Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à la jeune D... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2206116 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 mars et 20 mai 2023, M. A... B..., agissant en qualité de représentant légal de l'enfant D... B..., représenté par Me Solanet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 janvier 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 24 mai 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
M. B... soutient que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 29 septembre 1968, a obtenu le bénéfice du regroupement familial au profit de sa fille alléguée, la jeune D... B..., née le 5 mai 2010, par une décision du préfet des Hauts-de-Seine du 13 septembre 2020. La demande de visa de long séjour déposée à ce titre a été rejetée par l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) le 5 novembre 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 24 mai 2022. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement de ce tribunal du 30 janvier 2023 rejetant sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Dakar, sur la circonstance que l'identité de la demanderesse de visa et, partant, son lien familial avec M. B... ne sont pas établis.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. D'autre part, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.
6. Pour justifier de l'identité de la demanderesse de visa, a été produite une copie littérale de l'acte de naissance n° 2343, dressé le 22 novembre 2010, faisant état de la naissance, le 5 mai 2010, de l'enfant D... B..., de M. A... B... et de Mme C.... Si cet acte ne fait pas mention de ce qu'il a été établi sur déclaration tardive de naissance, en méconnaissance des dispositions de l'article 51 du code de la famille sénégalais, toutefois, le requérant produit pour la première fois en appel, une ordonnance rendue le 16 janvier 2023 par le tribunal d'instance de Guédiawaye ordonnant à l'officier d'état civil de porter la mention " déclaration tardive " sur l'acte de naissance de l'enfant D... B..., ainsi qu'une copie littérale d'acte de naissance délivrée le 28 janvier 2023 et comportant cette mention. Ces éléments, postérieurs à la décision contestée, permettent toutefois d'attester de faits antérieurs à celle-ci et d'établir ainsi l'identité de la demanderesse de visa. Dans ces conditions, en estimant que l'identité de l'enfant D... B... et partant son lien familial avec M. B... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à la jeune D... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2206116 du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 24 mai 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour la jeune D... B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à la jeune D... B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00921