 du code de l'éducation, à l'instruction des demandes de bourses et à la vérification du respect de leurs conditions de versement.

9. En l'espèce, M. B..., qui a sollicité à plusieurs reprises auprès des services du CROUS de Rennes des informations sur le fait qu'il n'avait pas bénéficié du versement d'une onzième mensualité de bourse au titre du mois de juillet 2020, ne saurait sérieusement soutenir que ce service, chargé de l'instruction et du suivi des versements des bourses d'enseignement supérieur, n'avait aucune compétence pour répondre à sa demande. Au demeurant, le courriel du 8 octobre 2020, émis par les services du CROUS de Rennes, se borne à informer l'intéressé de la décision prise par le recteur de l'académie de Rennes le concernant, en précisant d'ailleurs que le recteur est l'autorité compétente dans l'éventualité d'un recours. M. B... ne saurait davantage soutenir que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'était pas l'autorité compétente pour répondre au recours hiérarchique qu'il a entendu former contre la décision du recteur de l'académie de Rennes refusant de lui allouer une onzième mensualité de bourse. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses ont été prises par des autorités incompétentes doit être rejeté.

10. En deuxième lieu, la décision du CNOUS qui résulte d'un courriel adressé le 8 octobre 2020 au requérant est suffisamment motivée dans la mesure où elle est fondée sur l'absence de son nom sur la liste des étudiants éligibles au versement de la onzième mensualité après vérification. La motivation de la décision du ministre du 28 octobre 2020, qui précise que le versement d'une mensualité supplémentaire d'une bourse est exclu en cas de report de dates de concours d'entrée dans la fonction publique, est également suffisante.

11. En troisième lieu, par un arrêté du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 23 juin 2020 modifiant l'arrêté du 15 juillet 2019 portant sur les taux des bourses, il a été inséré les dispositions suivantes : " Art. 1-1. - Pour les étudiants percevant une bourse sur critères sociaux sur dix mois et qui seraient bénéficiaires d'une mensualité complémentaire de la bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre du mois de juillet 2020, au même échelon, en raison du report au-delà du 30 juin 2020 de leurs examens terminaux ou concours à la suite de l'épidémie de covid-19, les taux des bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour l'année universitaire 2019-2020 sont fixés ainsi qu'il suit (...) ", l'échelon 6 de la bourse sur critères sociaux étant porté à 5 314 euros pour onze mois.

12. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du versement de la mensualité d'une bourse au titre d'un onzième mois n'est applicable qu'en cas de report de la date d'un examen universitaire ou d'un concours universitaire au-delà du 30 juin 2020 dès lors que l'examen ou le concours permet à un étudiant de poursuivre son parcours universitaire.

13. Il est constant que l'octroi d'une onzième mensualité de bourse à M. B..., au titre du mois de juillet 2020, lui a été refusé au motif que les examens terminaux organisés au titre de la formation de Master 1 " Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation " dans lequel il était inscrit et pour laquelle une bourse d'enseignement supérieur lui a été accordée au titre de l'année universitaire 2019-2020 n'ont pas été reportés au-delà du 30 juin 2020. De plus, M. B... a également décidé de présenter le concours du CAPES (certificat d'aptitude professionnelle à l'enseignement secondaire) - CAFEP (certificat d'aptitude aux fonctions de l'enseignement privé), permettant l'accès à la fonction publique, dont les épreuves initialement programmées les 30 et 31 mars 2020 ont été reportées aux 6 et 7 juillet 2020. Toutefois, ce concours, dont l'objet est l'entrée dans la fonction publique, est de nature professionnelle et non universitaire. Dès lors, l'administration universitaire n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées compte tenu de ce qui a été dit au point 11.

14. En quatrième lieu, M. B... se prévaut de la circulaire du 19 juin 2020, publiée au bulletin officiel n°26 du 25 juin 2020 selon laquelle " L'étudiant bénéficiaire d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2019-2020 dont les concours ou les examens terminaux, à l'exception de ceux portant sur la validation d'une unité d'enseignement de professionnalisation (ou équivalent), ont fait l'objet d'un report au-delà du 30 juin 2020 à la suite de l'épidémie de Covid-19 perçoit une mensualité complémentaire de la bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux de l'année 2019-2020 au titre du mois de juillet 2020, au même échelon. / La mensualité complémentaire du mois de juillet 2020 ne fait pas l'objet d'une demande particulière de l'étudiant. Pour identifier les étudiants éligibles à cette mensualité complémentaire, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation saisit, le cas échéant, les établissements concernés. / La décision définitive d'attribution ou de non-attribution de la mensualité complémentaire au titre du mois de juillet 2020 est prise selon les cas par le recteur de région académique, le vice-recteur territorialement compétent ou, à Mayotte, le recteur d'académie, et notifiée à l'étudiant. / La mensualité complémentaire en cas de report des examens et concours ne peut pas être cumulée avec le paiement de la bourse pendant les grandes vacances universitaires. ". Compte tenu de ses termes, la circulaire n'ajoute rien à l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 23 juin 2020. Dès lors, M. B... ne peut pas s'en prévaloir utilement.

15. En cinquième lieu, M. B... ne peut pas davantage se prévaloir utilement de la circulaire du 17 juin 2020 qui mentionne seulement que les étudiants boursiers dont les concours ou examens terminaux ont été reportés au-delà du 30 juin 2020, hors session de rattrapage, du fait de la crise sanitaire, recevront une mensualité complémentaire de la bourse d'enseignement sur critères sociaux en juillet 2020 au même échelon.

16. En sixième lieu, M. B... n'apporte aucun élément précis à l'appui de son moyen tiré de ce que le refus de versement d'une onzième mensualité de bourse est dépourvu de base légale. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté comme irrecevable.

17. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de versement d'une onzième mensualité de bourse soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. Enfin, la différence de situation existant entre les étudiants, soit entre ceux qui se préparent à un examen ou un concours en vue de l'acquisition d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou de la poursuite de leurs études supérieures et ceux qui poursuivent, le cas échéant en parallèle, l'objectif d'une entrée dans la fonction publique moyennant leur participation à un concours de recrutement, repose sur un critère objectif et rationnel. Dès lors, le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement entre les étudiants doit être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant refus de versement d'une onzième mensualité de bourse sur critères sociaux. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre le versement et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004342 du tribunal administratif de Rennes du 4 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressé, pour information, au recteur de l'académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Vieville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAY

Le président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03681
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22nt03681 ?
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