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21/05/2024 | FRANCE | N°23NT03531

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 21 mai 2024, 23NT03531


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... B... et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre une décision du 28 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme E... H... et aux enfants F..., C... et A... un visa de long séjour au titre de la réunific

ation familiale.



Par un jugement n° 2301498 du 29 septembre 2023, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre une décision du 28 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme E... H... et aux enfants F..., C... et A... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2301498 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, ainsi que des pièces communiquées le 15 avril 2024, M. et Mme H..., représentés par Me Keravec, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 septembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise le 26 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les éléments de possession d'état produits attestent de leur identité et de leurs liens familiaux ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se serait réunie dans une composition régulière ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit car les erreurs sur leur nom de famille et leurs dates de naissance figurant sur leurs passeports sont imputables à l'administration afghane ;

- cette décision révèle un défaut d'examen de leur situation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 dès lors qu'il est de l'intérêt de leurs enfants de résider avec leur père et que les talibans interdisent la scolarisation des filles ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme H... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... B... H..., ressortissant afghan, bénéficie de la protection subsidiaire en France depuis le 21 septembre 2021. Le 15 mars 2022, il a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) un visa de long séjour au titre de la réunification pour Mme E... H... et les enfants F..., C... et A... H.... Sa demande a été rejetée le 28 juillet 2022. Lors de sa séance du 26 janvier 2023, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé cette décision des autorités consulaires françaises à Téhéran et rejeté sa demande. M. et Mme H... relèvent appel du jugement du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête tendant à l'annulation de cette décision, laquelle s'est substituée à la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France intervenue antérieurement à la date du 26 janvier 2023.

Sur le bien-fondé de la décision contestée :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Les requérants ont produit le 15 avril 2024, une copie des passeports délivrés par la république islamique d'Afghanistan, les 20 mars et 4 avril 2024, à Mme E... H... et à ses trois enfants, F..., D... et A... H.... Ces documents mentionnent les mêmes identités et dates de naissance que les " taskeras ", correspondant aux cartes d'identité afghanes, des intéressées et que le certificat de mariage de M. et Mme H... produits au dossier. Par suite, c'est à tort que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa présentée par M. H... au titre de la réunification familiale pour son épouse et leurs trois enfants au motif que leurs passeports et leurs actes d'état civil présentaient des divergences de nature à remettre en cause leur caractère probant.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation sur lequel le présent arrêt est fondé et alors que le ministre de l'intérieur n'invoque aucun autre motif d'ordre public, son exécution implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à Mme E... H... et à ses trois enfants, F..., D... et A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme globale de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301498 du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 26 janvier 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... H... et à ses enfants, F..., D... et A... un visa de long séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme H... la somme globale de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03531
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : KERAVEC

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23nt03531 ?
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