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02/05/2024 | FRANCE | N°23NT00740

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 02 mai 2024, 23NT00740


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement n° 1902150 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 16 octobre 2023,

M. et Mme B..., représentés par Me Rivière-Pain, demanden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1902150 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 16 octobre 2023,

M. et Mme B..., représentés par Me Rivière-Pain, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant que le revenu global imposable est de 117 037 € pour 2014 et de 92 910 € pour 2015 ;

2°) de prononcer la décharge partielle des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 compte tenu de la prise en compte d'un revenu global imposable de 117 037 € au lieu du revenu rectifié de 158 597 € au titre de l'année 2014 et d'un revenu global imposable de 92 910 € au lieu du revenu rectifié de 131 530 € au titre de l'année 2015, ainsi qu'un déficit foncier reportable de 39 527 € au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le régime de la réduction d'impôt " Malraux " est optionnel et non exclusif par nature ; l'option peut ne porter que sur une partie des dépenses ;

- les exclusions prévues démontrent que, par principe, le dispositif " Malraux " n'est pas exclusif pour un même immeuble ;

- les dispositions légales ne font pas obstacle à ce que des charges engagées sur l'immeuble, objet de la restauration, bien qu'éligibles à la réduction d'impôt, puissent être déduites au titre des revenus fonciers ;

- le plafonnement de 100 000 euros n'est applicable que pour le calcul de la réduction d'impôt, qui est un régime dérogatoire sur option soumis à des conditions exorbitantes de droit commun ;

- l'exposé des motifs de l'adoption de la loi confirme les dispositions de l'article 199 tervicies du code général des impôts ;

- l'absence d'exclusion pour un même local est l'interprétation faite par l'administration lorsqu'elle ne se réfère pas à sa doctrine ;

- ils se prévalent d'une prise de position formelle de l'administration concernant la situation analogue d'un autre contribuable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre et 6 novembre 2023,

le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu , rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'acquisition le 31 décembre 2012 d'un bien constituant un ensemble immobilier situé dans un secteur sauvegardé de la ville de Nantes, pour lequel des travaux de restauration immobilière ont été engagés au cours des années 2012 à 2014. Ils ont déduit de leurs revenus fonciers, pour les années 2014 et 2015, des dépenses de réparation et d'entretien effectuées sur des parties extérieures du bien et ont, au titre des mêmes années et concomitamment, opté pour le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 tervicies du code général des impôts dite " loi Malraux ", pour des travaux de restauration des parties intérieures du même local. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, pour ces deux années, la déduction opérée sur les revenus fonciers des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que la réduction d'impôt " loi Malraux " dont ils ont bénéficié au titre des travaux de restauration immobilière de leur bien. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 27 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 199 tervicies du code général des impôts : " I. ' Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses qu'ils supportent en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti : / 1°-situé dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme (...) / II. ' Les dépenses mentionnées au I s'entendent des charges énumérées aux a, a bis, b, b bis, c et e du 1° du I de l'article 31, des frais d'adhésion à des associations foncières urbaines de restauration, ainsi que des dépenses de travaux imposés ou autorisés en application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux secteurs, quartiers, zones ou aires mentionnés respectivement aux 1°, 2°, 3° et 4° du I (...) / III. ' La réduction d'impôt est égale à 22 % du montant des dépenses mentionnées au II, retenues dans la limite annuelle de 100 000 €. / Ce taux est porté à 30 % lorsque les dépenses sont effectuées pour des immeubles situés dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme (...) / V. ' Un contribuable ne peut, pour un même local ou une même souscription de parts, bénéficier à la fois de l'une des réductions d'impôt prévues aux articles 199 decies E à 199 decies G, 199 decies I ou 199 undecies A et des dispositions du présent article. / Lorsque le contribuable bénéficie à raison des dépenses mentionnées au I de la réduction d'impôt prévue au présent article, les dépenses correspondantes ne peuvent faire l'objet d'aucune déduction pour la détermination des revenus fonciers. (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 199 tervicies du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de l'article 84 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 dont sont issues lesdites dispositions, que le législateur a entendu exclure de la déduction de droit commun l'ensemble des dépenses, quel que soit leur montant, entrant dans la catégorie de celles prises en compte pour la réduction d'impôt prévue par l'article 199 tervicies, et n'a autorisé la déduction selon le régime de droit commun des dépenses engagées dans le cadre d'une opération de restauration qu'à condition que celles-ci n'aient pas été éligibles, en raison de leur objet, pour le calcul de la réduction. Ainsi, dans la mesure où le contribuable entend dans sa déclaration de revenus se placer sous le régime de la " Loi Malraux " afin de bénéficier pour un immeuble de la réduction d'impôt, celle-ci trouve application sur l'ensemble des dépenses de travaux tant intérieurs qu'extérieurs qui ont permis la rénovation complète de ce bien.

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B..., d'une part, ont opté pour le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 tervicies du code général des impôts en ce qui concerne les travaux (partie intérieure) de restauration de leur bien au sein d'un ensemble immobilier situé dans un secteur sauvegardé de Nantes, d'un montant de 51 248 euros en 2014 et de 40 884 euros en 2015 et, d'autre part, ont entendu concomitamment se prévaloir, pour les mêmes années, s'agissant des dépenses de réparation et d'entretien engagés (pour la partie extérieure) pour le même bien d'un montant de 51 718 euros en 2014 et de

67 989 euros en 2015, du régime de droit commun de déduction au titre des revenus fonciers.

Les dépenses de réparation et d'entretien engagées pour la restauration des parties extérieures de l'ensemble immobilier en cause sont éligibles, en raison de leur objet, à la réduction d'impôt dite " Loi Malraux " au même titre que les dépenses de restauration portant sur les parties intérieures de cet ensemble immobilier pour lesquelles les requérants ont sollicité la réduction d'impôt.

Dès lors, dans la mesure où les époux B... ont entendu dans leurs déclarations de revenus se placer sous le régime de la " Loi Malraux " afin de bénéficier pour leur immeuble de la réduction d'impôt, celle-ci trouve application sur l'ensemble des dépenses de travaux tant intérieurs qu'extérieurs qui ont permis la rénovation complète de ce bien. Seuls les intérêts des emprunts tels que déclarés par les requérants pouvaient être admis en déduction des revenus fonciers dans les conditions prévues à l'article 31 du code général des impôts. Dès lors, M. et Mme B..., qui ont bénéficié du régime de réduction d'impôt prévu à l'article 199 tervicies du code général des impôts pour les dépenses engagées pour la restauration du bien dont ils sont propriétaires, ne sont pas fondés à demander la déduction d'une partie de ces dépenses de leurs revenus fonciers.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". L'article L. 80 B du même livre dispose que : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; / (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

6. Les requérants entendent se prévaloir d'une proposition de rectification adressée à un autre contribuable dans laquelle l'administration fiscale indiquait qu'en application de l'article 199 tervicies du code général des impôts, l'intéressé avait choisi de bénéficier de la réduction d'impôt " Loi Malraux " pour un montant de 100 000 euros et que seul l'excédent de 31 909 euros pouvait être pris en compte dans les frais et charges déductibles des revenus fonciers. L'appréciation ainsi portée par le service à l'égard de cet autre contribuable ne porte pas sur une situation de fait dans laquelle se trouvent les requérants. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient pris part à des actes ou opérations ayant donné naissance à la situation de fait sur laquelle a porté cette prise de position au regard du texte fiscal. Par suite, ils ne sont pas fondés à obtenir la déduction de leurs revenus fonciers des dépenses éligibles à la réduction d'impôt excédant le plafond de 100 000 euros, sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0074002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00740
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RIVIERE AVOCATS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;23nt00740 ?
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