Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 janvier, 28 juin et 22 novembre 2023, la société du parc éolien de la lande de Carmoise, représentée par Me Verger, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 14 octobre 2022 autorisant la société du Parc éolien Côtes Armor 1 à exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs d'une puissance maximale unitaire de 3,6 MW et trois postes de livraison, sur des terrains situés sur le territoire des communes de Guerlédan et de Saint-Connec ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société du parc éolien de la lande de Carmoise soutient que :
- elle a intérêt à agir dès lors que le projet autorisé affectera les conditions d'exploitation du parc éolien de la lande de Carmoise ;
- le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas de justification des droits de la société pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet ;
- l'étude de dangers est insuffisante dès lors qu'elle ne présente pas les risques induits par la proximité du parc éolien de la lande de Carmoise ;
- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors qu'elle ne présente pas les incidences du projet sur le parc éolien situé à proximité ;
- l'avis de la direction générale de l'aviation ne figure pas dans les pièces annexées à l'étude d'impact ;
- Météo France n'a pas été valablement consulté ;
- la procédure d'enquête publique méconnait les dispositions de l'article R. 181-36 du code de l'environnement ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement dès lors qu'il porte atteinte à la faune ; il ne prévient pas les dangers pour la sécurité publique ; il ne prévient pas les inconvénients pour l'utilisation rationnelle de l'énergie ;
- aucune dérogation " espèces protégées " n'a été obtenue s'agissant de l'alouette lulu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Il soutient que :
- la requête de la société du parc éolien de la lande de Carmoise n'a pas recevable dès lors qu'elle n'a pas intérêt à agir,
- les moyens soulevés par la société du parc éolien de la lande de Carmoise ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 28 avril, 13 octobre et 4 décembre 2023, la société du parc éolien Côtes Armor 1, représentée par Me Duval, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société du parc éolien de la lande Carmoise une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la société du parc éolien de la lande de Carmoise n'a pas recevable dès lors qu'elle n'a pas intérêt à agir ;
- le moyen tiré de l'absence de dérogation " espèces protégées " a été invoqué par la requérante plus de deux mois après la communication aux parties du premier mémoire en défense ;
- les moyens soulevés par la société du parc éolien de la lande de Carmoise ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 23 janvier 2024, a été présenté pour la société Parc éolien de la lande de Carmoise, postérieurement à la clôture d'instruction ordonnée le 19 décembre 2023, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Verger représentant la société du parc éolien de la lande de Carmoise, et celles de Me Lenormand, substituant Me Duval, représentant la société du parc éolien Côtes Armor 1.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 14 octobre 2022, le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé la société du Parc éolien Côtes Armor 1 à exploiter des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur les communes de Guerlédan et de Saint-Connec, comprenant quatre aérogénérateurs d'une puissance maximale unitaire de 3,6 MW et trois postes de livraison. La société du parc éolien de la lande Carmoise qui exploite quatre éoliennes situées à proximité du parc autorisé demande l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'incomplétude du dossier de demande :
2. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement applicable à la date de la décision contestée : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : (...) 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit ; (...) ".
3. Le dossier de demande d'autorisation environnementale déposé par la société du parc éolien Côtes-d'Armor 1 comporte dans son annexe 1 " l'attestation sur l'honneur de détention des accords fonciers privés " et dans son annexe 2, " les documents attestant que le pétitionnaire dispose du droit de réaliser son projet sur les terrains concernés ". Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet et méconnaît les dispositions précitées du code de l'environnement.
En ce qui concerne l'étude de dangers :
4. Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. (...)10° L'étude de dangers mentionnée à l'article L. 181-25 et définie au III du présent article ; (...) / III. - L'étude de dangers justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. Cette étude précise, notamment, la nature et l'organisation des moyens de secours dont le pétitionnaire dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre. Dans le cas des installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36, le pétitionnaire doit fournir les éléments indispensables pour l'élaboration par les autorités publiques d'un plan particulier d'intervention. L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité et la cinétique des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie agrégée par type d'effet des zones de risques significatifs. Le ministre chargé des installations classées peut préciser les critères techniques et méthodologiques à prendre en compte pour l'établissement de l'étude de dangers, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article L. 512-5. (...) ".
5. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude de dangers ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
6. Il ressort de l'étude de dangers que celle-ci a identifié et pris en compte la proximité du parc éolien de la lande de Carmoise, en indiquant que trois des quatre aérogénérateurs composant celui-ci sont présents au sein de l'aire d'étude de danger de 500 mètres autour des éoliennes projetées. Elle identifie également les dangers potentiels de l'installation projetée et en analyse de manière détaillée les risques. S'agissant des conséquences que pourraient avoir un accident majeur sur d'autres installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) dit " effet domino " et notamment sur les installations de la société requérante, l'étude de dangers précise qu'eu égard à l'état des connaissances scientifiques, l'évaluation de la probabilité d'impact d'un élément de l'aérogénérateur sur une autre installation ICPE n'est évalué que lorsque celle-ci se trouve dans un rayon de 100 mètres. Alors qu'il est constant que l'éolienne du parc de la lande de Carmoise la plus proche de l'opération projetée est située à une distance de 340 mètres, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'étude de dangers serait insuffisante, de sorte que le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
7. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". Il résulte du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les projets de parcs éoliens soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement sont soumis à évaluation environnementale. Figurent au sein de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et comprenant au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 50 mètres. Aux termes de l'article R. 122-5 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de l'autorisation : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. (...) ".
8. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
9. En premier lieu, l'arrêté contesté autorise quatre éoliennes dont la hauteur maximale au moyeu sera de 95 mètres. D'une part, il ne résulte pas des dispositions citées au point 7, qui prévoient que l'étude d'impact doit décrire les conséquences notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, que celle-ci doive procéder à l'analyse des conséquences de l'opération projetée sur les conditions d'exploitation d'un parc éolien situé à proximité, tel qu'en l'espèce celui de la lande de Carmoise. D'autre part, en tout état de cause, il résulte de l'étude d'impact que celle-ci a analysé et tenu compte de l'effet de " sillage " résultant de la proximité de l'implantation des deux parcs éoliens et a exclu, en conséquence, de retenir la variante d'implantation n° 3 qui entrainerait une perte de production des éoliennes existantes. Le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit, par suite, être écarté.
10. En second lieu, il résulte de l'instruction que la direction générale de l'aviation a émis un avis sur l'opération envisagée le 18 septembre 2020 puis, à la suite d'une modification du projet, le 4 février 2022. Si ce second avis n'était pas joint à l'étude d'impact, il est constant que l'avis émis le 18 septembre 2020 y était joint et il résulte de celui-ci que l'autorité compétente a émis un avis favorable à ce projet, situé en dehors des servitudes aéronautiques et radioélectriques associées de l'aviation civile prévue par l'arrêté du 26 août 2011 précité. En outre, l'avis favorable émis le 4 février 2022, est intégralement reproduit dans le rapport de l'inspection des installations classées du 9 septembre 2022 et a été visé dans l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la circonstance que l'avis émis le 4 février 2022 n'aurait pas été joint à l'étude d'impact n'a pas été de nature à nuire à l'information complète de la population ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Le moyen tiré de ce que l'avis de la direction générale de l'aviation émis le 4 février 2022 n'était pas annexé à l'étude d'impact doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la consultation de Météo France :
11. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité de la navigation aérienne et de sécurité météorologique des personnes et des biens. A cette fin, les aérogénérateurs sont implantés dans le respect des distances minimales d'éloignement indiquées ci-dessous sauf si l'exploitant dispose de l'accord écrit du ministère en charge de l'aviation civile, de l'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens ou de l'autorité portuaire en charge de l'exploitation du radar. ". Il résulte du tableau n° 1 figurant à l'article 4 précité que la distance minimale d'éloignement des installations des radars X doit être de 10 kilomètres.
12. Il résulte de l'instruction que Méteo France a été consulté, notamment le 10 août 2020, et a indiqué que le projet de parc éolien est situé à 16 kilomètres du radar de bande de fréquence X utilisé, soit à plus de dix kilomètres comme prescrit par les dispositions précitées, et que dès lors, son avis n'était pas requis pour l'instruction de la demande d'autorisation environnementale sollicitée. Le moyen tiré de la consultation irrégulière de Météo France doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'enquête publique :
13. Aux termes de l'article R. 181-36 du code de l'environnement : " La consultation du public est organisée selon les modalités du chapitre III du titre II du livre Ier, sous réserve des dispositions de l'article L. 181-10, de l'article R. 181-35, ainsi que des dispositions suivantes : 1° Lorsque la consultation du public est réalisée sous la forme d'une enquête publique, le préfet prend l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête prévu par l'article R. 123-9 au plus tard quinze jours après la désignation du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ou, lorsque la réponse du pétitionnaire requise par le dernier alinéa du V de l'article L. 122-1 est plus tardive que cette désignation, après la réception de cette réponse (...) ".
14. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
15. La circonstance que l'enquête publique ait été prescrite par un arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 4 mai 2022, plus de 15 jours après la désignation du commissaire enquêteur intervenue le 14 avril 2022, n'est pas de nature à avoir exercé une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté.
En ce qui concerne les atteintes environnementales :
16. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ainsi qu'à l'article L. 161-1 du code minier selon les cas. II.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".
S'agissant de l'atteinte portée à la faune :
17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la variante n° 3 d'implantation des éoliennes comprenant seulement trois aérogénérateurs, dont l'étude a été recommandée par la mission régionale d'autorité environnementale de Bretagne du 11 mars 2022 afin d'éviter les impacts sur la faune de l'éolienne E3, a été instruite mais n'a pas été retenue par la société pétitionnaire compte tenu de ses effets limités sur l'environnement, de l'ensemble des mesures de réduction envisagées dans le cadre d'un projet comportant quatre éoliennes et des incertitudes de la rentabilité économique d'un tel projet. Il ressort ainsi de l'étude d'impact que " compte tenu des inconvénients que présente la suppression de l'éolienne E3, le projet retenu au sein de l'étude d'impact demeure le projet le plus pertinent au regard de l'ensemble des critères environnementaux et techniques ". Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une variante à trois éoliennes n'aurait pas été étudiée par la pétitionnaire.
18. En deuxième lieu, s'agissant des chiroptères, il ressort de l'étude d'impact que les éoliennes sont implantées en partie ou en totalité dans une zone de dispersion de vulnérabilité forte et que leurs impacts bruts sont considérés, selon leur implantation, comme faibles à forts. Toutefois, il résulte de l'instruction que des mesures d'accompagnement ont été prévues afin de limiter les impacts du projet sur les chiroptères. Ainsi, il est prévu, à plus d'un kilomètre des éoliennes projetées, de changer les pratiques agricoles sur 20 hectares de cultures céréalières et de créer une haie pour connecter deux haies existantes ce qui doit permettre de créer des habitats favorables aux chauves-souris plus éloignés des éoliennes projetées. Les plateformes des éoliennes et leurs abords seront également rendus non attractifs pour les oiseaux et les chiroptères. En outre, le projet prévoit des mesures de bridage conduisant à l'arrêt des aérogénérateurs sur une période correspondant à 98,5% de la période d'activité des chauves-souris. Enfin, il est prévu de mettre en œuvre un suivi environnemental, conduisant, si des impacts significatifs sont constatés, à la mise en œuvre de mesures de réduction supplémentaires. A cet égard, la mission régionale d'autorité environnementale de Bretagne a dans son avis du 11 mars 2022, estimé que ces mesures sont pertinentes pour la préservation des espèces de chauves-souris et qu'elles devraient permettre de réduire significativement les incidences sur les populations de chauve-souris. L'ensemble de ces mesures ont été reprises au sein de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté porterait atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement, s'agissant des chiroptères.
19. En troisième lieu, d'une part, il résulte du rapport des installations classées pour la protection de l'environnement du 9 septembre 2022 que si le projet éolien prévoit la suppression de 87 m² de haie et de dix-sept arbres isolés dont l'enjeu est considéré comme faible, les dates de travaux seront adaptées afin d'éviter des impacts sur la faune. En outre, le projet prévoit la plantation de 184 mètres linéaires de haies talutées. Cette mesure compensatoire a été reprise au sein de l'arrêté contesté. D'autre part, comme il a été dit au point précédent, le projet contesté vise à créer de nouveaux habitats plus éloignés des éoliennes afin d'en réduire l'impact sur les chauves-souris. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet contesté porterait atteinte à des haies constituant un habitat pour l'espèce protégée de la barbastelle d'Europe.
20. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté ne porte pas atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement, s'agissant de de la faune.
S'agissant des atteintes portées à la sécurité publique :
21. L'étude de dangers dont il n'est pas démontré qu'elle serait insuffisante, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, identifie les dangers potentiels de l'installation projetée et en analyse de manière détaillée les risques pour la sécurité publique. Cette étude conclut que le projet autorisé " permet d'atteindre (...) un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu des connaissances et des pratiques actuelles. Les risques résiduels sont acceptables, ce qui confirme la sureté du projet éolien ". En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les effets de sillage et les turbulences, à les supposer établis, qui pourraient être créés par le projet contesté induiraient des risques pour la sécurité publique. Enfin, il ressort de l'étude concernant les pertes de rendement énergétique et l'impact sur la durée de vie causés par l'opération projetée que cette dernière n'aura aucune conséquence sur la durée de vie des matériels du parc éolien de la lande de Carmoise. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté porterait atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement, s'agissant de la sécurité publique, doit être écarté.
S'agissant de l'atteinte à l'utilisation rationnelle de l'énergie :
22. D'une part, en l'espèce, alors que le projet contesté vise à la production d'énergie électrique, il ne saurait être regardé comme méconnaissant l'objectif d'utilisation rationnelle de l'énergie. D'autre part, le projet en litige d'une puissance totale maximale de 14,4 MW conduit à accroître la production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Ainsi, la circonstance, à la supposer avérée, qu'un tel projet induise une diminution de 9 % de la production d'énergie du parc éolien voisin de la lande de Carmoise, ne permet pas d'établir la méconnaissance de l'objectif dont la société requérante se prévaut.
23. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement doit être écarté.
En ce qui concerne la dérogation " espèces protégées " :
24. Aux termes de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. (...) ". Aux termes de l'article R. 311-5 du même code : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l' article L. 511-2 du code de l'environnement , à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : 1° L'autorisation environnementale prévue par l' article L. 181-1 du code de l'environnement ; (...) ".
25. Il résulte de l'instruction que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté n'a pas été précédé d'une demande de dérogation " espèces protégées " au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, lequel ne se rattache pas au moyen tiré de ce que le projet contesté porte atteinte à la faune, a été soulevé pour la première fois par la société requérante dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 22 novembre 2023. Toutefois, alors que le premier mémoire en défense a été communiqué aux parties à l'instance le 2 mai 2023, le délai de deux mois résultant des dispositions précitées de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative, pour soulever de nouveaux moyens était expiré. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de dérogation " espèces protégées " est irrecevable ainsi que l'oppose la société du Parc éolien Côtes Armor 1 en défense.
26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense tirées de l'absence d'intérêt à agir, que la société du parc éolien de la lande de Carmoise n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société du parc éolien de la lande de Carmoise au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société du parc éolien de la lande de Carmoise une somme de 1 500 euros à verser à la société du parc éolien Côtes Armor 1 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société du parc éolien de la lande de Carmoise est rejetée.
Article 2 : La société du parc éolien de la lande de Carmoise versera à société du parc éolien Côtes Armor 1 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société du parc éolien de la lande de Carmoise, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société du parc éolien Côtes Armor 1.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00226