La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2024 | FRANCE | N°23NT03509

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 23 avril 2024, 23NT03509


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 13 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour dit " retour ", ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer le visa sollici

té à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 13 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour dit " retour ", ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer le visa sollicité à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2216254 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. B... représenté par Me Macarez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour dit " retour " ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 2 000 euros hors taxe à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une inexacte appréciation des faits et une erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal a commis une inexacte appréciation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des

outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1966, a en dernier lieu bénéficié d'une carte de résident de dix ans, valide du 5 août 2011 au 4 août 2021. Il s'est rendu au Maroc au mois de janvier 2021, muni d'un laisser-passer alors que son passeport marocain était expiré. Il a sollicité la délivrance d'un visa long séjour dit de " retour ", demande qui a été rejeté le 19 mai 2022 par l'autorité consulaire à Rabat (Maroc). Par une décision du 13 octobre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait formé contre la décision de l'autorité consulaire.

2. M. A... a, le 9 décembre 2022, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation la décision 13 octobre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Il relève appel du jugement 27 octobre 2023 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour rejeter par la décision contestée du 13 octobre 2022 le recours formé par M. A... contre la décision consulaire du 19 mai 2022, la commission qui s'est fondée sur les articles L. 311-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a retenu que M. A... ne disposait, lors du dépôt de sa première demande de visa de retour, d'aucun titre de séjour en cours de validité, et ne justifiait d'aucun droit au séjour depuis le 4 août 2021.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 (...) ". L'article L. 312-5 du même code précise que : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 311-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour ou du document de circulation délivré aux mineurs en application de l'article L. 414-4 sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage ". Enfin, aux termes de l'article L. 312-4 du même code : " Un visa de retour est délivré par les autorités diplomatiques et consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu des articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-17, L. 423-18, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour ".

5. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. Entre dans ces prévisions l'étranger qui, bien qu'ayant égaré son titre de séjour, produit des pièces établissant la validité de ce titre. En dehors de ce cas, la délivrance des visas de retour par les autorités consulaires résulte d'une pratique non prévue par un texte, destinée à faciliter le retour en France des étrangers titulaires d'un titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a séjourné régulièrement en France pendant de nombreuses années et a disposé, en dernier lieu, d'une carte de résident valable jusqu'au 4 août 2021. Faute pour l'intéressé de justifier d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision consulaire contestée, ni du dépôt d'une demande de renouvellement de sa carte de résident avant son départ de France, c'est sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation que la commission a, par la décision contestée du 13 octobre 2022 rejeté son recours.

7. En second lieu, toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du relevé de carrière de l'intéressé émanant de l'assurance retraite, des avis d'imposition produits et des pièces d'identité des membres de la fratrie que M. A... est entré en France au cours de l'année 1990 pour occuper un emploi d'ouvrier agricole puis y est demeuré à compter de l'année 1992 jusqu'au mois de janvier 2021, à l'exception cependant des années 2011, 2012 et 2018, pour y exercer différents métiers, parmi lesquels celui d'agent de sécurité pour l'essentiel de la période ou comme ouvrier dans un atelier d'abattage, et a alors séjourné sous couvert de plusieurs cartes de résident dont la dernière valable jusqu'au 4 août 2021, que ses quatre frères, de nationalité française, y résident, l'un d'entre eux - Khalid A... - s'engageant à l'héberger. Dans ces conditions, eu égard, à l'ancienneté du séjour en France de M. A..., où il a fixé le centre de ses attaches personnelles et familiales et a exercé l'ensemble de sa carrière professionnelle, et alors qu'il est constant qu'il n'est retourné au Maroc au mois de janvier 2021 que pour assister, comme d'ailleurs ses frères, aux funérailles de son père, la décision contestée du 13 octobre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, confirmant celle de l'autorité consulaire du 19 mai 2022, méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... est, par suite, fondé à soutenir qu'elle est, pour ce motif, entachée d'illégalité et à en demander l'annulation.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 13 octobre 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa de long séjour dit de " retour ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2216254 du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 13 octobre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa de long séjour dit de " retour ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23NT03509 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03509
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : MACAREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;23nt03509 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award