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14/05/2024 | FRANCE | N°22NT04019

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 14 mai 2024, 22NT04019


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme B... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 8 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de leur délivrer des visas de court séjour.



Par un jugement n° 2206295 du 17 octobre 2022, le tribuna

l administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 8 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de leur délivrer des visas de court séjour.

Par un jugement n° 2206295 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2022 et 17 janvier 2023, M. A... C... et Mme B... D... épouse C..., représentés par Me Roure, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 16 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas demandés, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de leurs ressources personnelles ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2206295 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 16 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de leur délivrer des visas de court séjour. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, la décision de la commission de recours contestée fait référence au règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas et aux articles L. 311-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, elle indique qu'elle est motivée par les considérations tirées, d'une part, de ce que M. et Mme C... ne justifient pas disposer de ressources suffisantes pour financer leur séjour en France et leur retour en Iran et, d'autre part, de ce qu'il existe un risque de détournement de l'objet des visas à des fins migratoires. Dans ces conditions, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, le respect par le demandeur des conditions d'entrée énoncées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e), du code frontières Schengen est vérifié et une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale ou du risque pour la sécurité des États membres que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. / (...). 3. Lorsqu'il contrôle si le demandeur remplit les conditions d'entrée, le consulat vérifie : / (...) /b) la justification de l'objet et des conditions du séjour envisagé fournie par le demandeur et si celui-ci dispose de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d'origine ou de résidence (...) / 5. L'appréciation des moyens de subsistance pour le séjour envisagé se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour, sur la base des montants de référence arrêtés par les États membres conformément à l'article 34, paragraphe 1, point c) du code frontières Schengen. Une preuve de prise en charge ou une attestation d'accueil peut aussi constituer une preuve que le demandeur dispose de moyens de subsistance suffisants. (...) ".

4. Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. Sans préjudice de l'article 25, paragraphe 1, le visa est refusé : / a) si le demandeur : / (...) ii) ne fournit pas de justification quant à l'objet et aux conditions du séjour envisagé, / iii) ne fournit pas la preuve qu'il dispose de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d'origine ou de résidence, (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables (...) sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

5. Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...) les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie (...) / 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour (...) L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. ".

6. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ". Aux termes de l'article R. 313-6 du même code : " L'attestation d'accueil prévue à l'article L. 313-2 pour les séjours à caractère familial ou privé est conforme à un modèle défini par arrêté du ministre chargé de l'immigration. Elle indique : (...) 8° L'engagement de l'hébergeant de subvenir aux frais de séjour de l'étranger. " Aux termes de l'article R. 313-9 du même code : " Le signataire de l'attestation d'accueil doit, pour en obtenir la validation par le maire, se présenter personnellement en mairie, muni d'un des documents mentionnés aux articles R. 313-7 et R. 313-8, d'un document attestant de sa qualité de propriétaire, de locataire ou d'occupant du logement dans lequel il se propose d'héberger le visiteur ainsi que de tout document permettant d'apprécier ses ressources et sa capacité d'héberger l'étranger accueilli dans un logement décent au sens des dispositions réglementaires en vigueur et dans des conditions normales d'occupation.".

7. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats de travail et des justificatifs de salaire produits, que Mme C... est employée comme enseignante par la ville de Gorgan et perçoit un salaire mensuel d'environ 500 euros et que M. C... dispose d'un permis d'adhésion à l'association syndicale des patrons de la profession de fonte des métaux et des métaux usés et exerce une activité d'achat et vente de métaux de fonte pour un revenu mensuel d'environ 2 500 euros. En outre, les relevés bancaires des intéressés présentent des soldes créditeurs de 196 700 euros s'agissant de Mme C... et de 43 600 euros s'agissant de M. C.... Dans ces conditions et quand bien même l'hébergeant en France n'aurait pas la capacité financière d'accueillir et de prendre en charge les intéressés, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... disposent de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins pendant la durée de leur séjour et pour garantir leur retour en Iran. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation en refusant la délivrance des visas demandés pour un motif tiré de l'insuffisance des ressources.

9. En troisième lieu, l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

10. Il ressort des pièces du dossier que les visas de court séjour ont été demandés pour des motifs professionnels, M. et Mme C... étant respectivement président et directeur général d'une société dont le siège social est en France et qui exerce une " activité de restaurant, bar, petite restauration rapide, vente à emporter, traiteur, exploitation en salon ou à domicile d'un salon de coiffure, barbier ainsi que tous soins esthétiques ou corporels, toutes activités d'entretien et de nettoyage de locaux professionnels, particuliers, privés ou publics et tous locaux en général, vente de tous produits se rapportant aux activités ci-dessus, lavage manuel et automatique ". La société a été créée le 25 novembre 2020 par un membre de la famille résidant en France et les parts sociales ont été cédées à titre gratuit le 23 décembre de la même année aux époux C.... Si les intéressés soutiennent qu'ils demandent des visas de court séjour afin de mettre en place l'activité de restauration de leur société, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... a obtenu de son employeur un congé d'une durée de six mois, du 22 décembre 2021 au 22 juin 2022 et qu'un visa de court séjour a également été sollicité pour leur fille unique, Maneli C..., âgée de 12 ans à la date de la décision contestée et scolarisée en Iran et ce, pour un séjour d'une durée d'un mois en dehors des périodes de vacances scolaires. Dans ces conditions, et alors même que les intéressés sont propriétaires de leur logement en Iran et qu'ils justifient tous les deux d'une activité professionnelle, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer les visas sollicités pour le motif tiré de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. Il résulte en outre de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT04019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04019
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : ROURE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;22nt04019 ?
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