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13/05/2024 | FRANCE | N°24NT00080

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 mai 2024, 24NT00080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Bulgarie.



Par un jugement n° 2318082 du 18 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024, M. B.

.., représenté par Me Roulleau, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Bulgarie.

Par un jugement n° 2318082 du 18 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Roulleau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 18 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 17 novembre 2023 portant transfert en Bulgarie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu le 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 6 octobre 1999, a sollicité l'asile, le 16 octobre 2023. Par un arrêté du 17 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il relève appel du jugement du 18 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du préfet de Maine-et-Loire :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

4. M. B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités bulgares, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, si M. B... produit des documents faisant état de violences policières, de " push-backs " et de lacunes dans les conditions d'accueil de demandeurs d'asile, cela ne permet pas d'en inférer que son renvoi vers la Bulgarie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à un défaut d'instruction de sa demande d'asile et à des traitements indignes en violation des règles du droit européen de l'asile. Les autres éléments présentés, en particulier un certificat médical relatif à son état psychologique au mois de janvier 2024, ne permettent pas d'établir que M. B... se trouvait, à la date de l'arrêté contesté, dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de la présence en France de son cousin, disposant d'une carte de résident et attestant être en capacité de le prendre en charge pendant l'examen de sa demande d'asile, cette personne n'est en tout état de cause pas un membre de sa famille au sens du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En outre, le seul fait qu'ils portent le même patronyme ne suffit pas à établir le lien familial allégué. Eu égard à son âge et à son arrivée récente sur le territoire français, l'arrêté contesté ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B.... Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du même règlement doivent être écartés.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Roulleau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00080
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;24nt00080 ?
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