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19/04/2024 | FRANCE | N°23NT03297

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 19 avril 2024, 23NT03297


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un d

élai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2303773 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Maral, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est une ressortissante géorgienne née en 1995. Entrée en France le 14 août 2018 en compagnie de sa mère et de sa fille, A..., elle a sollicité l'asile le 21 août 2018. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 mars 2019 et le recours formé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 juin 2019. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris le 17 mai 2019 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours en annulation formé contre cet arrêté. Le 28 novembre 2019, Mme C... a demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Le 22 juin 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté cette demande et a de nouveau obligé l'intéressée à quitter le territoire français. Par jugement du 1er avril 2021, le même tribunal a rejeté le recours en annulation de Mme C.... L'appel de celle-ci a été également rejeté le 7 janvier 2022. Le 16 février 2023, Mme C... a, une nouvelle fois, demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le 30 juin 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté cette demande et décidé, à nouveau de faire obligation à Mme C... de quitter le territoire français. Par un jugement du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation de Mme C... formée contre ce dernier arrêté. Mme C... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur de droit, ces moyens ne relèvent pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale, nécessitant un traitement par dialyse ou une greffe de rein, et d'une dépression sévère. Dans son avis du 6 avril 2023, au vu duquel le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris l'arrêté contesté du 30 juin 2023, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé permettait un voyage sans risque vers ce pays. S'agissant de l'insuffisance rénale chronique terminale, la dialyse est disponible en Géorgie, selon la fiche " MedCOI " du 27 avril 2022. Mme C... a d'ailleurs indiqué au psychologue qui la suit, comme celui-ci l'atteste le 12 août 2022, qu'elle a été dialysée en Géorgie. Le document très partiel et imprécis de l'Organisation mondiale de la santé dont elle se prévaut est, à cet égard, insuffisamment probant. Si elle soutient que la greffe en Géorgie n'est possible que par des donneurs vivants et que sa mère n'est pas compatible et son frère n'y a pas consenti, elle n'apporte aucun élément permettant de l'établir, l'attestation médicale du 7 juin 2019 étant très imprécise sur ce point. En tout état de cause, il ressort de comptes-rendus médicaux que la greffe rénale est contre-indiquée pour l'intéressée du fait de sa pathologie psychiatrique non stabilisée, dans un contexte de toxicomanie aux médicaments opiacés et d'une mauvaise observance des traitements et des rendez-vous. S'agissant du traitement dont Mme C... a besoin pour traiter sa dépression sévère, un suivi psychiatrique ambulatoire, à court ou à long terme, est disponible en Géorgie selon la fiche MedCOI du 27 octobre 2021. Selon le même document, la mirtazapine (antidépresseur) y est également est disponible. Il en est de même, au vu de la fiche MedCoi du 14 juillet 2020, de la clomipramine (antidépresseur). Quant à la cyamémazine (Tercian), l'OFII a indiqué en première instance, sans que la requérante n'apporte d'éléments contraires, qu'elle pouvait être facilement remplacée par des produits équivalents et plus récents, par exemple la quétiapine, qui est disponible en Géorgie. Enfin, au vu de la fiche MedCoi du 1er février 2023, le traitement des addictions y est également possible. Si la requérante prend également un médicament appelé Bisoce, qui appartient à la famille des bêtabloquants, à supposer qu'il ne soit pas disponible dans son pays d'origine, il n'est établi ni que des molécules équivalentes seraient indisponibles en Géorgie, ni que l'absence de continuité de ce seul médicament serait de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressée. Enfin, il ressort d'un compte-rendu médical du 3 mars 2023 qu'elle ne prend pas son traitement complémentaire de la dialyse à base de Kayexalate et il n'est pas établi que des molécules équivalentes ne seraient pas disponibles en Géorgie. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 14 août 2018, soit près de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, avec sa mère et sa fille née en 2015. Sa mère a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire le 17 mai 2019, non exécuté. L'intéressée ne fait pas état de liens noués en France d'une particulière intensité. Rien ne fait obstacle à ce que l'enfant de Mme C... poursuive sa scolarité dans son pays d'origine, où la cellule familiale pourra se reconstituer et où vit son frère. Au vu de ces éléments, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Pour les motifs indiqués aux points 3 à 8, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03297
Date de la décision : 19/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : MARAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-19;23nt03297 ?
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